Le café-restaurant Les Récupérables, co-géré par Silvia Flores et Sarah Goter, a ouvert ses portes en août 2022, 144 rue de Nantes. Une cuisine écoresponsable y est servie et dévoile un travail gastronomique autour des fruits et légumes invendus en respectant des principes de saisonnalité et de localité. Carottes, navets, courgettes et autres cucurbitacées sont ainsi récupérés puis sublimés afin de révéler le potentiel de ces aliments destinés à la poubelle.
Le projet Les Récupérables, installé rue de Nantes à Rennes, prend forme à la fin d’été 2022 et naît d’un constat pour le moins alarmant : en France, le gâchis alimentaire répertorié s’élève à 10 millions de tonnes par an dont la moitié sont des fruits et légumes. Sarah Goter, cogérante du restaurant s’excède face au paradoxe « entre le gâchis alimentaire et le budget que représente le fait de manger éco-responsable ». C’est ainsi qu’émerge l’idée de monter un restaurant autour de la réutilisation des invendus, principalement les fruits et légumes.
Silvia Flores s’associe au projet après l’avoir découvert sur les réseaux sociaux. Nos deux sauveteuses alimentaires se fournissent auprès de producteurs locaux et adoptent une cuisine éthique. « L’ambition, c’est qu’un jour on ait une assez grande équipe et qu’on puisse aller faire les fins de marché. Mais pour le moment, on est une petite équipe de trois personnes pour gérer une salle de 48 places, on ne peut pas décrocher pour faire les fins de marché », avoue Sarah Goter. Chez Les Récupérables la cuisine est originale dans les saveurs et associations de produits et tout est fait maison, jusqu’au levain qui lève leur pain. Le restaurant est d’ailleurs certifié I Love micro-biome qui célèbre une nourriture saine et équilibrée.
Lorsque nous arrivons devant le restaurant, de grandes baies vitrées donnent vues sur l’intérieur. La décoration y est naturelle, un peu bohème chic. Nous entrons, et au-dessus de nos têtes court un chemin de plafond en blé coupé. Une ambiance champêtre dans laquelle il fait bon s’installer et qui reflète déjà l’univers culinaire du lieu. Les chaises sont confortables, la table bien dressée et Sarah Goter, très sympathique, vient prendre notre commande. Le choix est restreint au menu hebdomadaire qui se compose d’une formule avec une entrée et un plat pour 15 €. Un parti pris qui s’explique, entre autres, par la volonté d’avoir un service efficace et de guider la clientèle vers la découverte de nouveaux plats ou de nouvelles saveurs.
En cette fin de mois d’octobre, le menu de cette semaine se teinte d’une jolie couleur automnale, à commencer par l’entrée. Carottes rôties, crème de tahini moutardée, crumble de parmesan, sésame grillé et citron confit, que les papilles sensibles à l’amertume seraient tentées d’écarter. La crème était délicieuse à saucer avec le pain au levain agrémenté, selon l’humeur de la cheffe, de graines de lin.
Le suite du repas se poursuit avec le plat principal : purée de potimarron accompagnée de pommes de terre sautées, sarrasin grillé, dukkah (1), pommes crues et pickles. Le tout était épicé au cumin et agrémenté de noisettes concassées. Nous nous sommes laissés tenter par un complément œuf parfait (+1€) à la cuisson… parfaite ! Les portions étaient généreuses et la conciliation, inhabituelle, de ces aliments constituait un plat très nourrissant. Nous avons cependant émis quelques réserves quant aux pommes de terre sautées, un peu sèches.
Le repas se conclut avec un café et une touche sucrée, le « Bun Chaï », une sorte de cinnamon roll relevé aux épices chaï (cannelle, gingembre, cardamome, badiane…). Vous apprécierez particulièrement cette viennoiserie pour son côté peu sucré. Mais étant très gourmande, nous le déconseillons pour une fin de repas si la faim n’est pas au rendez-vous. Selon les appétits, elle se prêterait sans doute mieux à une pause thé ou un goûter, autre versant de l’activité des Récupérables.
Le café était bon et puissant. Le restaurant se fournit chez le torréfacteur Les Cafés Félix, un producteur qui fait attention à l’impact social et environnemental de son café qu’il torréfie à Pacé. « Il n’y a que les épices et le café qui viennent d’ailleurs », plaisante Silvia qui explique que ces produits sont sélectionnés avec soin : « pas de travail d’enfants pour les épices et pour le café, les travailleurs sont rémunérés au juste prix. On fait aussi attention à ce que la production de ces produits ne détruise pas la planète ».
Bien que les plats soient principalement composés à base de produits végétaux, Sarah et Silvia ne s’interdisent pas de cuisiner de la viande ou du poisson. Elles admettent toutefois préférer limiter cette cuisine par souci de conscience sociale et environnementale. Il est plus difficile de trouver de la viande qui respecte un principe d’écoresponsabilité faute d’une moins bonne traçabilité et des pratiques abusives dont les animaux peuvent être victimes (exploitation de la maternité animale, dessaisonalisation des troupeaux de chèvres, etc.). De plus, l’élevage animal représente une émission de carbone supérieure à celle de l’agriculture d’autant plus quand cette dernière est raisonnée.
Comme avec Les Cafés Felix, Les Récupérables travaillent exclusivement avec des producteurs qui partagent leurs valeurs. Avant le début du repas nous avons par exemple commandé deux jus de fruits dits « du moment » de l’Atelier du coucou : le premier à base de carotte, pomme et gingembre, et le second, pêche et fruit de la passion. L’ancien restaurateur du Coucou Rennais, Hasan Geldec, récupère depuis deux ans les fruits invendus de la Biocoop et d’autres maraîchers pour les transformer en jus de fruits. « Parfois, ça peut paraître illogique ou peu cohérent, parce qu’on va proposer des jus à base de fruits de la passion qui n’est pas un fruit local, mais le fruit n’est pas consommé, il partirait quand même à la poubelle… Dans la mesure où ce fruit fait déjà le tour de la planète, ce n’est pas, en plus, pour le jeter derrière », explique Silvia Flores. « On ne l’achèterait pas pour le mettre dans une assiette, mais on le récupère auprès du fournisseur, qu’on le soutient dans sa démarche. »
L’écoresponsabilité du restaurant jaillit de l’assiette et se retrouve dans l’essence même du lieux. Les Responsables composte leurs déchets à l’aide d’un lombricomposteur. Les lombrics sont des vers de terre d’une certaine espèce qui mangent rapidement les déchets et en dégage un terreaux très fertilisant. Silvia et Sarah le réutilisent dans leur potager d’où proviennent les fleurs et herbes aromatiques qu’elles utilisent dans les plats. « L’idée est d’avoir le cercle le plus vertueux possible », déclare Sarah Goter.
Tout l’agencement de la salle et de la cuisine est majoritairement le résultat d’un home staging. Les chaises, tables, éléments de décoration et vaisselles, ont été récupérés dans des boutiques de seconde main comme Emmaüs ou La Belle déchette. Une partie de la vaisselle est même celle de la grand-mère de Sarah. L’investissement social des Récupérables se retranscrit dans les activités qu’organise le lieu. Tout les premiers dimanches du mois, le restaurant accueille une exposition d’un artiste local. En plus de modifier la décoration de la salle, Silvia explique qu’il s’agit aussi d’un moyen pour « les habitants du quartier d’accéder à l’art ».
Mais pour les co-gérantes, Les Récupérables c’est avant tout « un lieu de vie où l’on papote, on rigole on s’amuse, parfois on danse… Les enfants se baladent partout, ils ont d’ailleurs un coin qui leur est dédié. On n’interdit rien et on ne s’interdit rien nous-même ». Plus qu’un restaurant, Les Récupérables est un lieu de rencontre et de partage. La promesse de l’existence d’alternatives et de changements dont nous avons cruellement besoin.
(1): Un mélange de graines, de noix et d’épices du Moyen-Orient.
Retrouvez Les Récupérables, 144 rue de Nantes 35000 Rennes
Horaires:
Du mardi au samedis : 09h30 – 18h00
Compte Instagram: Les.récupérables