Librairie Comment dire ou comment Aliénor Mauvignier dit sa littérature à Rennes

Comment dire ? Simplement pourquoi Aliénor Mauvignier désire s’insérer dans le tissu des librairies de Rennes. Ouverte depuis le 2 septembre au 5 rue Jules Simon, les Rennais semblent d’emblée répondre favorablement à cette nouvelle proposition de la librairie Comment dire fondée sur le leitmotiv de sa créatrice : une curiosité exigeante et toujours renouvelée.

what is the word folly – folly for to – for to – what is the word – folly from this – all this – folly from all this – given – folly given all this – seeing – folly seeing all this – this – (Samuel Becket, What Is the Word, 1988) 

Ils sont trois à vous accueillir à la librairie Comment dire sise 5, rue Jules Simon à Rennes : Aliénor Mauvignier, Matthieu (qui a œuvré près de 15 ans à la librairie Ariane) et une jeune apprentie. À travers la gravité et le désir qui émanent de leur visage se lie toute l’envie de ses 6 mains d’arriver à ancrer un lieu, un repère, une proposition précise et de qualité.

Unidivers – Comment la vie vous a-t-elle décidé à devenir libraire ?

Aliénor Mauvignier – Après l’obtention de mon bac, je me suis en quelque sorte égarée en sciences éco. Cela étant, je me suis reprise et interrogée : que peux-tu et veux-tu faire ? La réponse s’imposa vite en tant que grande lectrice : le livre. Dès lors, j’ai assisté à une journée d’orientation afin de me repérer dans les métiers du livre. Le choix fut vite fait : je serai libraire.

librairie comment dire rennes

Après un an en IUT métiers du livre à Bordeaux, j’ai été embauché à La Machine à lire où j’ai servi avec joie durant 9 ans. C’est là où j’ai tout appris. Mais, après sept ans, une forme lancinante d’usure s’était insinuée et je suis partie afin de tenter une expérience dans la diffusion au profit de petites maisons d’édition indépendantes. Mais elle ne fut pas couronnée de succès ; l’ambiance de la libraire me manquait.

Je suis revenue à mon premier et seul amour : la librairie. Toutefois, à un échelon plus important. J’ai géré l’ouverture d’une libraire de 700m2 dans un centre Leclerc de 2500m2 à Bordeaux. Ce fut une séquence enrichissante, mais je ressentais une divergence quant au modèle économique, intellectuel, politique… Aussi ai-je décidé de retrouver mon réseau, un esprit et une taille d’établissement plus en accord avec mon rapport aux livres. Ce fut l’Ombre blanche à Toulouse.

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Un moment heureux de ma vie professionnelle. Qui a duré 16 ans. J’ai été recrutée en tant que librairie encadrante en littérature et sciences humaines. Quelques années après, les propriétaires, Martine et Christian, m’ont proposé de conserve avec l’une de mes collègues de racheter la librairie. Un moment extra dans l’une des meilleures libraires de France.

Mais des événements dans ma vie professionnelle, le confinement, la prise de conscience que le lieu – 1800 m2, 50 salariés – était trop grand pour moi eurent raison de mon engagement. J’avais envie de revenir sur le terrain, au conseil. Je ne me satisfaisais pas de dédier la majeure partie de mon temps à la gestion qui échoit à tout chef d’entreprise. Aussi ai-je revendu mes parts.

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Unidivers – Mais pourquoi avoir quitté le Sud-Ouest ?

Aliénor Mauvignier – Je ne voulais ni rester à Toulouse ni même dans le Sud-Ouest. Quant à mon époux [l’écrivain Laurent Mauvignier], il comptait depuis longtemps se rapprocher de Paris. Et tous deux, nous souhaitions continuer à profiter du bonheur qu’offre le voisinage de la mer ou de l’océan. Mes recherches m’ont ainsi orienté vers le quart Grand ouest. À la recherche d’une ville de bonne taille douée d’un beau dynamisme culturel.

Les visites de La Rochelle, Nantes, Brest, Lille, Caen, se soldèrent à chaque fois par le sentiment que la proposition que je concevais n’y ferait pas florès. Un jour, un libraire de la région m’a suggéré une implantation à Rennes. Je suis venue y passer 3 jours ; ce fut l’évidence : ici, mon projet viendrait heureusement se glisser dans les plis et interstices du tissu existant.

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Unidivers – Comment présenteriez-vous la singularité de votre proposition ?

Aliénor Mauvignier – Une librairie pas trop grande, curieuse et animée par une constante sérendipité*. À taille humaine avec 8-9000 références toutes soigneusement choisies. Principalement de la fiction, des beaux-arts et des sciences humaines. Et un esprit qui est autant une ligne de conduite : la promotion du catalogue d’auteurs et éditeurs indépendants. Également des titres anciens, contre la tyrannie de la nouveauté. En somme, une proposition qui tente de dessiner une géographie intime, évidemment subjective ; pas tant ma bibliothèque personnelle qu’un regard sur le monde, sur ce qui nous relie et nous invite à vivre ensemble. Peut-être aussi la recherche d’un liant dans les oppositions.

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Unidivers – Un livre a-t-il chamboulé votre vie ?

Aliénor Mauvignier – Sans conteste Sa Majesté les mouches de William Golding. Sa lecture remonte à mes 12 ans, peut-être 13. Je garderai en tête ma vie durant  la puissance évocatoire des scènes sauvages et la leçon politique et organisationnelle qui s’en dégage. Si je peux me permettre un second choix : le Joueur de Dostoïevski qui distille à nul autre pareil un puissant sentiment d’inquiétude.

Unidivers – En matière de communication, quelles formes d’actions pensez-vous déployer ?

Aliénor Mauvignier – Pour commencer, nous avons décidé d’organiser une rencontre avec un auteur toutes les 3 semaines. C’est Lucas Belvaux qui ouvre le bal avec Les tourmentés, premier volume d’une trilogie. Mon ambition est d’inscrire l’activité de la librairie Comment dire dans la politique globale culturelle de la ville. Aussi je travaille à la mise en place d’actions conjointes avec la Maison de la poésie, le TNB et les Champs libres notamment.

Librairie Comment dire, 5 rue Jules Simon 35000 Rennes

* La sérendipité désigne la possibilité de saisir l’utilité d’une découverte inattendue, quelque chose du « coup heureux », de la « bonne heure », du « kairos » aristotélicien.

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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