Depuis le 4 mars 2021, intermittents du spectacle, étudiants et professionnels de la culture ont lancé un mouvement d’occupation des théâtres de France afin de dénoncer un manque de juste considération du gouvernement et réclamer la réouverture des lieux culturels. Rennes a répondu à l’appel à manifestation du vendredi 12 mars 2021. Ils sont plusieurs à occuper depuis l’Opéra de Rennes pour une seule et bonne raison : se faire entendre. Une délégation du collectif sera reçue cet après-midi par un membre du cabinet de la ministre de la Culture Roselyne Bachelot, venue à Rennes pour visiter le chantier de l’Antipode.
Depuis octobre 2020, la culture est au point mort. L’ensemble des lieux culturels reste fermé sine die. C’est l’une des mesures qui fait le plus de débat depuis le début de la pandémie. Pour faire suite à cette mesure gouvernementale, collectifs d’artistes, intermittents du spectacle, étudiant.es et différents soutiens à la culture ont décidé de faire entendre leur voix. Selon Fanny, 20 ans, auxiliaire de vie et pratiquante amateur de piano, « c’est super important de montrer son mécontentement, d’être pris au sérieux et que l’on reprenne la place publique ».
Le mouvement d’occupation des théâtres de France s’est lancé jeudi 4 mars 2021 au théâtre de l’Odéon à Paris dans le but de dénoncer le manque de considération, réclamer la réouverture des lieux, et davantage de mesures de soutien à leur égard. « On demande aussi plus de cohérence dans les décisions prises. On est là pour travailler et il est clairement possible de mettre en place des mesures qui empêcheraient la diffusion du virus », déclare à son tour Maxime, 30 ans, intermittent du spectacle, en prenant l’exemple de l’entassement de la population dans les magasins non-essentiels. Il ajoute : « C’est assez contradictoire de laisser une partie de la société s’asphyxier, alors qu’elle est à même de prendre ses responsabilités, et d’être plus souples avec une autre partie qui ne l’est pas autant. C’est aussi ce paradoxe-là que l’on a envie d’abattre ».
Le mouvement s’est répandu à l’échelle nationale : Lille, Nantes, Strasbourg, Lannion, etc. Une soixantaine de lieux est actuellement occupée dans l’hexagone. Après l’appel lancé vendredi 12 mars par la Coordination des Intermittents et Précaires de Bretagne et de la CGT Spectacle, une soixantaine de personnes s’était rassemblée devant l’Opéra de Rennes ; plusieurs collectifs et syndicats d’artistes ont rencontré la Direction. Ils occupent depuis les lieux et, avec l’accord du directeur Matthieu Rieztler, des assemblées générales sont quotidiennes organisées (capacité de 30 personnes pour des raisons sanitaires). « Une agora est organisée tous les jours à 13 h en semaine et à 14 h le week-end », souligne Fanny qui a elle-même participé à l’occupation de l’Opéra de Rennes, organisée avec un système de rotation.
En ce jeudi 18 mars, l’occupation se poursuit. Une trentaine de personnes, dispersée en petits groupes, est rassemblée place de la Mairie alors que le slogan « Vivre sans art et sans culture » est accrochée à une des fenêtres de l’Opéra de Rennes.
« On a besoin de faire corps ensemble, de faire entendre des voix et de mettre des slogans au milieu de l’espace public pour se le réapproprier », Maxime, intermittent du spectacle.
La France compte aujourd’hui 120 000 intermittents du spectacle – comédien.nes, acteur.rices, musicien.nes, régisseur.ses, etc. Des personnes qui participent à faire vivre la culture – certains en coulisses, d’autres sur le devant de la scène. « Des leviers politiques se font en ce moment et de l’argent est injecté dans la culture, mais ces mesures ciblent une certaine forme de culture, comme les acteurs institutionnels ou du moins ceux qui ont l’habitude de fonctionner avec l’institutionnel. Beaucoup de personnes sont totalement exclues de ces aides alors qu’ils et elles sont concerné.es », précise-t-il. Le gouvernement a récemment annoncé que 20 millions d’euros supplémentaires seraient débloqués pour le milieu culturel.
Entre le confinement, l’annulation des festivals estivaux, la fermeture des structures culturelles et celles des bars (organisateurs de concerts), leur activité demeure obstinément en stand by, sans réelle lueur d’espoir quant à l’avenir. Le dispositif d’une « année blanche » a été mise en place afin de lutter contre cette précarité et pallier cette situation. Les intermittents du spectacle concernés par ce dispositif sont ceux justifiant d’une fin de droits aux allocations qui se situe entre le 1er mars 2020 et le 30 août 2021 (inclus). Qu’ils aient ou pas atteint les 507 heures réglementaires à leur date d’anniversaire, leurs droits à l’assurance chômage sont prolongés jusqu’à la fin de l’été 2021. Les intermittents demandent la prolongation de cette indemnisation.
Étant donné ce bouillonnement de culture, la place de la Mairie de Rennes est susceptible de devenir durant cette période d’occupation un lieu improvisé de spectacles et de performances artistique orchestrés par les professionnels de la culture. « C’est clairement l’idée, mais il faut quand même montrer patte blanche au vue la situation. C’est un travail de stratégie et de logistique à mettre en place », déclare Maxime. « On ne peut pas programmer à proprement parler des spectacles, ce serait des événements », ajoute Fanny. Mais l’envie est là et la spontanéité du moment fera peut-être le reste.
En attendant, le mouvement se poursuit. Et ce, « jusqu’à ce que le gouvernement bouge », pour reprendre les mots de la jeune femme interrogée. Une délégation du collectif sera reçue cet après-midi par un membre du cabinet de la ministre Roselyne Bachelot, venue à Rennes pour visiter le chantier de l’Antipode. Les premières demandes concerneront le retrait de la réforme de l’assurance chômage et la prolongation de l’indemnisation.