Allocution d’ouverture de la maire Nathalie Appéré lors du Conseil municipal de Rennes du 14 octobre 2024. En jeu, le rapport entre les finances publiques, la sécurité publique, le narcotrafic, les mesures prises pour répondre à une situation d’insécurité qui empire à Rennes, l’opposition à l’armement de la police municipale que réclament des policiers municipaux soutenus par l’opposition. Suit une partie de la réponse de Charles Compagnon, conseiller et président du groupe d’opposition.
Mes chers collègues, en ouvrant notre Conseil, je souhaite évoquer la situation particulièrement dramatique dans laquelle se trouvent nos finances publiques. Et les conséquences directes et lourdes pour notre collectivité au regard des mesures budgétaires annoncées par le gouvernement en fin de semaine dernière. En multipliant les cadeaux fiscaux aux plus favorisés et aux grandes entreprises, le président de la République et ses gouvernements successifs ont fait le choix de priver l’État de 60 milliards d’euros de recettes publiques, chaque année. Et pour quel résultat ? En lieu et place du ruissellement promis, les inégalités ont explosé dans notre pays. Les orfèvres de la finance ont en réalité vidé les caisses de l’Etat. En le dissimulant aux Français. Alors aujourd’hui on nous présente la note. Et les conséquences vont être dramatiques, singulièrement pour nos services publics.
Que dire, en effet, des coupes drastiques annoncées dans l’Éducation nationale, dans la Santé, qui sont pourtant déjà en crise et ont au contraire besoin de politiques volontaristes et de moyens ? Que dire du renoncement à toute ambition en matière de bifurcation écologique, alors que nous subissons, déjà, les effets du dérèglement climatique ? Que dire de la stigmatisation de nos agents publics, qui seraient forcément trop nombreux, trop paresseux ? Lorsque j’entends cela, je nous rappelle collectivement que le dernier gouvernement qui a fait du “non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux” l’étendard de sa politique, sous Nicolas Sarkozy, a précipité nos services publics dans une crise profonde qu’ils connaissent aujourd’hui. Souvenons-nous que ce gouvernement Fillon, auquel appartenait Michel Barnier, a supprimé 10 000 postes de policiers et de gendarmes !
Partout dans le pays, la brutalité des annonces du gouvernement a plongé les élus locaux dans la sidération. Méprisées, stigmatisées, privées de leur autonomie financière, nos collectivités ont pourtant tenu bon face au tourbillon de crises de ces dernières années – crise sanitaire, crise énergétique, crise sociale, crise climatique, s’il était nécessaire de les rappeler. Alors que nous bouclons notre budget 2025, l’État vient nous présenter la facture de la faillite qu’il a lui-même créée. Rien que pour 2025, et pour la seule Ville de Rennes, l’impact direct est de 11 millions d’euros. C’est du jamais vu ! Parce que 11 millions d’euros, c’est une nouvelle école. Boucler un budget avec une telle somme en moins, cela reviendrait à fermer nos crèches pendant 4 mois. Ou tous nos équipements culturels pendant 6 mois. Ou ne plus entretenir les espaces verts la moitié de l’année. C’est aussi l’équivalent du budget annuel de notre Police municipale et de l’ensemble de nos actions en faveur de la tranquillité publique.
Mes chers collègues, cette catastrophe budgétaire annoncée est particulièrement révoltante au regard des besoins de service public. Au regard précisément des besoins en matière de sécurité, si l’on en juge par les épisodes de violence qu’a connus notre ville dans la période récente, comme malheureusement de trop nos nombreux territoires dans le pays. Les règlements de comptes sur fond de lutte de territoires préoccupent gravement les Rennaises et les Rennais et, je le sais, chacune et chacun d’entre nous dans cette assemblée. La puissance des narcotrafiquants semble sans limite.
Car c’est malheureusement bien de cela qu’il s’agit. De mafias internationales qui brassent des milliards et des milliards d’euros. Qui étendent, partout, leur emprise sur les États. Et qui, par leur puissance financière, par la corruption qu’ils utilisent en masse, par l’ultra-violence qu’ils généralisent, par la terreur qu’ils veulent faire régner, menacent peu à peu notre République.
Au bout de cette chaîne criminelle, il y a nos villes, nos quartiers, et nos habitants, qui se trouvent confrontés à la violence des dealers, à l’angoisse des règlements de comptes. Partout en France. Avec toujours plus de violence. Comment ne pas être horrifié en constatant qu’un enfant de 14 ans – 14 ans ! – puisse devenir tueurs à gages, comme à Marseille récemment.
Alors face à cela, il n’y a malheureusement pas de solution miracle, ni ici ni ailleurs. Il faut un combat lucide et déterminé des États et de l’Union européenne au plan international. Il faut des enquêtes, des procès, des condamnations. Il faut un travail de renseignement. Il faut des juridictions spécialisées. Il faut des policiers sur le terrain. Il faut aussi de la prévention, des actions de santé et d’éducation, pour s’occuper des consommateurs. Il faut de la coordination, du travail partenarial, au quotidien, dans les territoires, entre les autorités, préfecture, police, justice, mairie, organismes HLM, acteurs associatifs et de santé… Et pour tout cela il faut des moyens. Notre pays s’est doté, à juste titre, de moyens pour combattre le terrorisme, qui le frappait durement, il y a 10 ans. Les moyens massifs et l’organisation mise en place, à l’image du parquet national antiterroriste, doivent inspirer la lutte contre le narcotrafic.
Face à cela, mes chers collègues on peut, à l’inverse, choisir de réduire le spectre du débat. On peut considérer que la solution face à l’emprise du narcotrafic serait très simple : équiper nos policiers municipaux d’armes létales. Pour notre part, nous avons une approche à la fois lucide, volontariste et pragmatique : adapter les moyens municipaux aux missions de nos agents, dans le cadre des lois de notre République. Et si ce cadre devait évoluer, si les compétences et les missions de nos agents devaient évoluer, alors la question de leur équipement se poserait à nouveau. Mais je nous mets collectivement en garde. La sécurité est fondamentalement une question régalienne. Ce n’est pas en se défaussant, sans le dire clairement, de cette mission sur les collectivités locales, tout en les privant de moyens, que l’État sera au rendez-vous.
Alors j’ai lu, ici ou là, des déclarations définitives. Si les choses étaient aussi caricaturalement évidentes que certains veulent bien le dire, pourquoi les règlements de compte se produisent-ils avec la même intensité, la même fréquence, la même violence, quelle que soit la couleur politique des maires ou les dispositifs de police municipale ? Pourquoi donc, par exemple, mon collègue maire d’Angers, Christophe Béchu, par ailleurs secrétaire général du parti Horizons, n’arme-t-il pas sa police municipale ? Pourquoi la référente du parti Horizons à Angers, par ailleurs adjointe au maire en charge de la sécurité, n’a-t-elle pas doté ses agents d’armes létales ? Par dogmatisme, elle aussi ? Par incompétence, elle aussi ? Alors même qu’un meurtre par balles a été commis il y a encore quelques semaines, dans le centre-ville d’Angers, et que nos collègues y sont confrontés, comme partout en France, aux violences liées au narcotrafic ?
Quand on est maire, on ne se réfugie pas dans des postures dogmatiques, on ne sombre pas dans la facilité, on ne se cantonne pas à des raisonnements tautologiques qui dévoient la réalité et affaiblissent le débat public. Pour ma part, depuis que je suis Maire, j’ai tout simplement doublé les effectifs de notre police municipale. Elle compte aujourd’hui 115 agents. Parce que la société se tend, parce que la violence est plus fréquente. Nous avons triplé le nombre de patrouilles et étendu les horaires d’intervention de nos policiers municipaux, avec une présence renforcée la nuit. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail de nos agents, qui sont engagés au quotidien, dans un contexte parfois difficile, auprès de nos concitoyens. Nous sommes d’ailleurs en discussion, en ce moment même, avec leurs représentants, pour augmenter leur régime indemnitaire, suite à l’élaboration d’un nouveau cadre national. Nous avons complété leurs équipements et leur armement. Nous avons aussi créé une brigade canine, et une brigade anti-incivilités. Nous continuons de renforcer notre dispositif de vidéoprotection de voie publique, à chaque fois que c’est nécessaire. Nos caméras sont d’ailleurs connectées à notre centre de supervision urbaine, mais aussi à l’Hôtel de Police nationale. Je vous rappelle ces quelques chiffres : plus de 4100 caméras dans notre réseau de transports, 115 caméras de voie publique, et 400 caméras couvrant parkings, équipements et autres bâtiments. Soit plus de 4600 caméras à ce jour. Et nous continuons, aussi, de mettre le paquet sur l’éducation, sur la médiation, et sur des politiques de prévention innovantes – Madame Brièro en dira d’ailleurs un mot dans quelques minutes.
Notre lucidité est totale, notre détermination à agir aussi. Les phénomènes de violences liés au narcotrafic sont graves, mais doivent être regardés avec la bonne focale et les actions menées au bon niveau.
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Allocution de Charles Compagnon
La sécurité à Rennes :
C’est l’axe 1 qui nous préoccupe et qui préoccupe les Rennais.
L’axe 1, c’est assurer la sécurité et la tranquillité des Rennaises et des Rennais. 2 acteurs majeurs peuvent assurer la sécurité des Rennaises et des Rennais : L’ETAT et LA MAIRIE.
En ce qui concerne l’ETAT, n’étant pas député je ne vais pas m’y attarder. Nous sommes élus à la ville de Rennes et ce sont les possibilités d’actions de la ville qui doivent nous préoccuper ici.
La montée de la délinquance est objectivement mesurée. A Rennes, elle explose dans la quantité et dans la qualité (si je peux m’exprimer ainsi). Au dernier conseil municipal de rentrée, notre temps d’expression politique était consacré à la sécurité. A cette occasion j’avais inventorié de façon non exhaustif les faits graves qui se sont passé à Rennes depuis juillet.
Je pourrais dresser le même inventaire en seulement un mois (entre les 2 conseils).
Les attaques à l’arme de guerre, au pistolet automatique ou aux couteaux continue de se multiplient. Et que font certains de vos élus, qui sont en responsabilité Madame La Maire ?
Ils prennent du temps pour commenter sur les réseaux sociaux les positions de votre opposition.
Les élus de la majorité préfèrent X :
Sur ce sujet de la sécurité, je ne sais plus d’ailleurs si je dois m’adresser à Lenaig Briero ou à Marc Hervé. En effet Marc Hervé, notre élu à l’urbanisme est très prolixe sur X pour défendre la politique de sécurité de la majorité. Je note à ce titre le nouvel élément de langage sur le volume des caméras. Au début du mandat, vous évoquiez un volume modeste de moins de 100 caméras, et aujourd’hui vous avancez 4 500 caméras !! Je note un léger fléchissement dans la doxa, au début du mandat pas de caméras et maintenant vous intégré les caméras des transports en commun pour augmenter l’effet vidéo protection à Rennes.
C’est un début.
Toujours dans le chapitre des petits commentaires sur X, j’invite avec la courtoisie républicaine qui s’impose notre collègue Ludovic Brossard, à être plus attentif au conseil municipal. En effet, lorsqu’il souligne dans un post le 12 octobre dernier « une absence de proposition de l’opposition » je lui rappelle qu’au dernier conseil municipal j’ai énuméré une série de propositions que nous portons depuis 2020 ! Alors pour monsieur Ludovic Brossard Brossard, qui n’est pas attentif au conseil municipal, je redis ce que j’ai rappelé le 16 septembre dernier :
- – Le doublement des effectifs de la police municipale (pour arriver au minimum à 1 policier municipal pour 1 000 habitants),
- – La création d’une brigade de nuit,
- – Une présence garantie de la police municipale dans tous les quartiers et à toute heure,
- – Une meilleure coopération avec la police nationale,
- – Le déploiement massif de la vidéoprotection, avec des agents derrière les écrans H24.
- – L’armement de la police municipale comme équipement afin de pouvoir assurer les missions précitées.
Et enfin, une meilleure considération de la police municipale rennaise en cessant les déclarations (notamment au sein des conseils municipaux et métropolitains) qui rabaisse leur mission. Car s’il est vrai que les policiers municipaux n’ont pas les mêmes prérogatives que les nationaux pour mener des opérations d’interventions lourdes et spécialisées, ils peuvent interpeller dans les situations de flagrant délit ou pour assurer la sécurité immédiate. Ils participent aussi par leurs actions du quotidien à la lutte contre le narcotrafic à Rennes.
Je crois à ce titre que le mouvement de grève des PM de la semaine dernière n’est pas étranger aux 2 derniers points.
Et je vais vous faire une nouvelle proposition :
Les dealers, depuis plusieurs mois, sont en train de prendre possession de la rue Saint Michel. Il y des bars qui ont fermé laissant des emplacement vide devant leur devanture. Les dealers se sont installés sur les espaces libres laissé par l’absence de terrasse.
Je vous propose d’autoriser les bars et commerçants occuper des espaces par des tables afin que les dealers n’occupent l’espace. C’est une mesure de bon sens qui ne coutent rien et qui a déjà prouvé son efficacité dans un autre quartier de la ville.