RENNES. LE FILAGE DU PAPILLON NOIR ANIME LE TNB

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Le 13 janvier 2021, l’opéra contemporain Le Papillon Noir a transporté le Théâtre National de Bretagne dans un monde hors du temps durant un filage rare par ces temps de pandémie. 27 artistes, dont les instrumentistes de l’ensemble Multilatérale et le chœur de l’ensemble vocal Les Métaboles, ont donné vie au texte autobiographique de l’écrivain rennais Yannick Haenel. Incarnée par Élise Chauvin, une femme transcende la mort en se remémorant les bribes de sa vie. Un filage symbolique pour le spectacle vivant qui, malgré la fermeture des salles, continue à tourner (mais, faut-il le remarquer, à vitesse plus ou moins lente selon les lieux).

Élise Chauvin Opéra Le Papillon Noir
Élise Chauvin dans « Le Papillon Noir » © Gwendal Le Flem


L’opéra Le Papillon Noir est né du souhait émis par le compositeur Yann Robin de mettre en scène un monodrame à une seule voix. Incarnée par la soprano et comédienne Élise Chauvin, une jeune femme fait une expérience post-mortem à la suite d’un violent accident de voiture. Le Papillon Noir est l’aboutissement du travail entre l’écrivain Yannick Haenel et Arthur Nauzyciel, metteur en scène, comédien et directeur du Théâtre National de Bretagne depuis 2017 (voir nos articles : Le programme de Nauzyciel, Julius Caesar, Empire des lumières, Culture club). Ils avaient précédemment collaboré sur le poème dramatique Jan Karski (Mon nom est une fiction), adapté du roman éponyme de Yannick Haenel.

Élise Chauvin récite un monologue haletant entre souvenirs et oublis. Avec sa posture fragile, elle traverse la scène comme un papillon à la recherche d’une lumière. Mais, l’obscurité grandit et l’expression « voir sa vie défiler devant ses yeux » prend alors tout son sens. L’héroïne remonte jusqu’à l’enfance afin d’y retrouver ses désirs et ses malheurs enfouis. Un voyage spirituel dans l’inconscient humain interprété avec élégance.

Le ton liturgique du chœur contraste avec le langage profane de l’héroïne qui s’aventure à de nombreuses reprises dans l’érotisme. Elle raconte notamment les visions d’un ange féminin qui la visite dans son sommeil. Yannick Haenel s’est inspiré de son propre vécu avec le tableau L’annonciation de Fra Angelico. « J’avais pris l’habitude de m’endormir le soir en me représentant cette fresque dans laquelle un ange se présente à une femme. Mais une nuit, à la place de l’ange que je tentais de me figurer, il n’y avait plus que le vide. J’ai compris bien plus tard que ce vide racontait l’état de dépression que je traversais à l’époque. J’ai utilisé cette symbolisation. Le vide c’est l’absence de désir, c’est la mort. J’ai composé autour de ça. »

Opéra Le Papillon Noir
La scène de l’Opéra Le Papillon Noir © Gwendal Le Flem

Derrière un rideau noir transparent, treize instrumentistes et un chœur de douze chanteurs occupent le fond de la scène. Grâce à un dispositif électronique, le son du chœur et de l’ensemble est amplifié puis diffusé dans un réseau de haut-parleurs dans la salle. Ce dispositif crée une immersion totale entre les instruments et le chœur qui chante les mantras du Bardo Thödol, le livre des morts tibétain. Yann Robin transforme ces formules d’une seule syllabe ou d’une série de syllabes répétées avec un certain rythme, en un matériau sonore contemporain.

Le filage de l’opéra Le Papillon Noir aurait dû avoir lieu face à un public, mais… C’est pourquoi la représentation a été filmée afin d’être diffusée prochainement sur une chaîne de télévision locale ou nationale (à l’image de ce que fait l’opéra de Rennes avec TVR comme plusieurs autres opéras et théâtres en Europe avec leur site respectif, une TV locale ou la nouvelle chaîne éphémère Culturebox). Des retransmissions qui permettent de donner une vie à l’œuvre au-delà de ses murs. En effet, la crise sanitaire ne saurait signifier l’arrêt des projets artistiques. A chaque direction d’être inventive afin que, derrière les coulisses, les équipes d’intermittents du spectacle puissent travailler, faire vivre les œuvres et réjouir le public. En attendant de tous se retrouver une fois ce mauvais temps passé.

Opéra Le Papillon Noir de Yannick Haenel (texte) / Yann Robin (musique) / Arthur Nauzyciel (mise en espace)

Léo Warynski : Direction musicale
Yves Godin : Lumières
Gaspard Yurkievich : Costumes

Avec Élise Chauvin
Ensemble Multilatérale
Ensemble Vocal Les Métaboles

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