Rentrée…J’ose à peine prononcer ce mot devant vous qui profitez des douceurs de l’été. Mais celle-ci est littéraire et ne vous promet que des moments de bonheur. À partir du 14 août et jusque fin octobre, 524 livres, dont 336 romans français et 188 étrangers, paraîtront pour cette rentrée littéraire 2019.
Une production un peu en baisse mais largement suffisante pour trouver nos prochaines lectures : beaucoup d’auteurs connus, des noms qui reviennent fréquemment lors des sélections de prix littéraires, un peu moins de premiers romans que l’année précédente.
Concentrons-nous sur les parutions du mois d’août qui font la part belle aux grands auteurs français. Nathacha Appanah, Jeanne Benameur, Kaouther Adimi, Karine Tuil, Marie Darrieussecq, Valentine Goby, Cécile Coulon, Hubert Haddad, Sorj Chalandon, Laurent Binet, Vincent Message, Jean-Paul Dubois, Jean-Philippe Toussaint, Olivier Adam, Lionel Duroy, Philippe Forest…sont au rendez-vous. J’ai rarement vu une telle concentration de ténors de la littérature française. Laissez-moi vous présenter quelques romans en regrettant de ne pouvoir tous les citer.
Avec Ceux qui partent (Actes Sud, 21 août 2019), Jeanne Benameur nous parle de l’exil en confrontant à Ellis Island les nouveaux migrants et ceux de New-York qui les attendent. Les uns par les autres se transforment, inventant leur propre avenir en ce pays, en quête de liberté. Un roman d’une grande intensité qui résonne avec l’actualité.
Karine Tuil s’empare, elle aussi, d’un thème actuel avec l’accusation de viol dans une famille de pouvoir. Elle démonte dans Les choses humaines (Gallimard, 28 août 2019) la mécanique impitoyable de la machine judiciaire.
Nathacha Appanah signe un roman sensible sur la famille et le déterminisme. Le ciel par-dessus le toit (Gallimard, 22 août 2019) a cette poésie évoquée par le titre emprunté à Verlaine jusque dans les moindres pensées du jeune Loup, un garçon un peu étrange en manque d’amour. Pour retrouver sa soeur, il se met en danger et provoque le regard d’une mère incapable d’aimer.
Je vous recommande particulièrement le roman de Kaouther Adimi, Les petits de Décembre (Seuil, 14 août 2019), qui explore la société algérienne avec sa corruption, ses abus de pouvoir. Le pays est encore aux mains de la vieille génération des généraux. Mais, en ce mois de février 2016, ce sont les plus jeunes qui vont défendre leur territoire.
Sans opposition aucune et dans une parfaite parité, place à la gent masculine avec, tout d’abord, le nouveau roman de Laurent Binet. Civilizations (Grasset, 14 août 2019) est une uchronie. L’auteur s’amuse à réinventer l’Histoire du XVIe siècle. Si Christophe Colomb n’avait pas découvert l’Amérique, mais que des Incas avaient envahi l’Europe, qu’en serait-il de notre monde ? Attention, cela ne sort pas bêtement de l’imagination fertile de l’auteur. Tout est préparé, orchestré depuis une aventure de Vikings jusqu’à la bataille de Lépante en 1571 avec tout le génie et l’humour de Laurent Binet.
Hubert Haddad fait ressurgir le monde du ghetto de Lodz avec l’innocence d’un jeune gamin qui trouve sa lumière dans les coulisses d’un théâtre de marionnettes. Un monstre et un chaos (Zulma, 22 août 2019) est un roman vibrant qui fait resurgir tout un monde anéanti.
Vincent Message scrute les métamorphoses du capitalisme avec le portrait d’une femme, d’une mère qui a réduit ses rêves pour construire une famille. Mais que se passe-t-il quand les projets de restructuration de l’entreprise dans laquelle elle travaille, quand son couple prend l’eau ? Cora dans la spirale (Seuil, 14 août 2019) est un roman réaliste et poétique qui permet de croire encore à ses rêves.
Pour terminer cette revue en littérature française, je conseille la lecture du roman de Philippe Hayat particulièrement attachant, surtout pour les amateurs de jazz. Où bat le coeur du monde ? (Calman-Lévy, 14 août 2109) campe l’histoire de Darry Kid Zak, musicien de jazz, boiteux, blanc et muet que nous découvrons au crépuscule de sa vie avant un dernier concert. Né à Tunis, alors colonisé, son enfance est brisée lors d’affrontements raciaux. Tiraillé entre l’amour pour sa mère qui rêve pour lui de grandes études et son besoin instinctif de vibrer par la musique, Darry peine à prendre son destin en main. Des rencontres providentielles le poussent vers la guerre en Europe et les États-Unis en pleine ségrégation pour faire entendre sa voix par le soft jazz. Un roman passionnant poussé par le swing de Darry et des grandes figures du jazz noir américain.
Même si la littérature étrangère paraît plutôt en septembre voici tout de même quelques titres attendus en août.
La grande romancière portugaise, Lidia Jorge propose un roman choral autour de la création littéraire. Dans Estuaire (Métailié, 29 août 2019), Edmundo Galeano souhaite écrire le récit de son récent voyage humanitaire. A ses côtés, sa famille se retrouve plongée dans les vicissitudes économiques confrontant chacun à ses échecs et ses culpabilités. Edmundo prend conscience du lien entre son récit d’aventures lointaines et les tourments de sa famille.
Si vous aimez les grandes fresques, le roman de l’auteur allemand Chris Kraus est une œuvre exubérante et tragique, pleine de passion qui retrace un pan de l’histoire européenne du XXe siècle au travers de l’histoire de deux frères et de leur soeur dans une Europe en pleine tourmente. La fabrique des salauds (Belfond, 22 août 2019) est déjà annoncé comme le roman de l’année 2019. À suivre.
Place à un premier roman très remarqué aux États-Unis lors de sa parution. Ici n’est plus ici (Albin Michel, 21 août 2019) nous transporte à Oakland, dans la baie de San Francisco où les Indiens ne vivent plus dans une réserve mais dans la rue. Tommy Orange nous plonge au coeur d’une grande fête où douze personnages vont faire revivre la rage et la poésie de leurs ancêtres.
Retrouvailles, côté Romans noirs, avec Lisbeth Salander et Mikael Blomkvist dans Millénium 6, La fille qui devait mourir (Actes noirs, 22 août 2019). C’est le grand final de David Lagercrantz avec un cocktail de scandales politiques, jeux de pouvoir et technologies génétiques.
Moins médiatisé, optez pour la découverte avec Mon territoire (Sonatine, 29 août 2019) dans lequel Tess Sharpe campe une jeune héroïne fascinante et émouvante. Harley McKenna a connu la violence depuis sa plus tendre enfance. Adolescente, elle s’occupe d’un foyer pour femmes en détresse. Lorsqu’une de ses pensionnaires disparaît, Harley décide de faire les choses à sa manière quitte à bousculer son destin. Un premier roman qui dévoile une auteure au talent prometteur.
On se retrouve le mois prochain pour la suite des parutions de la rentrée littéraire. Profitez bien des vacances !