Dans le paysage mouvant de la pop française, il y a des éclats qui brillent plus longtemps que les autres. Sam Sauvage, lui, ne se contente pas de briller. Il crée une lumière trouble, tremblante, touchante. Celle d’un réverbère à 4h du matin, d’un regard flou croisé dans un abribus, d’un amour annoncé par SMS entre deux verres de trop.
Son nouvel EP éponyme, paru en mai 2025, n’est pas un simple recueil de chansons. C’est un petit théâtre de la jeunesse contemporaine, ses ivresses et ses fragilités, ses emballements comme ses essoufflements. Il y a du panache dans les chutes, du style dans les déséquilibres, et Sam Sauvage les embrasse avec une grâce rare.
Tout en lui évoque ce mélange d’élégance et de désenchantement : sa voix légèrement rauque, ses textes à la frontière du slam et du stand-up intime, ses clips tournés à la lumière blafarde des nuits parisiennes. Le garçon est drôle, triste, précis. Il chante la fête comme un besoin, l’amour comme un défi, l’adolescence comme une faille. Et toujours cette manière de faire de ses faiblesses un moteur poétique.
Mais ne vous y trompez pas : derrière le vernis du second degré et des refrains dansants se cache une œuvre en construction, d’une grande cohérence. Sam Sauvage ne joue pas à l’artiste, il l’est profondément. Il observe, transforme, stylise. Il débusque le tragique dans les textos, la poésie dans les retards de bus, le vertige dans les confidences murmurées à une webcam.
« Je suis pas bourré, je fais semblant » : tout est là
Le refrain qui l’a révélé sur les réseaux est emblématique de son art : une phrase simple, presque anodine, qui contient tout un monde. L’ivresse comme posture sociale. La lucidité comme forme de solitude. Et cette volonté farouche de raconter, de tout raconter — même l’indicible.
Certaines inflexions dans la voix de Sam Sauvage, son goût pour les phrases en clair-obscur et les récits où affleure l’étrangeté du quotidien, trahissent une filiation discrète mais assumée avec Bertrand Belin. Comme lui, il cisèle des textes où l’économie de mots n’exclut ni la densité ni le trouble. Belin a montré qu’on pouvait être dandy sans arrogance, rock sans vacarme, et surtout, poétique sans effets. Une leçon que Sam Sauvage semble avoir retenue, en y ajoutant son humour tendre et son sens aigu de la mise en scène contemporaine.
On perçoit également l’écho électrisant de Lescop dans cette manière de mêler tension nocturne, rythmes synthétiques et lyrisme minimal. Comme Lescop, figure marquante de la cold wave francophone des années 2010, Sam Sauvage installe ses récits dans une ville fantasmée où l’ombre, le désir et l’errance s’entrelacent. On y retrouve la même fascination pour les atmosphères troubles, les pulsations urbaines, les refrains obsédants — et cette voix un peu distante, qui semble toujours parler autant qu’elle chante. Une esthétique du clair-obscur, transmise de nuit en nuit.
Repéré sur Instagram, Sam Sauvage s’est imposé par la force de ses mots, de ses mélodies, de ses mises en scène modestes mais puissantes. Il n’a pas besoin d’artifices. Son univers visuel – entre trottoirs fatigués et salons de province – est le reflet d’une esthétique de la sincérité.
Sa tournée 2025, qui le mènera notamment à la Cigale (31 mars 2026) et au Rex de Toulouse, est attendue comme la confirmation d’un talent brut et travaillé, entre Eddy de Pretto et Souchon, entre confidences murmurées et refrains fédérateurs.
Portrait d’artiste : Sam Sauvage ou la mélancolie en cravate
Nom civil : Hugo Brebion
Âge : 25 ans
Origine : Boulogne-sur-Mer
Label : Indépendant
Influences : Bertrand Belin, Lescop, Alain Souchon, Stromae, Brel, Lomepal, Bashung
Particularité : Ne cache pas sa timidité, en fait une force scénique
Signature musicale : Paroles sensibles, humour désabusé, électro-pop chaleureuse
Phrase fétiche : « C’est beau l’amour, mais c’est dur à parler »