Textiles : le Relais suspend ses collectes partout en France

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C’est une décision brutale aux conséquences sociales et environnementales immédiates : à compter du 15 juillet 2025, l’entreprise d’insertion Le Relais a annoncé interrompre totalement la collecte de textiles, linges et chaussures dans ses bornes disséminées sur l’ensemble du territoire national. En cause : le financement jugé insuffisant de la filière par l’éco-organisme Refashion, pourtant chargé par l’État d’assurer le bon fonctionnement de cette mission d’intérêt général. Une crise profonde qui menace des milliers d’emplois, la dynamique du réemploi et le tissu de l’économie sociale et solidaire.

Une suspension sans préavis face à un modèle économique jugé intenable

Depuis plus de quarante ans, Le Relais s’est imposé comme un acteur pionnier du réemploi textile en France. Grâce à ses milliers de bornes de collecte et à un réseau d’ateliers de tri solidaires, l’entreprise permettait chaque année la valorisation de plusieurs dizaines de milliers de tonnes de vêtements, tout en employant 3 000 personnes, dont une part importante en insertion.

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Mais selon les responsables du Relais, le financement aujourd’hui alloué par l’éco-organisme Refashion — soit 156 € par tonne triée, contre 304 € de coût réel — ne permet plus de maintenir ces missions essentielles. L’entreprise, qui dénonce un écart croissant entre le coût du tri et le soutien perçu, se voit contrainte de suspendre immédiatement son activité de collecte sur tout le territoire.
Dans la région Bretagne, où Le Relais emploie 200 personnes (dont 135 à son siège d’Acigné, en Ille-et-Vilaine), 1930 tonnes de textiles étaient collectées chaque année via 302 bornes et 15 déchèteries sur le seul territoire de Rennes Métropole.

Refashion, dont la gouvernance est assurée par des acteurs majeurs du textile comme Kiabi, Decathlon ou Carré Blanc, disposerait selon Le Relais de plus de 200 millions d’euros non redistribués.

« Ils perçoivent l’écotaxe, mais ne la reversent pas aux acteurs de terrain. »

Une action forte mais pacifique devant les grandes enseignes

Face à cette situation jugée intenable, des milliers de vêtements usagés ont été symboliquement déversés mardi 15 juillet devant les grandes enseignes textiles sur l’ensemble du territoire. À Nancy, Metz ou Thionville, les devantures de Kiabi, Decathlon ou encore Carré Blanc ont été visées. Objectif : interpeller les distributeurs sur leur responsabilité dans l’effondrement du modèle.

Un modèle vertueux en péril : emplois, écologie, insertion

À l’échelle nationale, la filière représente plus de 3 000 emplois, dont 35 % en insertion. Le Relais incarne une filière socialement innovante, environnementalement indispensable, et historiquement ancrée dans les territoires.

Mais depuis plusieurs mois, les signaux d’alerte se multiplient. Après la remise en cause du partenariat entre l’éco-organisme Ecosystem et Envie au printemps 2025 — menaçant 230 emplois dans la filière du réemploi des DEEE, Rennes Métropole tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme : la gouvernance des éco-organismes doit être repensée.

Refashion réagit : une aide revalorisée… mais encore conditionnelle

Dans un communiqué publié le 15 juillet, Refashion affirme travailler à une proposition d’aide d’urgence revalorisée à 192 €/tonne, soit une hausse de 23 % par rapport au soutien actuel. Cette proposition, élaborée dans le cadre du Comité Observatoire piloté par Deloitte, attend désormais la validation des pouvoirs publics.

« Refashion s’inquiète de la violence des actions et accusations portées publiquement, alors même qu’elle travaille activement à une solution collective et équitable », affirme l’éco-organisme.

Mais pour Le Relais, cette revalorisation, aussi bienvenue soit-elle, reste insuffisante et trop tardive.

Vers une refondation de la REP textile ?

Rennes Métropole, dans un vœu adopté à l’unanimité en mai dernier, demande un rééquilibrage urgent de la gouvernance des éco-organismes, avec une implication forte des collectivités territoriales et des parlementaires dans les feuilles de route de l’économie circulaire.

« Les textiles en fin de vie doivent être valorisés dans une logique circulaire. Or, aujourd’hui, on détricote tout ce que nous avions construit. »

Face à la surproduction engendrée par la fast-fashion, la collecte augmente, la qualité des textiles baisse, et les débouchés à l’export s’effondrent. Dans ce contexte, les structures comme Le Relais ne peuvent plus compenser seules les failles du système.


Un appel à l’État et aux citoyens

Le Relais appelle à un soutien public renforcé et pérenne, mais aussi à une prise de conscience citoyenne sur les limites du modèle actuel. Derrière une borne textile silencieuse, ce sont des trajectoires d’insertion, des économies locales, des tonnes de matières premières qui disparaissent.

La suspension des collectes est un signal rouge. Reste à savoir si l’État, les marques, et les consommateurs seront prêts à entendre l’appel.

Consignes aux habitants : ne plus déposer de textiles dans les bornes

Les bornes Le Relais resteront visibles dans l’espace public, mais elles ne doivent plus être utilisées. Rennes Métropole appelle ses habitants à ne plus y déposer de vêtements, linges ou chaussures, même dans des sacs. Tout dépôt serait considéré comme sauvage, entraînant leur traitement comme déchets ménagers, sans tri ni valorisation.

En attendant une solution durable, les habitants sont invités à conserver temporairement leurs textiles chez eux, ou à se rapprocher d’associations locales susceptibles de recueillir des dons en direct.

Une crise systémique : Refashion, Envie, Ecosystem… les failles de la REP

La situation du Relais fait écho à une autre alerte récente dans le secteur de l’économie circulaire : au printemps 2025, l’éco-organisme Ecosystem avait retiré brutalement son marché de collecte de déchets d’équipements électriques et électroniques à Envie, autre acteur majeur de l’insertion. Résultat : 230 emplois menacés, dont 150 en insertion, là encore dans Rennes Métropole.

Ces crises en cascade mettent en lumière les dérives d’un système fondé sur la Responsabilité élargie des producteurs (REP), où des éco-organismes — financés par des contributions prélevées sur chaque produit mis en marché — décident seuls de l’allocation des fonds et du choix des opérateurs.

Rennes Métropole, par la voix de ses élus, réclame une réforme en profondeur :

  • Rééquilibrer la gouvernance des éco-organismes, en y associant les collectivités locales.
  • Renforcer l’encadrement de la REP, afin de garantir le respect des objectifs sociaux et environnementaux.
  • Intégrer les parlementaires et les acteurs publics à la définition des feuilles de route « économie circulaire » au niveau national.

Un enjeu environnemental et social majeur à l’heure de la fast-fashion

Alors que la quantité de vêtements mis sur le marché explose sous l’effet de la fast-fashion, la qualité des textiles collectés diminue. Cette double pression — plus de volume, moins de valeur — fragilise toute la chaîne du réemploi. Le travail de collecte, tri, réutilisation et recyclage devient plus coûteux, sans que les financements ne suivent.

Le Relais, comme d’autres structures du réemploi solidaire, assume une mission à triple impact : environnemental (réduction des déchets), social (emploi en insertion), et économique (valorisation des ressources). Son interruption brutale constitue une alarme sur la viabilité actuelle du modèle REP tel qu’il est piloté aujourd’hui.

Un système à refonder pour éviter la fracture du réemploi

Ce que révèle l’affaire du Relais, c’est la tension croissante entre logiques industrielles, obligations environnementales et enjeux sociaux. Derrière l’abandon d’une borne de tri, c’est toute une chaîne de valeurs — humaines, écologiques, locales — qui vacille. Le statu quo devient insoutenable.

Pour que la promesse de l’économie circulaire ne reste pas un slogan, mais devienne une réalité durable, une gouvernance plus démocratique, transparente et solidaire des filières REP s’impose. À l’heure où les défis climatiques et sociaux se conjuguent, la puissance publique ne peut rester spectatrice.

 Infos pratiques

  • Ne plus déposer de textiles, linges ou chaussures dans les bornes Le Relais (même si elles restent visibles).
  • Conserver les dons à domicile jusqu’à nouvel ordre.
  • Risque de verbalisation en cas de dépôts sauvages : amendes à la clé.