Jean-Louis Lozac’hmeur, professeur de lettres au collège de Montfort, est un poète qui aime la rime, les alexandrins et notre région. Mais il lui arrive de commettre des infidélités géographiques. Loin de sa Bretagne natale, il a déniché un petit cimetière au cœur du Lubéron, où dorment deux écrivains de la Méditerranée, Albert Camus (1913-1960) et Henri Bosco (1688-1976). D’une travée à l’autre, il a imaginé un dialogue d’outre-tombe, en déposant des fleurs d’écriture sur leur linceul.
À Lourmarin, dans ce village romanesque, les grillons ont soudainement tu leurs crissements. Sous la torpeur estivale, ils ont suspendu leur vol pour écouter le murmure des morts et des mots. Par la plume du docte professeur en poésie, le philosophe et l’écrivain du Sud sortent de l’immortalité et surgissent de l’ombre du panthéon littéraire. Célèbres en leur temps, ils ont été pourtant gâtés par leurs années d’existence. « Vois combien le désir nous a menés, » indique Albert à Henri. « Au-delà du doute, des échecs et des souffrances, nous avons pu souligner dans nos livres ce que nous avons voulu. C’est tenter qui a marqué notre caractère d’homme. »
Mais par delà le Styx et par-delà la vie, Albert n‘en est pas moins assagi. « La mort ne nous a pas débarrassés de nos aspirations, » dit l’auteur de La Peste. « Ce repos éternel ressemble à une intimité à soi que rien ne vient plus nourrir, » ajoute-t-il. Tant et si bien que son défunt ami, Henri semble plus beaucoup philosophe: « Qu’aurais-tu à prononcer devant les vivants si tu le pouvais ? »
Au fil des pages, Jean-Louis Lozac’hmeur insuffle encore un peu d’essence à Albert Camus et Henri Bosco, les dormeurs du Val de Lourmarin. Sans le poète de Montfort, le breuvage capiteux de l’existence ne rejaillirait plus des tares hideuses de l’enfer. Il tremperait encore dans les « personnages de papier », noircissant les pages de nos deux auteurs et de leurs espaces imaginaires.
À Jean-Louis Lozac’hmeur, on doit cette résurrection littéraire du plus bel effet. On lui doit un hymne à la vie et… des belles pages. Écoutons Henri Bosco regretter avec lui « la saveur de l’olive macérée ou même un bout de pain frotté à l’ail. Voilà des réminiscences dans lesquelles je pourrais m’incruster. C’est aussi par là que passe la marche de l’humanité : l’attachement aux choses simples, aux saveurs nécessaires, à la chaleur des êtres vivants. »
Jean-Louis Lozac’hmeur, L’heure où les grillons se taisent, Editions terra Arcalis au prix de 10 euros