Le parc Oberthür de Rennes accueille une nouvelle œuvre. Intitulée YES, la sculpture de Jacques Villeglé sera inaugurée en présence de l’artiste le 3 septembre 2017 à 18h30. La rue, Jacques Villeglé en a fait son lieu de collecte d’affiches lacérées et de signes. Cette fois, il destine son œuvre à l’espace public. L’occasion de revenir sur le parcours de celui pour qui le quotidien est un matériau artistique. Le quotidien et les jeux d’argent…
La Bretagne, Jacques Villeglé la connaît bien. Né à Quimper, il passe une partie de son enfance à Vannes. Plus tard, il s’inscrira dans la section peinture de l’École des Beaux-Arts de Rennes puis en architecture à l’École des Beaux-Arts de Nantes. Abandonnant l’architecture, il finit par s’installer à Paris où il partage un appartement avec son compère des premières heures, Raymond Hains. Tous deux commencent alors à partir de 1949 une « cueillette » d’affiches lacérées dans les rues de Paris. Ces affiches témoignent des évolutions sociales, politiques, économiques, techniques…
Le 27 octobre 1960 marque la fondation du groupe des Nouveaux Réalistes. Villeglé, Hains, Dufrêne, Yves le Monochrome (Klein), Raysse, Restany, Spoerri et Tinguely vont signer la Déclaration constitutive du Nouveau Réalisme. Le groupe s’élargira par la suite avec la venue de César, Christo, Gérard Deschamps, Mimmo Rotella et Niki de Saint Phalle. Le Musée des Beaux-Arts de Rennes conserve d’ailleurs plusieurs œuvres des Nouveaux Réalistes, plus particulièrement des affichistes.
Avec pour fil conducteur le réel, Jacques Villeglé commence à partir de 1969 à travailler sur un Alphabet socio-politique. Une idée ayant pour point de départ la découverte de graffitis dans le métro en février 1969 au moment de la venue du président Richard Nixon à Paris. Jacques Villeglé explique avoir vu « sur le mur d’un couloir […] les trois flèches de l’ancien parti socialiste, la croix de Lorraine gaullienne, la croix gammée nazie, la croix celtique inscrite dans le cercle du mouvement Jeune Nation, Ordre Nouveau, Occident, puis à nouveau les trois flèches. » En « dessinateur-encyclopédiste », tel qu’il se qualifie lui-même, Jacques Villeglé va composer avec un répertoire de signes, de symboles, d’écritures : la faucille et le marteau, l’étoile de David, la croix gammée, l’arobase… Cette juxtaposition, tout en produisant une nouvelle écriture, s’impose au public comme une énigme à déchiffrer.
Le mot YES est ici formellement reconnaissable. Mot anglais passé dans le langage courant en français, souvent utilisé pour manifester l’approbation ou l’excitation, la joie également. Ce sont pourtant les symboles monétaires qui nous apportent une clé de lecture : le yen pour le Y, l’euro pour le E et le dollar pour S. Une manière peut-être de porter un regard ironique et critique, non dénué d’humour, sur l’importance accordée à l’argent dans la société contemporaine et sur le marché de l’art. Dans son ouvrage Cheminements, Jacques Villeglé explique en ce sens que le personnage du « Lacéré Anonyme » est là « pour restituer à la masse des lacérateurs clandestins le génie que la paresse et le mécanisme du commerce artistique concentraient sur un nom ».
L’œuvre est aussi une référence plus implicite à l’histoire du parc, plus précisément à celle de l’imprimerie Oberthür et son activité fiduciaire. Le parc est conçu en 1863 par les frères Bühler (Denis et Eugène) à la demande de François-Charles Oberthür, imprimeur rennais d’origine alsacienne. La villa familiale (1869) ainsi que les deux halles de l’imprimerie (1869-1872) sont encore visibles. Moins grand et moins connu que le parc du Thabor, lui aussi conçu par Denis Bühler, le fort agréable parc Oberthür n’en demeure pas moins un patrimoine botanique remarquable.
Nul doute que la sculpture de Jacques Villeglé trouvera sa place dans cet écrin végétal. De même que les affiches placardées dans les rues sont en proie aux altérations, la sculpture en acier corten évoluera également en fonction des paramètres liés à l’environnement d’exposition. Sa patine, sa teinte rouge-brun et ses nuances cuivrées lui assureront un parfait camouflage une fois l’automne venu.
Le parc Oberthür compte plusieurs sculptures, dont Le banc des amoureux de Gilles Mahé, à quelques pas seulement de l’œuvre de Jacques Villeglé. Contemplation des arbres centenaires et méditation sur les œuvres contemporaines sont donc au rendez-vous. De quoi laisser libre cours aux rêveries du promeneur solitaire ou non…
Inauguration en présence de l’artiste de l’œuvre sculpturale YES de Jacques Villeglé dimanche 3 septembre 2017 à 18h. Parc Oberthür 82, rue de Paris 35000 Rennes
YES, 2008 400 x 800 cm / 157,4 x 314,9 in. (poids : 5,25 tonnes), acier corten. Découpe : Laseflash, Liège ; assemblage : Melens & Dejardin, Jupille-sur-Meuse