La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes a ordonné, ce vendredi 20 juin 2025, la remise en liberté immédiate d’un chauffeur routier mis en examen après la découverte de 24 kg de cocaïne dans son poulailler à Saint-Jean-Brévelay (Morbihan). En cause : une violation du droit à un débat contradictoire lors de sa mise en détention.
Un trafic présumé entre l’Albanie, l’Espagne et le Morbihan
Redmir B., domicilié à Saint-Jean-Brévelay (Morbihan), avait été arrêté à l’automne 2024 dans le cadre d’un vaste coup de filet piloté par l’Office français anti-stupéfiants (OFAST), visant un réseau albanais soupçonné d’importer de la cocaïne par voie routière depuis l’Espagne.
Chez lui, les enquêteurs ont découvert 24 kg de cocaïne dissimulés dans un trou creusé sous un poulailler. Des perquisitions simultanées ont permis la saisie de 40 kg de drogue au total, ainsi que de 81 500 euros en numéraire. Plusieurs autres membres du réseau ont été mis en examen.
Une libération décidée pour atteinte aux droits de la défense
La chambre de l’instruction a statué en faveur d’une remise en liberté immédiate après avoir constaté que l’avocat de Redmir B. n’avait pas reçu tous les éléments à charge au moment du débat devant le juge des libertés et de la détention (JLD). Le suspect n’avait donc pas pu organiser sa défense de manière équitable.
Malgré les réquisitions du parquet général, les juges ont considéré que la détention était irrégulière, car entachée d’un vice substantiel affectant le caractère contradictoire de l’audience. Ils ont donc prononcé la nullité du placement en détention provisoire.
Redmir B. reste toutefois mis en examen. Il pourrait être convoqué de nouveau, voire replacé en détention, si des éléments nouveaux sont versés à l’enquête ou si un risque de fuite est établi.
La nullité de procédure, un rempart constitutionnel
En droit français, toute atteinte grave aux droits de la défense peut entraîner la nullité d’un acte judiciaire. Le Conseil constitutionnel (décision n° 2021-912 QPC) a rappelé que « le respect du contradictoire est une garantie essentielle d’un procès équitable ». Le défaut de communication de pièces à l’avocat constitue, dès lors, une irrégularité susceptible de justifier la levée d’une mesure de détention.
Ce principe s’enracine dans l’article 5 § 4 de la Convention européenne des droits de l’homme : tout détenu doit pouvoir « contester la régularité de sa détention devant un tribunal ». Cette exigence implique un accès suffisant au dossier et un temps raisonnable pour préparer une réponse. À défaut, la justice privilégie la liberté, même face à des faits graves.
Et ailleurs en Europe ?
Dans de nombreux pays européens, des décisions similaires ont été rendues. En Allemagne, par exemple, une Cour régionale a annulé en 2023 la détention d’un trafiquant présumé faute de traduction des pièces essentielles dans sa langue. En Espagne, une libération a été ordonnée en 2022 pour défaut d’accès au dossier d’écoute téléphonique. La logique est la même : dans un État de droit, la procédure n’est pas un détail — elle est la garantie que la justice elle-même ne devienne pas arbitraire. Dans le cas de Redmir B., cette rigueur procédurale ne signifie pas qu’il est blanchi. Elle rappelle seulement que, face à la gravité des accusations, la justice doit être d’autant plus irréprochable.
