Dans les beaux quartiers de Rennes, coincé entre deux maisons cossues, l’établissement de Bernard Chevalier, dit Bernie, fait encore de la cuisine traditionnelle et populaire. Mais il veut passer la main. Avis aux amateurs.
En cette après-midi de printemps, Boulevard de la Duchesse Anne, Bernie est en bras de chemise, accoudé au comptoir. Il attend le client bien rare par ce jour soleilleux. « Ils sont tous au Thabor à se dorer la pilule, » assène-t-il. À 62 ans, l’homme en a fait du chemin depuis son plus jeune âge où il apprenait son métier dans les établissements rennais. « À cette époque, cela bossait dur. On travaillait plus de soixante heures la semaine, » commente-t-il.
Depuis plus de vingt ans, Bernie tient son estaminet, La Duchesse Anne, d’une main de maître, loin des modes culinaires. Chez lui, les convives mangent de l’œuf mayonnaise, des omelettes aux champignons et des steaks frites à des prix défiants toute concurrence. « À 7,20 euros le menu du jour, je suis l’un des moins chers de Rennes dans le quartier le plus aisé de la ville. Cela ne s’invente pas… » admet-il, avec un large sourire.
« Le trophée du meilleur grimpeur »
Loin des restaurants design du centre-ville, les banquettes en cuir, les tables en formica et les tabourets sont encore légion à La Duchesse Anne. Ils donnent au lieu la patine du Rennes d’antan où les restaurateurs prenaient le temps d’écrire à la craie sur des ardoises d’écoliers les propositions du chef et les menus du jour… »Tous les matins, je n’oublie jamais le rituel, » précise le cuisinier.
À La Duchesse Anne, on s’y sent bien, vraiment bien. Demandez donc aux étudiants de la faculté de Droit et de l’Institut d’études politiques tout proche. Ils aiment, dit-on, l’ambiance. « Derrière le comptoir, j’ai encore l’un de leurs trophées, celui du meilleur grimpeur. Mais rien à voir avec le Tour de France. Il s’agit d’une tout autre compétition…plus sexuelle celle-là, » ajoute-t-il.
Mais dans quelques mois, Bernie va emmener sous le bras son mannequin « Bibendum » (voir notre photo). « J’ai l’intention de vendre. À 62 ans, il faut bien passer la main », avoue-t-il. Rien n’est toutefois fait. Vous avez encore un peu temps de fréquenter la terrasse dans l’arrière-cour, boire un ballon de bière et regarder les vieilles cartes postales envoyées par ses clients. Preuve s’il en est de l’attachement des Rennais à notre Bernie national…