A la racine du premier roman graphique de la Rennaise Céline Ziwès

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Paru au printemps 2025, à la racine est un roman graphique dans lequel la Rennaise Céline Ziwès explore les fantômes familiaux, les transmissions silencieuses et le besoin de s’en libérer. Un livre hybride qui bouleverse et réconforte, parce qu’il dit enfin ce que tant de voix ont tu : on ne guérit pas ses ancêtres, mais on peut réparer le présent. Rencontre.

Céline Ziwès a 45 ans et un parcours à la croisée de plusieurs mondes. Formée en sciences politiques, elle a travaillé pendant une décennie sur les questions de discrimination à Rennes Métropole avant de bifurquer vers l’illustration et la facilitation graphique. Militante, pédagogue, artiste : trois facettes qui nourrissent un travail à la fois engagé et sensible.

Céline Ziwès

L’approche artistique de Céline est autodidacte, nourrie d’un terreau familial artistique — un arrière-grand-père peintre et photographe, une mère qui peint — et d’un accès précoce au matériel de création. « J’ai toujours eu du matériel plastique à disposition », raconte-t-elle. Ce geste de création intuitive traverse tout son travail personnel. 

A la racine, Céline Ziwès
à la racine, Céline Ziwès

Commencé il y a sept ans, le roman graphique à la racine intrigue dès sa couverture avec un titre en minuscule « Parce que la quête n’est jamais terminée, que ça parle de nos vies qu’on pense minuscules, parce que je crois aux récits qui ne chevauchent pas l’héroïsme ».Né d’un moment apparemment anodin, mais fondateur : une scène au bord de la mer avec ses filles, un temps suspendu devenu déclencheur. « Ce jour-là, inconsciemment, j’ai compris que je devais reprendre ma propre histoire en main, arrêter de transmettre des fantômes. » Le livre a été écrit par strates, dans un processus heurté, souvent ralenti par l’absence de réponse éditoriale. « J’ai écrit, puis arrêté, puis repris… Je me décourageais, je cherchais un éditeur, je n’en trouvais pas. Le format était trop hybride pour les maisons d’édition classiques. » Le projet a finalement vu le jour grâce à une campagne de financement participatif sur Ulule. Et le pari est réussi.

À la racine est une autofiction construite comme un chemin de réparation. « Tout est vrai, mais réécrit avec la conscience d’aujourd’hui. Les scènes ont existé, mais leur sens s’est clarifié dans l’écriture. » Céline revendique une prose poétique, sans ponctuation, en vers libres, souvent proche de l’oralité : « Je voulais que ce soit une voix intérieure, que mes mots deviennent ceux du lecteur. »

À travers ce style unique, elle explore l’angoisse, la perte, l’invisible qui pèse sur les corps. « Quand on est enfant ou ado, on vit des choses, mais on ne sait pas les nommer. Ce livre, c’est une façon de mettre des mots sur l’indicible. »

L’illustration, dans à la racine, n’est pas un simple ornement : c’est une voix parallèle. Céline Ziwès y mobilise un dessin brut, libre, émotionnel. Pastel, gravure, encre… Elle expérimente les matières tout en se limitant volontairement à une gamme resserrée : le bleu et le rouge, et leurs déclinaisons. « Je viens du dessin en direct, très lisible, très net. Mais là, je suis allée chercher dans mon inconscient. »

Elle revendique une influence de l’art brut, de la peinture, de la spontanéité. « Je n’ai pas appris dans une école, je suis autodidacte. Ça a été un complexe, c’est devenu une liberté. »

à la racine, Céline Ziwès
à la racine, Céline Ziwès

Depuis sa sortie fin avril 2025, le livre connaît un bel accueil : plus de 450 exemplaires déjà vendus sur un tirage initial de 739. Lors de la soirée de lancement à Rennes, les visages émus ont confirmé que à la racine touche une corde universelle. Ce n’est pas une histoire joyeuse, mais ça fait du bien. Parce qu’on comprend qu’on n’est pas seuls à porter des silences. 

Les lecteurs et lectrices témoignent, racontent à leur tour leurs secrets, leurs douleurs, leurs non-dits. « Ce livre, il délie les langues. Et c’est pour ça que je l’ai écrit. Pour moi, pour mes filles, pour les autres. »

L’autrice ne compte pas s’arrêter là. Elle prépare une conférence dessinée autour du livre — un format hybride à nouveau, mêlant parole, illustration en direct et récit personnel. Elle travaille aussi sur un nouveau projet autour de l’amnésie et des mémoires traumatiques. « J’ai encore beaucoup de choses à explorer. »

Mais elle espère surtout qu’un éditeur viendra l’accompagner pour donner une nouvelle vie à ce livre, faciliter sa diffusion, alléger la charge écrasante de l’auto-édition. « Être autrice, illustratrice, éditrice, communicante, commerciale… C’est beaucoup trop pour une seule personne. »

Où trouver à la racine ? Le livre est disponible à Rennes dans plusieurs librairies indépendantes (Le Failler, La Rencontre, La Nuit des Temps, Comment Dire, M’enfin) ainsi qu’à Dinan, et sur commande dans d’autres points de vente. Il est également en vente en ligne ici. Prix : 35€