Le mois de mai est, paraît-il, synonyme de liberté. Espérons qu’il soit aussi ensoleillé afin de réaliser au mieux toutes nos envies. Fort heureusement, sans tenir compte de la météo, cette nouvelle revue littéraire devrait illuminer vos prochaines voyages.
Commençons par une escapade vers le lac d’Annecy. Un coin touristique où Il ne se passe jamais rien ici (Flammarion, 1er mai 2024). Sauf sous la plume d’Olivier Adam. C’est un soir de fête. Antoine passe du temps au café des Sports avec des habitués. Mais lorsqu’au matin, on retrouve le corps d’une femme au bord de l’eau, chacun le croit coupable. Lui, ce quadragénaire, jugé instable, même par sa famille. Dans ce roman redoutable empruntant au genre du roman noir, Olivier Adam donne la parole à tous les protagonistes de l’affaire et fait l’autopsie d’une communauté où sont tapis la violence et les secrets des hommes. (Feuilleter)
Fille d’un célèbre écrivain, la chanteuse Marie Modiano s’impose aussi en littérature. Après Mur des nuages (L’arbalète, 2022), elle revient avec L’île intérieure (Robert Laffont, 7 mai 2024), une version contemporaine du Songe d’une nuit d’été. Un couple de musiciens en fuite embarque vers Capri. Sur cette terre insulaire, ils semblent attendus. À la rencontre des vivants et des fantômes, la narratrice et son compagnon se cherchent eux-mêmes. Avec les bribes du passé, c’est un long voyage intérieur, un récit harmonieusement musical.
Annecy, Capri et pour les plus aventureux, la Corée du Sud et la vague K-pop. Et c’est Julien Dufresne-Lamy qui nous accompagne avec Spectacle (JC Lattès, 2 mai 2024). Lisa est l’artiste de K-pop la plus connue aujourd’hui, Chip Chan est une Coréenne filmée en continu, dont le mystère a fait d’elle une légende d’Internet. Deux femmes, admirées, épiées. L’auteur entremêle la réalité et la virtualité pour raconter ce qui nous obsède. Il écrit le grand spectacle de nos vies, la poésie et la tyrannie de nos curiosités.
Les longues marches sont source de rencontre avec l’autre, la nature et soi-même. Pour un voyage vivifiant, intime et artistique, suivez Jérôme Magnier-Moreno vers les Highlands (Gallimard, 2 mai 2024). C’est un récit écrit dans les trains de nuit, les autocars qui emportaient l’auteur vers le nord de l’Écosse, puis lors des longues marches sur le sol souple de la lande. Pour finalement raconter un voyage intérieur en faisant revivre l’enfance aux abords d’un lac sans nom. De retour à son atelier, c’est le peintre qui met des couleurs sur cette histoire. Ce livre est la rencontre de ces deux univers, l’écriture et la peinture. (Feuilleter)
Cette fois encore, la littérature étrangère offre un très large choix de lectures. Tracy Chevalier est une artisane, une auteure illustrant les talents de ces femmes passionnées qui créent la poésie de leurs mains. Muse d’un peintre, collectionneuse de fossiles, quilteuse, brodeuse, autant de femmes au destin hautement romanesque. La fileuse de verre (La Table ronde, 23 mai 2024, traduit par Anouk Neuhoff) nous emmène à Murano. Le secret du savoir-faire de la verrerie n’est pas une affaire de femme. Et pourtant, à la mort de son père, Orsola Rosso se lance dans la fabrication de perles de verre. Elle devra déjouer bien des pièges et traverser les drames du siècle pour orner le cou des impératrices. Tracy Chevalier fait le portrait d’une femme, celui d’une famille et celui d’une ville, aussi intemporelles que le sont les chefs-d’œuvre de l’île du verre. (Feuilleter)
À la frontière de l’Italie et de la Slovénie, un vieil horloger rencontre une jeune femme fuyant un mariage imposé. Erri de Luca raconte cette rencontre providentielle illustrée de leurs dialogues nocturnes. Elle croit aux signes, au destin quand lui, mène sa vie suivant Les règles du mikado (Gallimard, 2 mai 2024, traduit par Danièle Valin). Dans ce roman dense et délicat, où chaque phrase creuse un chemin plus profond vers soi-même, Erri De Luca nous invite à un jeu calme, patient et lucide, dans lequel le moindre mouvement peut tout changer.
Dans La branche tordue (Philippe Rey, 7 mai 2024, traduit par Christine Auché), Jeanine Cummins dresse le portrait de deux femmes, deux générations différentes. Majella vient de donner naissance à son premier enfant. Déboussolée, elle erre dans sa maison du Queens et trouve au grenier le journal de Ginny Doyle. Cette femme qu’elle ne connaît pas a fui l’Irlande affamée pour l’Amérique en 1848. Sa mère lui révèle alors leur passé familial. Majella découvre la vie de sacrifice de son aïeule. En s’identifiant à cette mère courageuse, elle survivra aussi pour l’amour de sa fille.
En littérature noire, toujours des ténors comme Kate Moss, Franck Thilliez, Jussi Adler-Olsen, Patricia Cornwell, Don Winslow, Henri Loevenbruck ou Robert Galbraith (alias JK Rowling). Mais attardons-nous sur trois autres livres. Premièrement, la nouvelle édition d’un chef d’œuvre du thriller historique paru en 1988. Le huit (Le Cherche Midi, 7 mai 2024, traduit par Evelyne Jouve ), premier tome du Jeu de Montglane, est la quête de Catherine Velis, spécialiste des échecs, chargée de retrouver les pièces d’un jeu mis à l’abri des pillages en 1790 par l’abbaye de Montglane. Une enquête passionnante à travers les arcanes de l’histoire signée Katherine Neville.
Nouvelle enquête de Céleste Ibar, l’enquêtrice récurrente de Céline de Roany. Un adolescent de quinze ans promis à un bel avenir dans le football est retrouvé mort dans une écluse proche de Nantes. Céleste Ibar de retour à la PJ de Nantes après trois ans de mise à pied et son adjoint, Ithri Maksen affrontent des familles déterminées à offrir le meilleur pour leurs enfants qui, parfois, se laissent happer par les réseaux sociaux. À corps perdus (Presses de la Cité, 16 mai 2024) entraîne le lecteur dans les méandres de la psyché humaine.
Ceux qu’on tue (Gallmeister, 2 mai 2024, traduit par Christophe Cuq) est le nouveau thriller addictif de Peter Swanson. Ted Severson rencontre la belle Lily Kintner dans un vol de nuit Londres-Boston. Ils discutent, se confient. Ted avoue l’adultère de sa femme et son envie de la punir. Lily lui propose de l’aider à la tuer. Quand les choses dégénèrent, les chances de chacun de s’en tirer ne sont clairement pas les mêmes… Un roman glaçant, très sombre et rusé parmi les classiques du genre.
En version poche, entrez dans la poésie d’une île japonaise, un lieu où Simon, psychanalyste pourra se reconstruire. La patience des traces (Babel, 1er mai 2024) est un titre magnifique particulièrement bien choisi. Avec la douceur, la poésie et l’élégance de Jeanne Benameur, le lecteur accompagne Simon dans son voyage intérieur.
Suite de Miniaturiste, La maison dorée (Folio, 16 mai 2024, traduit par Laura Derajinski) tout en grâce et en rebondissements, invente une héroïne éblouissante et fait revivre le monde enchanteur de Jessie Burton. (Feuilleter)
Enfin, une valeur sûre pour le livre poche en littérature noire avec Dennis Lehane. Le silence (Gallmeister, 23 mai 2024, traduit par François Happe) met à nu le cœur sombre d’un pays en plein désarroi à travers le portrait d’une mère au cœur brisé.