Comment faire oublier la grise mine de septembre, mois synonyme de rentrée professionnelle et scolaire ? « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. » disait Montesquieu. Heureusement, la rentrée littéraire continue. Avec en septembre, un large choix en littérature étrangère.
Si la majorité des romans français sont parus en seconde quinzaine d’août, il reste quelques bons titres en attente. Grand Prix SGDL de littérature pour l’ensemble de son œuvre, Hubert Haddad est également peintre et critique d’art. Et l’artiste poète revient cette année avec une symphonie. La symphonie atlantique (Zulma, 5 septembre 2024) est le conte tragique et bouleversant de Clemens, un jeune allemand issu de la bourgeoisie. Abandonné dans le monde cruel du régime nazi et de la guerre, il n’a que son violon comme planche de survie. (Lire un extrait)
Autre époque, mais c’est aussi l’histoire d’une enfance balayée par la cruauté du monde. Un printemps en moins (Les Avrils, 18 septembre 2024) est l’histoire de Gabriel, un jeune collégien de quatorze ans. Avec ce roman, Arnaud Dudek nous parle du harcèlement scolaire, de ce mal sournois que les adultes ne captent pas jusqu’au jour où la souffrance devient insupportable. (Lire un extrait)
En vitrine des librairies, vous remarquerez sûrement le nouveau roman très attendu de Valérie Perrin. Tata (Albin Michel, 18 septembre 2024) entrelace destins et intrigues palpitantes et nous fait découvrir le destin de Colette, une femme peut-être pas si ordinaire.
Dans un récit plutôt qu’un roman, Justine Augier retrace l’enquête d’associations française et allemande sur le cimentier Lafarge en son usine syrienne. Des juristes et stagiaires s’acharnent à prouver le financement du terrorisme et la mise en danger d’ouvriers. Personne morale (Actes sud, 4 septembre 2024) est un récit minutieux et palpitant qui rappelle la difficulté de mettre face à leurs responsabilités les grandes entreprises qui dirigent le monde. (Lire un extrait)
Du 26 au 29 septembre 2024 se tient à Vincennes le onzième festival America. Habituellement centré sur la culture et la littérature américaines, le programme de cette année se veut une profonde réflexion sur le monde commun à l’Amérique et l’Europe. L’irlandaise Jan Carson et l’américaine Rachel Cusk seront présentes à Vincennes et dans toutes les librairies avec leur nouveau roman respectif.
Dans Parade (Gallimard, 19 septembre 2024, traduit par Blandine Longre), Rachel Cusk croise le destin de quatre artistes dont le nom commence par la lettre G. Chacun se retrouve confronté à la violence dans leur élan créatif. Création artistique, féminité, violence et deuil sont au cœur de ce texte radical et fascinant au style libre, fragmenté et virevoltant. (Feuilleter)
Le fantôme de la banquette arrière (Sabine Wespieser, 19 septembre 2024, traduit par Dominique Goy-Blanquet) est un recueil de seize nouvelles. Jan Carson mêle la vérité crue et le surnaturel dans ses textes lucides et tendres. Elle détaille à merveille sentiments et émotions de ses personnages souvent hantés par la mémoire des Troubles.
Son premier roman, L’immeuble Yacoubian (2006) a ouvert la porte de la célébrité à Alaa El Awasny, aujourd’hui l’un des écrivains les plus réputés du monde arabe. Au soir d’Alexandrie (Actes sud, septembre 2024, traduit par Gilles Gauthier) met en scène un groupe d’amis qui aiment se retrouver le soir au bar du restaurant Artinos pour refaire le monde. Nous sommes à la fin des années 50, l’Egypte connaît de profonds bouleversements sociaux et politiques. Que deviendront ces femmes et hommes épris de justice, de beauté et d’amour, convaincus d’un possible avenir cosmopolite pour Alexandrie ? Une brillante fresque humaine et historique. (Lire un extrait)
Avec L’invisible Madame Orwell (Héloïse d’Ormesson, 5 septembre 2024, traduit par Carine Chichereau), l’australienne Anna Funder met en lumière une femme brillante, reléguée en bas de pages de son brillant mari écrivain. Eileen O’Shaughnessy, épouse effacée de George Orwell, l’auteur de 1984, était une femme engagée. Grâce aux lettres d’Eileen et aux témoignages de ses proches, Anna Funder soulève le voile sur la vie privée des Orwell, les accompagne à Barcelone lors de la guerre civile espagnole puis à Londres sous les bombes. George Orwell aurait-il pu être ce grand écrivain sans cette épouse modèle ?
Je ne peux terminer sans citer le nouveau roman de JM Coetzee, Prix Nobel de Littérature en 2003. Le polonais (Seuil, 13 septembre 2024, traduit par Sabine Porte) est l’histoire d’amour entre un pianiste septuagénaire polonais et Beatriz, une femme de vingt ans sa cadette. Avec une délicatesse teintée d’humour, J. M. Coetzee interroge nos préjugés sur l’amour et la complexité des relations humaines. En réinventant la passion de Dante, dans une prose envoûtante et épurée, l’auteur nous rappelle qu’une passion amoureuse, même tardive, peut être bouleversante.
La rentrée littéraire commence aussi à s’étoffer au rayon des romans noirs.
On retrouve l’auteur croate, Jurica Pavicic, avec Mater dolorosa (Agullo, 5 septembre 2024, traduit par Olivier Lannuzel). Automne 2022, le corps d’une jeune fille de dix-sept ans a été retrouvé dans une usine désaffectée en périphérie de Split. Le meurtre de la fille d’un éminent médecin va bouleverser la vie d’Inès, de sa mère et de l’enquêteur Zvone. Que sommes-nous prêts à sacrifier pour protéger ceux que nous aimons, et quelles en seront les conséquences inévitables ? (Lire un extrait)
Plongée immersive dans un récit plein de surprises alliant émotion et action. L’ours qui dort (H&O éditions, 24 septembre 2024), premier roman de Connor Sullivan, met en scène un duo père fille. Alors qu’elle est partie se ressourcer dans la nature sauvage de l’Alaska, Cassie Gale disparaît. Son père ne croit pas à l’accident de sa fille, sportive aguerrie et ancienne militaire. Déterminé à élucider ce mystère, Jim Gale devra faire face aux démons de son passé et se confronter à un ennemi impitoyable pour sauver sa fille avant qu’il ne soit trop tard.
Ma soeur est une espionne (Presses de la Cité, 12 septembre 2024, traduit par Emmanuelle Heurtebize) est le nouvel opus de Flynn Berry. Tessa Daly, mère célibataire est journaliste à Belfast. Le jour où elle reconnaît sa soeur sur la video d’une attaque de station essence par un groupuscule nationaliste, elle ne peut croire que Marian fait partie des terroristes. Afin de protéger les siens, la jeune femme est vite confrontée à des choix cruciaux qui mettent à l’épreuve sa loyauté. Elle est prise dans une spirale de violence qui l’entraîne loin de ses idéaux. Un récit glaçant au rythme effréné et au suspense insoutenable .
Le rentrée se fait aussi en poche. Si vous avez raté ces excellents titres, c’est le moment de vous rattraper.
En 2022, au plus fort de la répression contre les manifestations qui suivent la mort de Mahsa Amini, François-Henri Désérable traverse l’Iran, de Téhéran aux confins du Baloutchistan. Arrêté par les Gardiens de la révolution, il doit quitter le pays. Mais il revient avec un texte fort sur la répression de la république islamique, L’usure du monde (Folio, 5 septembre 2024).
Si on retrouve Colson Whitehead dans l’actualité des romans noirs avec La règle du crime (Albin Miche, 25 septembre 2024), ne ratez pas la version poche de Harlem shuffle (LGF, 18 septembre 2024, traduit par Charles Recoursé). Une fresque sur le Harlem des années 60 dans laquelle Ray, jeune homme noir, fils de délinquant, rêve d’une vie confortable pour sa famille. Mais, entraîné par son cousin délinquant et toxicomane et plongé dans un milieu violent et raciste, rien n’est simple. (Lire un extrait)
Chien 51 (Babel, septembre 2024) de Laurent Gaudé n’est pas vraiment un roman noir, même si le personnage principal est un policier mais plutôt une dystopie bien sombre. Zem est un policier déclassé oeuvrant dans les basses zones d’une mégalopole futuriste. La découverte d’un corps entièrement ouvert le long du sternum le plonge dans une enquête palpitante au sein d’un puissant consortium qui assujettit le pays. Un univers atypique pour l’auteur mais une fois de plus servi par un style narratif puissant et tragique.
Accompagné d’un bon roman, la rentrée se fait plus douce.