Après un début d’année riche en nouveautés littéraires, mars est traditionnellement le mois du Polar, en préparation des Quais du Polar de Lyon qui se tiendra du 31 mars au 2 avril 2023. Mais cela n’empêche pas d’avoir aussi de belles nouveautés en tous genres.
La littérature française est placée sous le signe de l’enfance et du couple. Salué par la critique depuis vingt ans et pourtant encore assez méconnu du grand public, Mathieu Belezi s’est distingué en 2022 en recevant le Prix littéraire La Monde pour Attaquer la terre et le soleil (Le Tripode, 1er septembre 2022). En 2023, sa maison d’édition entreprend de nouvelles parutions de son œuvre en commençant par son premier roman, Le Petit roi (Le Tripode, 9 mars 2023). Un enfant abandonné par sa mère est confié à son grand-père dans une ferme isolée provençale. L’auteur met en musique la désillusion d’un gosse qui n’attend que d’être aimé.
L’enfance est aussi au cœur du roman de Colombe Schneck, Mensonges au paradis (Grasset, 8 mars 2023). De six à vingt ans, l’auteur a passé ses vacances dans un home d’enfants en Suisse. Une vie de montagnards assez dure mais heureuse avec les propriétaires du chalet et leurs deux enfants, Patou et Vava. Quand elle y retourne trente ans plus tard, elle découvre combien ce monde s’est effondré. En enquêtant sur le passé de Patou et Vava, elle ouvre les yeux sur la réalité de sa propre enfance.
Remarqué avec son premier roman, Soleil de juin (Viviane Hamy, 7 avril 2021), Thomas Oussin campe dans son nouveau roman un adolescent meurtri par une blessure d’enfance. Victor, dix-sept ans, vit chez sa grand-mère. À double tour (Viviane Hamy, 1er mars 2023) est un roman sombre sur l’enfer vécu par Victor et sa petite sœur alors qu’ils n’avaient respectivement que six et neuf ans. Ayant contrarié leur mère, ils se sont retrouvés enfermés pendant six-cent-douze jours dans le silence et l’obscurité. Une histoire bouleversante, une plume introspective pour ce douloureux roman sur la reconstruction d’êtres meurtris.
Coup d’œil rapide sur quelques sorties qui ne manqueront pas de vous intéresser. Metin Arditi compose sur l’enfance de Jésus et son lien avec Judas dans Le bâtard de Nazareth (Grasset, 22 mars 2023). Deux histoires de couple avec Une nuit particulière (Grasset, 1er mars 2023) de Grégoire Delacourt et Un couple (Grasset, 29 mars 2023) d’Eliette Abecassis.
Pierre Assouline propose le récit de la vie d’Alfred Nakache, l’un des plus grands champions de natation de l’entre-deux guerres avec Le nageur (Gallimard, 30 mars 2023).
Elle est devenue la coqueluche de nombreux lecteurs. Melissa da Costa publie Les femmes du bout du monde (Albin Michel, 1er mars 2023).
En littérature étrangère, trois grands auteurs américains reviennent en force. Bret Easton Ellis se met en scène en 1981 à Los Angeles. En classe de terminale, il expérimente avec ses amis les rites de passage à l’âge adulte : alcool, drogue, sexe. L’arrivée d’un nouvel élève, beau, charismatique et détenteur d’un secret, bouleverse leur routine. Bret se met à le suivre. Mais son imagination paranoïaque peut-elle protéger ses amis, voire la ville ou le pays tout entier ? Les éclats (Robert Laffont, 16 mars 2023, traduit par Pierre Guglielmina) est le roman de la maturité. Un récit brut, une confession pleine de nostalgie et d’épouvante, un texte étincelant marqué par l’émotion.
Cormac McCarthy et Don Delillo proposent des romans de forte tension narrative et de réflexions psychologiques. Le passager (Éditions de l’Olivier, 3 mars 2023, traduit par Serge Chauvin) est un roman étrange dans lequel un mathématicien endeuillé enquête sur la disparition d’un passager d’un jet privé écrasé au sol. Hallucinations, envolées scientifiques mettront le lecteur à rude épreuve.
Avec End zone (Actes Sud, mars 2023, traduit par Francis Kerline), Don Delillo met en scène des joueurs de football américain d’une université du Texas en mêlant leurs discussions sur le sport et le conflit nucléaire qui les passionne. Un roman d’une grande beauté littéraire sur la question de la survie.
Jessica Au, éditrice et libraire australienne, publie son second roman. Pour qu’il neige (Grasset, 1er mars 2023, traduit par Claro) nous emmène au Japon. Une jeune femme raconte son voyage à Tokyo avec sa mère d’origine hongkongaise. Cette déambulation japonaise explore les liens des deux femmes mais aussi les occasions manquées de se retrouver. Le récit est une plongée dans les pensées de la narratrice, dans ses liens avec les autres. Un roman puissant et poétique sur les liens mère-fille mais aussi sur l’identité, l’immigration, l’art et la religion.
Parmi la centaine de romans noirs à paraître, vous trouverez des ténors comme Sonja Delzongle avec Tanathea (Fleuve noir, 9 mars 2023), Jean-Christophe Tixier avec La ligne (Albin Michel, 1er mars 2023) ou Niko Tackian avec La lisière (Calmann-Lévy, 1er mars 2023) mais aussi l’italien Carlo Lucarelli pour Péché mortel (Métailié, 3 mars 2023, traduit par Serge Quadruppani). Mais ouvrons les portes avec trois choix moins attendus.
Élu meilleur suspense de l’année 2022 par le New-York Times, Une exécution de Danya Kukafka (Buchet-Chastel, 9 mars 2023, traduit par Isabelle Maillet) est l’histoire d’un tueur en série dans le couloir de la mort. À son monologue obsessionnel depuis sa cellule se superpose le récit de trois femmes : sa mère, la sœur jumelle de son épouse et l’enquêtrice. Dans ce mélange étonnant de suspense et d’enquête socio-psychologique, l’autrice construit une intrigue impitoyable et d’excellents portraits de personnages.
Auteur tueur en série, cette fois campé par Ivy Pochada, autrice de Route 62 (Liana Levi, septembre 2018, traduit par Adélaïde Pralon) qui a reçu le Grand Prix de la littérature américaine. Avec Ces femmes-là (Globe, 9 mars 2023, traduit par Adélaïde Pralon), l’auteur bouscule les codes du roman noir en donnant la parole aux victimes. Dans un quartier délabré de Los Angeles, des femmes vivent en marge, bâillonnées par le mépris et le souvenir d’un tueur en série qui, quinze ans plus tôt, a sauvagement assassiné treize prostituées dans l’indifférence générale. Et voilà que les crimes recommencent avec toujours plus de sauvagerie. Ivy Pochada donne la parole à celles que personne n’écoute.
Alors que son précédent roman, Les poupées paraît en version poche chez Pocket, Alexis Laipsker revient avec Hurlements (Michel Lafon, 9 mars 2023). Un machiavélique criminel défie le commissaire Venturi en lui annonçant avoir kidnappé et torturé cinq femmes. Sa dernière victime sauvée de peu n’est autre que la criminologue qui fait équipe avec le commissaire. De son côté, le lieutenant Julien Dastray découvre une femme affreusement mutilée sur la scène d’un théâtre abandonné. Dastray se jette dans une traque infernale. Mais pour quelle raison ce flic solitaire se trouvait-il sur les lieux ? Cinq, quatre, trois, deux, un, zéro, le piège se referme.
Et pour finir, un rapide coup d’œil sur les sorties Poche à ne pas manquer. Commençons par un indispensable hommage aux ouvriers oubliés, au monde industriel déchu et à la lutte pour des lendemains qui chantent…avec De notre monde emporté (Pocket, 2 mars 2023) de Christian Astolfi. En littérature étrangère, vous aimerez la relation père-fils en pleine nature et science-fiction que nous conte Richard Powers dans Sidérations (1018, 2 mars 2023, traduit par Jean-Yves Pellegrin). Et pour finir l’un des meilleurs écrivains du roman noir, Arnaldur Indridason avec Le mur des silences (Points, 10 mars 2023, traduit par Eric Boury), une quatrième enquête du sensible et têtu, Konrad qui cherche toujours à faire la lumière sur l’assassinat de son père.