Agnès de Nanteuil, 1922-1944, Une résistance nationale et spirituelle

Agnès de Nanteuil est une jeune parisienne installée en Bretagne qui s’est engagée dans la Résistance au printemps 1943. Arrêtée et torturée par la Gestapo, elle est morte à l’âge de 21 ans, alors que la Libération de la France débutait. Près de Paray-le-Monial, dans le train qui la conduisait en déportation, elle s’est éteinte entourée des prières des prisonnières de toutes sensibilités politiques et religieuses qui l’accompagnaient. Récit par Christophe Carichon d’un caractère énergique et décidé emporté par la grâce et le dévouement vers son martyre. Un martyre au service de la France.

Un jeune catholique simple mais décidée

Agnès de La Barre de Nanteuil est la première (et seule) femme à avoir donné son nom à une promotion d’élèves officiers.

Née dans une famille de vieille noblesse normande et parisienne « animée d’une foi profonde, fervente et joyeuse » (p. 103), Agnès de Nanteuil connaît une enfance heureuse à Paris puis en Bretagne. Elle passe sa jeunesse dans les mouvements de jeunes et de l’Action catholique.

En 1940, elle a 17 ans et poursuit péniblement ses études à Vannes (cf. par ex. pp.74-75). À l’instant de toute sa famille, Agnès est une patriote qui n’accepte pas « le retour de Laval aux affaires au printemps 1942 » (p. 88).

Au printemps 1943, elle rejoint le réseau Libé-Nord fondé par l’ancien maire de Vannes, Maurice Marchais. Elle effectue de périlleuses missions, notamment, elle cache et guide des aviateurs alliés.

La résistance

En mars 1944, le sous-lieutenant Agnès de Nanteuil devient agent de liaison entre l’Armée secrète du Morbihan et le général Audibert, chef de la Résistance de l’Ouest, qui a trouvé refuge à la Clinique des soeurs des Augustines de Malestroit (dont la révérende-mère aura accueilli durant la guerre plusieurs dizaines de fugitifs et clandestins).

Hélas, un agent du réseau Libé-Nord ne résiste pas à la torture que lui inflige la Gestapo : il livre le réseau au mois de mars 1944. Le général audibert est arrêté sur l’île de la Jument par des officiers du SD et des SS bretons de la légion Bezen Perrot. Agnès de Nantueil et plusieurs autres résistants connaissent le même sort.

La mort en déportation

Torturée à Vannes et à Rennes (à la prison Jacques Cartier devenue un des plus grands centres de rétention de France), Agnès est déportée après 5 mois de détention par le dernier convoi en partance de Rennes. Elle meurt à Paray-le-Monial des suites d’une blessure reçue pendant le trajet.

« Ce dimanche 13 [août] au soir, le convoi s’arrête enfin à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), la ville du Sacré-Coeur. Les Allemands veulent débarquer le corps. Un médecin de la ville, Albert Nesme, est appelé pour les formalités. Arrivés à la gare, il est conduit au wagon plombé de la passion d’Agnès. En montant dans le tombereau, le médecin est bouleversé par le spectacle qu’il découvre : ces trente-cinq femmes sales, en guenilles, hagardes qui l’accueillent avec le cadavre de leur « petite soeur de misère » 

« Elles l’entouraient toutes à genoux en demi-cercle autour d’elle, priant ensemble à haute voix, dans une union d’âmes si intense que le médecin crût que c’était un groupe de jeunes filles amies raflées dans le même pensionnat…, sa surprise fut grande lorsqu’il sur que ces femmes venaient de tous les coins de France […], et qu’elles étaient des milieux les plus différents et la plupart d’entre elles non catholiques auparavant, mais l’amour rayonnant qui émanait d’Agnès avait fait ce miracle et créé entre ces femmes la plus intime et la plus profonde communion, elle de la prière. Leurs yeux étaient pleins de lumière, elles étaient non pas abattues par cette mort, mais comme plus fortes, invincibles. »

L’avis d’Unidivers

Le lecteur appréciera l’attachement de l’écrivain à traduire le climat de l’époque et le système de valeurs d’une branche très religieuse de la noblesse française. L’utilisation d’un matériau historique constitué de témoignages directs confère une force évocatoire à l’ensemble. Le récit est des plus poignants, très poignant, sans perdre son exigence d’authenticité.

Toutefois, le style hagiographique de l’auteur n’est pas sans rappeler les ouvrages d’édification à destination des jeunes filles de bonnes familles catholiques. Dans ce cadre, certains lecteurs regretteront que la dynamique de sanctification qui soutient le développé chronologique mette trop en retrait la dimension d’incarnation d’Agnès de Nanteuil. Le présent traitement, ancré dans une conception romaine et sublimatoire de la sanctification, réjouira autant certains lecteurs qu’il paraîtra aux autres souffrir d’un manque de profondeur et de réalisme, notamment psychologique (cf. par ex. pp.63-64).

Christophe Carichon, Agnès de Nanteuil (1922-1944) – Une vie offerte, oct. 2010, 208 p., 18,00 €

A noter que Christophe Carichon est l’auteur d’une étude originale consacrée au ‘Scoutisme et théoosophie’ (Politica hermetica, n°17, 2003, p. 217-237). En voilà l’introduction :

« Au début des années vingt, un Frère de Saint-Vincent-de-Paul, le R.P. Henri Jeoffroid, rédigea une étude très documentée contre le scoutisme en général, et sa version catholique en particulier. Ce travail, diffusé auprès de plusieurs personnalités ecclésiastiques à l’époque, avait fait grand bruit et le R.P. Sevin s.j., figure emblématique du scoutisme catholique, était allé à Rome défendre l’œuvre attaquée. Après une rude bataille et la victoire acquise pour les défenseurs du scoutisme, l’affaire fut presque totalement oubliée. Les historiens ignorèrent ou dédaignèrent cet épisode qui failli, tout de même, coûter son existence au scoutisme catholique.

Ce débat intervenait dans un contexte difficile pour l’Eglise, tiraillée en son sein entre le courant libéral, partisan d’une conciliation avec le monde moderne, et la tendance intégrale pour qui le programme restait, sans pour autant refuser le progrès, « de tout restaurer dans le Christ » (selon la devise de saint Pie X), sans concession. D’autre part, les pressions et les séductions des nouvelles idéologies et religiosités, rendaient plus compliquée la mission d’une institution ecclésiale, qui n’était déjà plus depuis longtemps la seule universalité, mais qui ne voulait pas perdre le terrain reconquis de haute lutte, depuis le siècle dernier, sur ses adversaires. Dans cette ambiance, le jeune scoutisme catholique, apparaissait, pour les uns, comme une forme de renouveau et pour les autres, comme une infiltration de l’Ennemi dans la « forteresse assiégée » qu’était devenue, à leurs yeux, l’Eglise catholique. »

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Nicolas Roberti
Nicolas Roberti est passionné par toutes les formes d'expression culturelle. Docteur de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, il a créé en 2011 le magazine Unidivers dont il dirige la rédaction.

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