Rémi Foutel nous entraîne en studio avec Alain Goraguer

alain goraguer, livre

Depuis de nombreuses années, Rémi Foutel éprouve une passion sans bornes pour les arrangeurs musicaux. Un intérêt né il y a près de 30 ans au gré de ses amours musicales, auxquelles il consacre de nombreux articles parus notamment chez Star Wax et Trax. Déjà co-auteur d’une biographie de Jean-Claude Vannier publiée en 2018, il signe aujourd’hui le premier ouvrage consacré à une autre figure de premier plan: Alain Goraguer. Intitulé En studio avec Alain Goraguer, il parait aujourd’hui vendredi 31 mai 2024 aux éditions Le Mot Et Le Reste.

C’est un peu par ricochets qu’est né l’intérêt de Rémi Foutel pour les arrangeurs musicaux. Né à Rennes en 1980, ce dernier grandit en campagne bretillienne, avant d’entreprendre des études dans la capitale bretonne. Depuis l’adolescence, le jeune homme nourrit une véritable passion pour les musiques électroniques, telles que la drum’n’bass, la techno et la house, Un éventail de répertoires qu’il découvre en partie à l’écoute de l’émission « Jungle Rock » de Christophe Brault, diffusée à l’époque sur les ondes de Fréquence Ille. Un engouement qui le conduit ensuite à animer des émissions de radio en Bretagne, tout d’abord à la station Radio’Stival à Betton (35), puis dans les studios de Plum’FM alors basés à Plumelec (56). Dès 2006, il rajoute une corde à son arc et publie ses premiers articles sur son site Internet, mettant à l’honneur des artistes phares de la scène électronique comme Manu Le Malin ou Scan X. Puis cette activité se consolide un peu plus tard en 2010, année où il rejoint les magazines Star Wax et Trax, suite à son installation en région parisienne.

En compagnie de Julien Vuillet, alors rédacteur en chef de Stax Wax, Rémi Foutel est amené en 2013 à interviewer l’arrangeur Jean-Claude Vannier, qui travailla notamment avec Serge Gainsbourg pour l’album Histoire de Melody Nelson. Peu après, l’article autour de l’entretien est remarqué par Yves Jolivet, directeur des éditions Le Mot et le Reste. Ce dernier encourage alors les deux journalistes à écrire une biographie autour de cette figure notable de la musique populaire française. L’ouvrage nommé Jean-Claude Vannier, l’arrangeur des arrangeurs sort ainsi chez l’éditeur marseillais en 2018.

Entre temps, Rémi Foutel s’attelle à l’écriture d’une nouvelle biographie, la première consacrée à une autre figure majeure, en la personne d’Alain Goraguer. Un ouvrage titré En studio avec Alain Goraguer, paru aujourd’hui vendredi 31 mai 2024 aux éditions Le Mot Et Le Reste.

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Alain Goraguer. Photo: Stan Wieznak.

Si ce projet est encore assez récent, l’enthousiasme de Rémi Foutel pour l’oeuvre d’Alain Goraguer est, quant à elle, plus ancienne. De fait, le journaliste musical eut le déclic en 2002, lorsqu’il découvre un long entretien de l’arrangeur dans le livret de la compilation Musiques de films 1959-1990, le cinéma de Serge Gainsbourg. Une anthologie dans laquelle figurent plusieurs morceaux arrangés voire co-composés par l’ancien ami de l’homme à la tête de chou. Au fil du temps, cet intérêt pour l’oeuvre de Goraguer grandit jusqu’en 2014, année où Rémi Foutel eut l’opportunité d’interroger l’artiste pour la première fois. Dès lors, il réalisa une série d’entretiens avec l’artiste, qui le reçut maintes fois chez lui à Passy jusqu’en 2021, deux ans avant son décès.

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Alain Goraguer (au milieu), entouré de Serge Gainsbourg, Jacques Brel et Michel Legrand. Photo: Jean-Pierre Leloir.

Ce livre est donc émaillé de nombreuses déclarations issues de ces interviews, dans lesquelles Goraguer livre sa conception du métier d’arrangeur, ou encore certaines clés de compréhension concernant sa méthode de travail. Un éclairage précieux auquel viennent s’ajouter les témoignages de ses proches, notamment son épouse Arlette, ainsi que ses musiciens tels que le flûtiste Raymond Guiau et le batteur André Arpino. En plus de 300 pages, se déroule donc le récit d’une fabuleuse carrière, longue de plus d’un demi siècle. Une carrière au cours de laquelle ce véritable homme orchestre aura contribué à façonner le répertoire d’artistes issus de tous horizons, de Boris Vian à Abd Al Malik en passant par France Gall ou encore Jean Ferrat. On mesure ainsi l’étendue de son talent multi-facettes et son éclectisme impressionnant, autant d’éléments qui l’ont inscrit comme un acteur de premier plan dans l’évolution de la chanson française.

Chapitre après chapitre, l’ouvrage offre une véritable plongée dans le processus créatif d’Alain Goraguer, dévoilant les coulisses des différentes oeuvres pour lesquelles il a œuvré tout au long de son parcours. S’il est longtemps resté dans l’ombre de ses illustres collaborateurs, celui qu’on surnommait Go-Go a pourtant joué un rôle déterminant dans la création de nombreux morceaux, dont certains considérés aujourd’hui comme de véritables monuments du répertoire populaire francophone. Lui-même pianiste chevronné, adepte de Dizzy Gillespie et surtout du Modern Jazz Quartet, il infusa notamment les éléments rythmiques et l’improvisation du jazz à nombre de ses orchestrations. Ce faisant, Goraguer contribua à réactualiser la chanson française d’après-guerre, aux côtés d’éminents collègues comme Michel Legrand et Claude Bolling. Un ancrage que l’on retrouve entre autres dans ses premiers arrangements pour Boris Vian, comme « Je bois » (1956), ou encore dans de nombreux morceaux créés avec Serge Gainsbourg, dont « Le poinçonneur des Lilas » (1958).

L’autre mérite de ce livre est aussi de mettre en lumière deux autres carrières parallèles d’Alain Goraguer, menées de front avec son activité d’arrangeur et d’orchestrateur. Rémi Foutel rappelle ainsi l’existence de l’album jazz Go-Go Goraguer, que le pianiste enregistra en trio et publia en 1956 sur le label Philips. Y est aussi souligné son travail conséquent en tant que compositeur pour de nombreuses musiques de films divers genres. Parmi ces productions innombrables, on retient en outre les bandes originales de J’irai cracher sur vos tombes (1959) adaptée du roman de Boris Vian, L’eau à la bouche (1960) co-composée avec Gainsbourg, ou encore la partition de L’affaire Dominici (1973). Impossible également de ne pas citer sa mise en musique du film d’animation et de science-fiction La planète sauvage (1972). Une œuvre des plus marquantes, dont certains extraits sonores furent même samplés plus tard par de nombreux beatmakers étrangers, parmi lesquels les américains Madlib et J. Dilla dans le champ hip-hop.

En dépit de ses deux disques d’or et un grand prix de la SACEM en 1999, on peut constater que le nom d’Alain Goraguer est, aujourd’hui encore, injustement méconnu du grand public. A cet égard, on ne peut que se réjouir face à la sortie de cet ouvrage fascinant, qui rend hommage avec justesse à cette vie de musique et, au passage, à cette profession d’arrangeur longtemps sous estimée. Au-delà de notre propre enthousiasme, souhaitons que cette parution inédite permettra de rappeler, à sa juste valeur, toute l’importance de cette personnalité hors normes…

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En studio avec Alain Goraguer, Rémi Foutel. Editions Le Mot Et Le Reste, 312 pages, 24 euros. Paru le 31 mai 2024.

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Pierre Kergus
Journaliste musical à Unidivers, Pierre Kergus est titulaire d'un master en Arts spécialité musicologie/recherche. Il est aussi un musicien amateur ouvert à de nombreux styles.

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