Le groupe de musique breton Eben revient ce mois-ci avec leur deuxième album Dinaskañ qui mêle tradition bretonne et récits actuels. Avec cet opus sorti jeudi 19 juin 2025, le groupe souhaite présenter un contre-chant aux discours conservateurs.
Le sextet est composé de Sterenn Diridollou, Marine Lavigne et Sterenn Le Guillou au chant, d’Antoine Lahay à la guitare, de Julien Stévenin à la contrebasse et de Jonathan Dour au violon alto. Après avoir sorti un premier album en 2019 et représenté la France à l’Eurovision 2022, Eben prend un tournant artistique avec l’album Dinaskañ.

Le nom de l’album, Dinaskañ – “désentraver” en breton -, a été choisi car il est facile à prononcer et donc plus accessible pour les non bretonnants. Par l’emploi de la langue bretonne et sa signification, ce mot tisse le fil rouge de l’opus : il montre l’envie de valoriser cette langue autant qu’un appel aux luttes contre toutes les discriminations à travers le chant, la musique et la danse.
Le guitariste et directeur artistique Antoine Lahay a insufflé à ce nouvel album une modernité aux structures et aux arrangements habituels, car si l’album est composé de chansons originales, le groupe a aussi repris des histoires, poèmes et chansons préexistantes. Le but : faire vivre et découvrir la langue bretonne à un public plus large. Le texte de « Fulenning », présenté à l’Eurovision 2022 avec le chanteur Alvez et dans l’album avec un nouvel arrangement musical, est écrit dans leur langue de cœur. L’unique phrase en français est un moyen de capter l’attention des personnes non bretonnantes, comme un acte politique qui défend la conservation de la culture bretonne.
Bien que la principale source d’inspiration d’Eben reste la musique traditionnelle bretonne, avec la manière de raconter propre aux histoires de la tradition orale bretonne, leurs compositions sont résolument ancrées dans une modernité musicale : dans la chanson « Douar Nevez » (traduction française), une partie rappée en galicien s’insère par exemple naturellement. Elles sont aussi traversées par de multiples influences. « J’aime beaucoup ce que fait Rosalía, surtout l’album El mal querer (2018) qui mélange ses influences flamenco et des arrangements musicaux plus contemporains », explique la chanteuse Marine Lavigne. Elle cite aussi les films du studio Ghibli qui racontent des histoires de façon poétique, tout en traitant en second plan des enjeux politiques et sociaux.
De la même manière, Eben réadapte la musique et le chant traditionnels bretons pour traiter de sujets contemporains avec des textes écrits par Marine Lavigne et Sterenn Le Guillou. Née de l’envie de faire revivre une danse traditionnelle, « Dañs ar bleiz » (“la danse des loups”) est selon Marine Lavigne : « la chanson la plus marquante, aussi bien par l’innovation musicale qu’elle représente que par les paroles qui touchent à un thème actuel ». Le texte, écrit lors des élections législatives de juin/juillet 2024, est une réaction à la montée du fascisme et un contre-chant aux personnes d’extrême droite qui font du loup un symbole de virilité ou de violence.
Dans cette volonté d’intégrer un souffle actuel aux traditions musicales bretonnes, Eben utilise le terme “tradition” en s’appuyant sur la définition latine : “tradere” qui signifie “passer”. Le groupe la comprend comme l’intégration d’éléments nouveaux à des éléments anciens, et la voit comme un processus émancipateur plutôt qu’un concept figé. Marine Lavigne souligne : « Si l’on agit et crée juste pour respecter une norme qui ne correspond plus à ce qu’est devenue la société aujourd’hui, cela devient une forme « muséifiée » de notre culture. Ce n’est pas cela qu’on souhaite. On ne veut pas qu’elle meurt et finisse dans un musée. »
L’album Dinaskañ, sorti le 19 juin 2025 sur le label Artfolk. Il est disponible sur toutes les plateformes numériques, dans les réseaux Leclerc, Fnac et disquaires. Prix: 17,50€
