Musique. Entretien avec Rebeka Warrior et Vitalic de Kompromat pour leur nouvel album

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Le duo français Kompromat, composé de Vitalic et Rebeka Warrior, sort son second album PLДYING/PRДYING vendredi 24 janvier 2025 sur le label Warriorecords. Dans une invitation au lâcher prise, on lit une déclaration d’amour à la musique qui prend aux tripes et imprègne les chairs. Cinq ans après son premier album, le duo poursuit sa navigation dans le monde de l’expérimentation musicale, poussée par les boucles répétitives et hypnotiques qui définissent Kompromat. Entretien.

Le terme russe Kompromat, « dossier compromettant » en français, désigne des documents authentiques ou fabriqués, c’est d’ailleurs le cas le plus courant, qui sont utilisés pour nuire à une personnalité publique, un ennemi. C’est aussi le nom qu’ont choisi, en 2019, le compositeur Vitalic et la chanteuse et musicienne Rebeka Warrior (Sexy Sushi, Mansfield.TYA) pour leur projet de musique électronique. Respectivement reconnus dan les milieu de la scène des musiques électroniques, les deux artistes livraient avec cette nouvelle entité un ovni musical que l’on a adoré pour son originalité envoûtante.

Flirtant entre plusieurs mondes musicaux, une certaine poésie se dégage de leurs compositions, un amour profond et pure de la musique. Chaque morceau est une plongée dans un monde en apesanteur où les auditeurs et auditrices n’ont qu’à se laisser aller. Traum und Existenz (Rêve et existence), leur premier album sorti en 2019 sur le label de Vitalic Clivage Music, avait déjà rencontré un franc succès. Cinq ans plus tard, l’heure est venue pour le duo de rassembler ses adeptes pour célébrer dans la danse la sortie de son second opus, PLДYING/PRДYING. Il invite à une nouvelle communion musicale en huit morceaux. On joue, on prie, et on se laisse porter par les notes que les deux artistes nous racontent dans un entretien.


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Unidivers – Cinq ans après Traum und Existenz, vous signez un deuxième opus en duo. Un album particulièrement attendu il faut l’avouer. Comment avez-vous su que c’était le moment ?

Vitalic – Nous avions tous les deux terminé les campagnes accompagnant les albums de nos projets précédents. L’envie de se retrouver en studio, puis sur scène s’est imposé d’elle-même, la précédente tournée ayant été interrompue par les confinements. Nous étions restés sur notre faim.

Rebeka Warrior – Nous avons senti dans nos tripes que c’était le moment et les planètes des plannings se sont alignées.

Unidivers – Dans votre bio, on lit que Kompromat navigue entre la techno radicale, la cold wave, la new wave et l’EBM, mais c’est votre liberté musicale qui plaît particulièrement. Avant de passer à la conception, quelles étaient vos envies pour ce nouvel album ?

Vitalic – Quand nous avons commencé à travailler sur cet album, nous n’avions pas de postulat, ni fait de brainstorming pour savoir où nous allions aller. Nous savions juste que nous n’avons pas envie de refaire la même chose, ni réfléchir à ce que l’on pouvait attendre de nous. On s’est juste laissé aller à faire de la musique et, petit à petit, les concepts se sont installés d’eux-mêmes, tout naturellement.

Rebeka Warrior – Nous avons un amour commun pour le post punk, mais à aucun moment nous nous obligeons à coller à un style. Nous suivons notre instinct et nous écoutons les signes. 

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Unidivers – Dans cet album, vous avez troqué l’allemand pour l’anglais, une langue plus universelle, pour accompagner le français. Qu’est-ce qui a orienté ce choix ?

Vitalic – Ce choix de l’allemand, c’est plus ou moins par accident sur le premier album. Et cela nous a permis de nous éloigner l’un et l’autre de ce que nous connaissons déjà pour nous amener dans de nouveaux endroits. Mais nous n’avons pas envie de rester enfermés par nos propres concepts qui évoluent avec le temps, et naturellement, ce coup-ci, l’anglais s’est imposé avec le français.

Rebeka Warrior – À l’époque de Traum j’avais besoin de chanter dans une langue neuve, que je ne connaissais pas avant. Je n’arrivais plus à chanter dans ma langue maternelle. Sur ce disque c’est le contraire, j’avais envie de mieux maîtriser les tournures et de revenir à mes racines. 

Unidivers – Le titre PLДYING/PRДYING met la puce à l’oreille quant à votre façon de faire de la musique et de la vivre. Comme les musiques primales et rituelles, les musiques électroniques ont cette capacité à transcender les corps quand on se lâche. Comment définiriez-vous cette relation particulière que vous entretenez avec la musique ?

Vitalic – Comme l’a dit un chanteur italien à grosse voix : « Io Vivo Per Lei ».

Rebeka Warrior – Hahaha oui, on vit pour ça, chanter et prier. Nos concerts sont de grandes messes païennes où nous pouvons communier avec le public. 

Unidivers – Le premier morceau sorti, « I let myself go blind », introduit cette vision spirituelle et mystique autant musicalement que visuellement. Les notes de « God is my side » invitent, quant à elles, littéralement à entrer en transe. La musique est religion, et c’est clairement assumé. De quelles énergies vous êtes vous imprégnés pour composer ce nouvel opus ?

Vitalic – Pour ce nouvel album, nous avons gardé une partie de ce qui fait notre vocabulaire musical, c’est-à-dire un mélange de boucles hypnotiques et de brutalité, mais l’énergie terrestre et opaque s’est transformée en énergie verticale et translucide.

Rebeka Warrior – D’une énergie commune. Quand nous jouons ensemble j’ai toujours la sensation qu’un grand champ magnétique se créé autour de nous. Nous aspirons toutes les énergies. C’est assez magique de composer dans ces conditions. Nous sommes sur pilote automatique. 

Unidivers – Comment s’est déroulé la composition et la production ? Avez-vous fonctionné de la même manière que le précédent album, c’est-à-dire tout à quatre mains ?

Vitalic – Oui, nous avons fonctionné exactement de la même façon. Chaque début de morceau a sa propre histoire, le processus créatif est variable aussi. Mais de manière générale, nous aimons en partie travailler chacun de notre côté, puis se retrouver en studio pour avancer ensemble. C’est à la fois un travail solitaire et de groupe.

Rebeka Warrior – Il n’y a pas de méthode, ce serait trop facile. Pour chaque chanson, il faut en inventer une. Mais nous aimons toucher à tout, tous les deux. 

Unidivers – PLДYING/PRДYING prolonge les bases que vous avez posées il y a cinq ans. On retrouve notamment la froideur de la techno radicale, mais certains morceaux sont empreints de sonorités plus chaudes, plus pop, comme « I did not forget you ». « Lift me up » m’a rappelé la dynamique musicale de Sexy Sushi. Aviez-vous envie d’explorer des horizons musicaux en particulier ?

Vitalic – Depuis que j’ai commencé à faire de la musique, j’ai toujours gardé cette envie de faire évoluer ma production . De trouver de nouvelles pistes, de nouveaux sons. Tout en restant moi-même. C’est aussi le cas pour KOMPROMAT, où l’aspect expérimental prend une grande part. 

Rebeka Warrior – Nous poursuivons l’histoire et sur ce disque je pense qu’il y a plus de lumière que sur le précédent. Cela dit ça reste très subjectif, car nous parlons de cul, mais aussi énormément de l’au delà et de la mort ! Notre groupe reste un groupe de dark wave. Si vous entendez Sexy Sushi par moment c’est normal, on entend aussi bien Vitalic, c’est ça KOMPROMAT

« Mon amour je t’attends
pour la grande ascension
celle de toutes les extases
celle de toutes les passions
devenons immortelles
c’est là ma conclusion
c’est une quête spirituelle
doublée d’une érection », extrait « Lift me up »

Unidivers – Concernant les paroles, y a-t-il eu des inspirations particulières ?

Rebeka Warrior – Je lis énormément et je m’inspire plus de poésies et philosophie que des autres groupes. Dernièrement, j’ai lu Le Royaume d’Emmanuel Carrere, Les 53 Sutras du Bouddha, Xavier Dupont de Ligonnès – L’Enquête et César de Alexandre Dumas. 

Je lis tout ce qui me tombe sous la main. Vitalic me parle aussi de ses lectures, de ses réflexions et de ses envies, puis je fais la somme de tout ça.

Unidivers – Vimala Pons et Sonia Deville sont particulièrement présentes dans PLДYING/PRДYING. Quelle est l’histoire derrière cette collaboration ? Leur donner une place aussi importante dans cet album était une envie dès le début ?

Vitalic – Une façon d’éveiller la créativité, c’est de faire le contraire de ce qu’on a fait juste avant. En l’occurrence le premier opus était très fermé entre Julia et moi. Il ne s’adressait limite pas au reste du monde. Sur celui-ci, dès le début, nous avons eu envie de l’ouvrir à d’autres artistes, d’élargir le spectre des voix.

Rebeka Warrior – Nous avions envie de travailler avec nos proches et entendre des tessitures, des timbres et des hauteur différentes. C’était un postulat de départ. Nous avions aussi envie d’évoquer les voix du présent, du passé et du futur. Il fallait du monde.

Unidivers – Je lis un peu « Forever » et « l let myself go blind » comme un diptyque. Dans « Forever » on reconnaît, de manière plus accélérée, les notes de « l let myself go blind ». Pouvez-vous me parler de ces deux titres ?

Vitalic – Ce sont effectivement les deux premiers morceaux que nous avons composé pour cet album ! Excellentes oreilles !

Rebeka Warrior – Oui, ils sont assez liés, bravo. Même dans ce qu’il raconte. Il y a une invitation à rentrer dans l’album avec « ILMGB », à se laisser aller et prendre par la main. « FOREVER », quant à elle, nous ouvre la porte d’un royaume inconnu. 

Unidivers – Je vous remercie Kompromat.

Album PLДYING/PRДYING, Kompromat, sortie le 24 janvier 2025 sur le label Warriorecords
Précommandes digitale : https://bfan.link/playing-praying
Précommandes physique : https://linktr.ee/PLAYINGPRAYING

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