Le jeu de Tharaud, un atout pour l’Opéra de Rennes

C’est un trait de caractère bien connu des Français : ils ont toujours tendance à penser que l’herbe est plus verte dans le pré du voisin. C’est toujours un peu mieux chez les autres… Les Rennais n’ont pas eu, hier soir, l’occasion de reprendre ce proverbe, tant ils ont reçu ce qu’il y a de mieux. Alexandre Tharaud s’affirme comme un des plus grands pianistes français.

Il faut bien reconnaître que dès l’entrée de ce grand garçon souriant et un peu pâle qui malgré sa trentaine semble à peine échappé de l’enfance, on a envie de l’aimer…C’est vrai il est sympathique ce Tharaud….

Cela ne l’empêche pas, après un bref salut, de s’installer avec autorité devant son piano Steinway et de nous inviter à l’accompagner tout au long des 9 pièces lyriques de Edvard Grieg, nous faisant passer de moments intimes et d’une extrême délicatesse, à des emportements passionnés. Alexandre Tharaud est là avant toute chose pour la musique, il ne s’embarrasse ni d’inutiles fioritures ni d’ornements prétentieux, il y a dans son jeu quelque chose d’exact et d’appliqué sans n’être jamais emprunté.

Les scènes d’enfant de Robert Schumann qui suivent l’instant d’après ne démentent pas cette impression. L’interprète est en adéquation avec les conseils donnés par l’auteur à Clara Schumann, dédicataire de l’œuvre :

« Tu prendras sans doute plaisir à jouer ces petites pièces, mais il te faudra oublier que tu es une virtuose (…) Il faudra te garder des effets, mais te laisser aller à leur grâce toute simple, naturelle et sans apprêt. »

Tout est dit !

L’entracte vite expédié, c’est avec gourmandise que nous regagnons nos sièges pour entendre une transcription de l’adagietto de la cinquième symphonie de Gustav Malher. Un exercice d’autant plus périlleux que ce mouvement, unidiversellement connu, a été adapté au clavier par Alexandre Tharaud lui-même. Ces notions d’équilibre et d’exactitude, évoquées ci-devant, se retrouvent dans cette œuvre. Aussi n’est-il pas surprenant qu’il s’y sente parfaitement à l’aise et nous restitue avec pudeur les sentiments profonds qui habitent ces pages. Du fond de nos mémoires cinématographiques, Ackerman et Tadzio lui adressent un sourire…

 La sonate « appassionata » de Beethoven est comme la cerise sur un excellent gâteau. Alexandre Tharaud propose une vision personnelle ou le mot interprétation prend tout son sens. Mais ce qui ressort le plus, c’est le plaisir qu’il ressent en jouant ces pages….plaisir visible et partagé.

Qui sera surpris d’apprendre que ce récital fut couronné d’un tonnerre d’applaudissements et de trois rappels ? Notre talentueux pianiste nous a régalé de Scarlatti, Chopin, et Gershwin avec beaucoup de bonne grâce et un doigt d’espièglerie jusqu’à entamer un dialogue totalement décomplexé avec le public qui n’en espérait pas tant.

Peut-être reste-t-il quelques places pour le concert de ce soir. Aussi ne perdez pas de temps, décrochez votre téléphone et ne manquez pas d’aller écouter notre Alexandre Tharaud national, cela en vaut vraiment la peine. Vous aurez l’occasion de découvrir un jeune artiste français de grand talent et extrêmement attachant.

 Thierry Martin

CONCERT
“ALEXANDRE THARAUD, PIANO”

MARDI 9 AVRIL, 20h
MERCREDI 10 AVRIL, 20h

GRIEG NEUF PIECES LYRIQUES
SCHUMAN SCENES D’ENFANTS, OPUS 15
MAHLER ADAGIETTO DE LA CINQUIEME SYMPHONIE (transcription : A. Tharaud)
BEETHOVEN SONATE OPUS 57 « APPASSIONATA»

TARIFS 25 € et 8 € 
ouverture de la location : samedi 23 février
Spectacle n° 11

Les concerts de la saison 2012-2013 de l’Opéra de Rennes sont placés sous le signe de la fidélité autant que de la diversité. Fidélité aux jeunes artistes issus du Conservatoire de Rennes, que vient diriger François Lazarevitch pour une plongée au coeur de l’opéra baroque français – Les Fêtes de l’été de Montéclair. Fidélité à l’Ensemble vocal Mélisme(s), dirigé par Gildas Pungier, et au pianiste Alexandre Tharaud, familiers de la maison et toujours à la recherche d’un nouvel éclairage pour des partitions connues ou moins connues du romantisme allemand, celles qui plongent leurs racines dans l’art de Jean-Sébastien Bach tout comme celles de Beethoven l’architecte et de Schumann le poète. C’est le privilège de ces oeuvres du passé que de s’offrir à nous toujours aussi jeunes et novatrices, mais aussi toujours plus profondes et souveraines, grâce à la ferveur et à la science de leurs interprètes.

 

Article précédentLes déambulations du Petit Piéton, TouTous Princiers
Article suivantBon Iver, For Emma forever ago, l’émergence d’un joyau des entrailles d’une rupture sentimentale
Thierry Martin
thierry.martin [@] unidivers .fr

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici