Le musée des beaux-arts de Rennes propose deux expositions inédites d’envergure, du 5 février au 7 mai 2022. Parmi elles, André Devambez, Vertiges de l’imagination. Une plongée dans l’univers extraordinaire d’un peintre et illustrateur trop peu connu du grand public que le musée a décidé de mettre en lumière dans sa volonté de révéler une nouvelle histoire de l’art…
Dans le prolongement de l’exposition Rennes 1922, la ville et ses artistes de la Belle Époque aux Années folles, le musée des beaux-arts de Rennes propose simultanément l’exposition monographique André Devambez, Vertiges de l’imagination. La rétrospective, où l’humour s’acoquine avec le grand art, met en valeur la figure du peintre et illustrateur, talent rare aux multiples facettes méconnu du grand public.
Né à Paris dans les dernières années du Second Empire, en 1867, André Devambez représente ces artistes qui ont peuplé la capitale française et se sont épanouis en marge des grands courants artistiques, avec pour autant une connaissance de l’histoire de l’art et des techniques aussi impressionnante que pointue.
Le jeune André grandit dans l’effervescence joyeuse et créative de la boutique d’imprimerie de son père Edward Devambez, dont nombre d’écrivains, dessinateurs et artistes en tout genre, franchissent le pas de la porte. À travers les différentes étapes artistiques de sa vie, l’exposition révèle l’originalité de son approche, sa modernité paradoxale et sa fantaisie débridée. Elle fait le tour de la carrière de ce personnage très amusant qui adorait créer pour les enfants, comme preuve en sera faite au cours de l’exposition… « On a effectué un énorme travail de reconstitution de carrière à partir de petits carnets extraordinaires dans lesquels il tenait un journal de 1904 à 1944 », souligne Guillaume Kazerouni, responsable des collections anciennes au musée des beaux-arts de Rennes et co-commissaire de l’exposition, au sujet de ces véritables trésors de connaissance.
Pendant 40 ans, André Devambez y consigna soigneusement la moindre de ses actions artistiques et personnelles d’une écriture aussi miniature que ses micro-tableaux : les expositions auxquelles il participe, les heures de repas et ce qu’il mange, les heures de pause quand il réalise un portrait et le nombre de semaines que ce dernier lui prend… jusqu’à mentionner les jours de colique ! Âgé de 37 ans quand il commence la rédaction de ses carnets, l’artiste et sa manie de tout noter remonte pour autant à plus loin. Il développe son talent pour le dessin dès son plus jeune âge au travers de petits carnets, et les courriers envoyés à son père sont semblables à des bandes dessinées, parcourus d’illustrations drolatiques. « La carrière d’André Devambez raconte le parcours à la fois extraordinaire et très classique d’un artiste figuratif formé à l’école des beaux-arts de Paris au début du XXe siècle, mais touche-à-tout » relate-t-il.
Lauréat du prix de Rome en peinture avec Le Remaniement de Saint-Pierre en 1890, celui qui franchira les portes de l’Académie de France à Rome (la ville Médicis) était de ces peintres à la fibre artistique innée. Son travail s’inscrit dans une expérimentation constante, en association avec la modernité de son temps. La photographie, qui connaît une démocratisation progressive à cette époque, devient un medium sur lequel André Devambez superpose un travail à la main. Exposée à côté de tirages photographiques, la magnifique aquarelle gouachée Une Martyre (1910) révèle quant à elle son talent pour la peinture classique tout en s’en émancipant.
Les centaines d’œuvres présentées dans l’exposition retranscrivent une curiosité artistique folle dans laquelle l’humour tient une grand place. En témoignent les innombrables scènes dont il est le géniteur. Passionné d’illustrations et fin humoriste, Devambez travaille durant tout sa carrière pour des revues et journaux, parmi lesquels L’Illustration et Le Rire. La couverture illustrant La fête à Coqueville d’Émile Zola (1899) peut notamment être considérée comme son premier chef d’œuvre d’illustrateur. D’autres suivront. Aux Galeries Lafayette, Les Dirigeablobus (1909) ou Paris aérien (1913) sont autant de lithographies qui se rapprochent de la bande-dessinée et des cartoons. Les Grand hommes réunis dans la maison de Devambez (1905) atteste quant à elle son habilité pour la caricature et les bonhommes truculents. « À mon retour à Paris, des journaux humoristiques me demandèrent ma collaboration. J’acceptai. Je poursuivis parallèlement les carrières de peintre et d’humoriste. Je me suis efforcé de les concilier. Je crois y être parvenu », répondait-il à un journaliste en 1929. Et l’exposition le prouve.
Certaines de ses illustrations des Voyages de Gulliver, un univers qui l’affectionnait particulièrement, flirtent avec l’esthétique de la gravure, comme Gulliver devant les docteurs du pays de Brobdingnag (1911). D’autres s’aventurent dans un univers de science-fiction évoquant celui de Jules Vernes, voire se rapprochant du surréalisme, à l’instar des Macrobes. Alors je m’engageais dans une course effrénée, en 1909. Un sujet aussi singulier que l’œuvre de Devambez : un médecin chimiste un peu frustré fait grossir des microbes pour en faire des créatures géantes qui attaquent Paris.
Mais toutes se font le témoin d’une précision du détail toujours plus impressionnante, et de son attrait pour les personnages en miniatures et les effets de foule, telles la peinture Gulliver en tournée à Lilliput. Illustrateur, mais aussi peintre malin, il utilisera à bon escient ce talent pour le détail dans ses formats réduits, qu’il aimait appeler ses « Touts Petits ». Aux grands tableaux à la touche réaliste, voire hyperréaliste, (Portraits de Pierre et Valentine, ses enfants (1925) ; La Complainte ou la chanson (1939)) s’ajoute en effet une spécialisation dans le micro tableau. Il les vendait notamment à la période de noël dans des prix abordables.
Dans des formats réduits, l’artiste de son temps qu’il était représente son environnement quotidien et l’atmosphère où il vit. Le métro bondé, la vie parisienne, le jardin du Luxembourg ou encore le marché de la porte d’Italie, mais également des sujets plus fantastiques, comme les contes et les mythes, sont autant d’exemples qui montrent sa maîtrise du geste et de la précision, toujours avec une pointe d’humour.
En dépôt au musée par le CNAP, le chef d’œuvre L’exposition universelle de 1937, vue de la tour Eiffel fut le point de départ de cette exposition, avouons-le extraordinaire, à l’image de son protagoniste. Visible dans les collections permanentes à l’année, elle condense le talent d’André Dezambez et ce qui fait son oeuvre : des scènes vues de haut, des bonhommes truculents avec un esprit bande dessinée, des personnages en miniature et des effets de foule. Le temps de quelques heures, laissez-vous embarquez dans cet univers artistique exposé pour la première fois dans son intégralité. L’exposition partira ensuite à Paris, au Petit Palais, du 9 septembre au 31 décembre 2022.
Jusqu’au 7 mai 2022, André Devambez, Vertiges de l’imagination, musée des beaux-arts de Rennes.
INFOS PRATIQUES
Musée des Beaux-Arts de Rennes
20 quai Emile Zola
35000 Rennes
Horaires d’ouverture :
du mardi au vendredi : 10h – 17h
samedi et dimanche : 10h – 18h
Fermé le lundi et les jours fériés
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