Croyez-vous que les objets puissent avoir une influence sur notre vie ? Qu’ils soient dotés d’un pouvoir secret ? Ou bien que nous imaginions ce pouvoir et de ce fait, nous nous donnions inconsciemment les forces pour réussir dans nos entreprises ?
L’histoire
Daniel Mercier est un homme ‘normal’, âgé de la quarantaine. Un soir, il dîne seul dans une brasserie parisienne. Il se retrouve par hasard à côté de François Mitterrand. Subjugué, il écoute la conversation des hommes et se réjouit de pouvoir côtoyer de si près le pouvoir et, surtout, de pouvoir ensuite raconter l’anecdote à ses proches. Quand après leur départ, il s’aperçoit que le président a oublié son chapeau, sur un coup de tête, il s’en empare, s’en coiffe comme s’il lui appartenait et file sans demander son reste.
Il est tout heureux de ce hasard de la vie et du récit qu’il fera à son épouse à son retour. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est que le chapeau, sitôt qu’il se pose sur une tête, semble influer sur la vie de son porteur, lui insuffler de l’énergie, de la personnalité, la force d’oser exprimer son opinion ou de s’opposer à l’avis des autres. Bref, le couvre-chef donne à son possesseur non seulement un air chic et digne, mais une aura qui va changer sa vie. Il agit comme un talisman, un porte-bonheur, un gri-gri, une sorte de force immatérielle et donc insaisissable faisant ressortir le meilleur de la personne qui s’en ceint…
Sauf que le chapeau semble ne pas vouloir rester dans les mêmes mains. Mercier le perdra bien vite au profit d’une jeune femme, qui l’abandonnera sur un banc, après avoir pris une grande décision qui fera que sa vie changera du tout au tout. Il sera récupéré par un parfumeur dépressif en mal de création, puis par un bourgeois parisien… avant de revenir sur la tête de Daniel, après maintes et maintes péripéties. Pour savoir sur quel crâne finira le galurin, rendez-vous une librairie (indépendant si possible)…
Outre l’histoire qui est vraiment très drôle et originale, et qui pose des questions pertinentes sur la confiance en soi, le retour dans les années 80 est réussi.
Antoine Laurain ressuscite cette époque avec sa verve habituelle (aussi délectable que dans Fume et tue !) et un humour mordant, souvent ironique, mais également empreint de nostalgie. Le lecteur revit les débuts du minitel, écoute les chansons à la mode qui deviendront des tubes malgré le coté sulfureux de la chanteuse (C’est la ouate), assistons aux scandales de Gainsbourg à la télé, les débuts de Canal+, la petite chaine qui monte, le JT de Mourousi… Basquiat est un illustre inconnu ; Jacques Séguéla fait sa pub ; en politique, il faut cohabiter ; on écoute ses messages sur des répondeurs à cassette et on filme en VHS (betamax, c’était mieux !) ! On s’insurge contre la construction des colonnes de Buren ou de la pyramide du Louvre, Jacques Lang crée la fête de la musique. Bref, c’est toute une époque qui défile sous les yeux. L’énergie de cette période reviendra à certains lecteurs, avec un brin de nostalgie…
L’écriture de Laurain est fluide, vive, bourrée d’humour, de clins d’œil. Ses descriptions des personnages sont un véritable régal, tout particulièrement les bourgeois ancrés dans leurs principes et outrés qu’un des leurs ose virer sa cuti, changer d’idées politiques et même appeler Mitterrand en prononçant son patronyme correctement au lieu de cracher un Mittrand péjoratif… Jubilation également à lire les soirées mondaines du show-biz de l’époque, les m’as-tu-vu qu’on croise dans les galeries.
Que le lecteur qui craint de lire un panégyrique de l’homme politique se rassure, il n’en est pas question ici. Ce roman d’Antoine Laurain mérite un coup de chapeau…
Alix Bayart
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Antoine Laurain, Le chapeau de Mitterrand, Flammarion (11 janvier 2012), 211 pages, 18€
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