Dans l’univers composite du coaching, de nombreuses approches sont mises à disposition des professionnels sérieux. Un outil connait un intérêt croissant : les pratiques narratives. Ce sont les thérapeutes australien et néo-zélandais Michael White et David Epston qui ont largement contribué à leur émergence vers la fin des années 80. Depuis, elles se sont développées principalement en Australie, en Grande Bretagne, Scandinavie, Amérique et France. Présentation par Sonia Muller* dans le cadre de la rubrique ‘psychologie’ d’Unidivers Mag qui va s’étoffer tout au long de l’année 2013.
La pratique d’une identité narrative
Les pratiques narratives reposent sur l’intérêt porté au recueil d’informations diverses et variées, voire à première vue périphériques ou résiduelles. Elles sont susceptibles d’aider une personne (patient ou coaché) à découvrir et mieux comprendre des événements traversés comme des aspects négligés de sa vie ou de son identité. Il s’agit de la conduire à formuler un nouveau récit en parallèle et en complément de celui qu’elle utilise habituellement pour se raconter aux autres. Un récit qui se nourrit d’une dimension qui est capitale chez tous un chacun : désirs, rêves, espoirs, ambitions, valeurs, croyances…
L’arrivée en France
Cette approche destinée initialement à accompagner des personnes subissant de lourds traumatismes est parvenue en France vers 2004. Pierre Blanc-Sahnoun, coach professionnel, en est le principal transmetteur grâce à sa structure la « Fabrique narrative » à Bordeaux et sous la responsabilité de Dina Scherrer également coach professionnel à Paris. Cette dernière a opéré une adaptation de cet outil pour l’accompagnement de jeunes en décrochages dans les classes de 3e Segpa, expérience retranscrite dans son livre Échec scolaire, une autre histoire possible [i].
Deux principes phares
Le principe de base de cette technique pour accompagner des personnes en coaching personnel ou professionnel s’énonce ainsi : « la personne est la personne, le problème est le problème, la personne n’est pas le problème ». L’objectif est de commencer par écouter le coaché dans sa plainte. D’ailleurs, un proverbe chinois ne propose-t-il pas de « vider la tasse avant de la remplir à nouveau » ? Une fois cette mesure mise en oeuvre, un autre principe se manifeste : « le coaché est celui qui sait ». C’est pourquoi, dans un cadre bienveillant d’écoute et de permission sans jugement, le coach questionne le coaché afin de l’aider à verbaliser « son histoire préférée ».
Une pratique d’externalisation
Le coaché qui consulte un coach à obligatoirement une demande particulière pour :
- Reconstruire l’estime de soi afin de mieux vivre ensemble
- Redonner du sens et du plaisir à sa fonction
- Mobiliser des ressources pour alimenter un projet professionnel
- Retrouver de la motivation à co-construire
- Trouver une orientation professionnelle
- Aborder l’entreprise avec une attitude positive
- Communiquer pour de meilleures relations humaines…
Dans ce cadre, les pratiques narratives reposent sur l’externalisation constructive. En pratique, le coach pose des questions les plus pertinentes possible afin de faire émerger, puis de canaliser, les propos que le coaché se raconte à lui-même sans jamais le raconter à un auditoire.
Dans certains cas, le coach est conduit à faire dessiner son coaché pour l’aider à s’exprimer au travers de sa créativité et de (ses) représentations. Effectivement, il est parfois plus aisé de transmettre des ressentis et des émotions par le dessin. Nous empruntons ces voies chez les coachés dont la communication orale est bloquée.
Deux exemples : Papillon et Solitude
C’est ainsi que, durant une séance d’accompagnement, un chef d’entreprise coaché est parvenu à évoquer un problème qu’il rencontrait depuis longtemps dans son travail en le nommant « papillon ». Jolie image, me direz-vous, pour désigner un problème… Si ce n’est que, derrière ce papillon, se cachait un ensemble de culpabilités d’instabilité, d’oisiveté, de manque d’intérêt pour une chose en particulier [Sonia Muller est soumise au secret professionnel, NDLR]. Une situation qui engendrait pour le coaché une difficulté à structurer son entreprise et à en assurer sa rentabilité. Le « papillon » s’étant envolé, il a pu définir des étapes pour mettre en œuvre une stratégie d’entreprise. Aujourd’hui, cette dernière connait une prospérité continue.
Autre exemple : lorsqu’une « solitude » s’est invitée dans un exercice avec un autre coaché. La « solitude » interrogée mettait en lumière une difficulté pour un dirigeant qui s’exprimait à créer de relations harmonieuses et à générer des relations sans ambiguïté. Une fois la prise de conscience effectuée, il l’a formulée en chanson accompagné par un guitariste. Depuis, ce coaché a développé un nouveau type de relations qui fait que toutes les personnes qui gravitaient autour de lui auparavant et qu’il ne voyait pas se manifestent désormais au sein de véritables relations. Ces manifestations ont donc comme effet bénéfique de faire des liens entre des personnes ressources, lesquels facilitent la précision des demandes du coaché et l’évolution favorable de ses attentes et désirs.
S’autoriser pour se réhabiliter
Par la parole ou par le dessin, ces pratiques narratives mises en œuvres par de nombreux coachs présentent des résultats surprenants. Selon les termes des accompagnés, ils se sentent « réhabilités » dans l’expression de leurs personnalités et « autorisés » à atteindre le somment de la pyramide de Maslow[ii], autrement dit : l’accomplissement personnel.
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Unidivers Mag – Sonia, cela veut dire quoi, pour vous, “mieux vivre ensemble” ? :
Sonia – Cela veut dire écouter et accepter les différences de chacun, partager les siennes et expérimenter de nouvelles actions par une collaboration participative de co-développement en associant les compétences de chacun. (Je ne sais pas si je suis très claire…)
– Que souhaitez-vous apporter à notre société et aux personnes qui la composent ?
De la gentillesse, de la bonté, de l’information pour qu’elles sachent qu’il existe des ressources à notre disposition que nous ne soupçonnons pas lorsque nous n’en avons pas connaissance et un retour sur des expériences qui peuvent les motiver à oser.
– Quelle est la spiritualité qui oriente votre vie ?
Je ne sais pas si je connais vraiment la définition de ce mot. Je suis née dans une famille très catholique (avec un oncle prêtre) dont je rejette les comportements. J’ai besoin d’exemplarité, je reçois ce qui m’est dit, mais je dénonce ce que je vois parce qu’il y a incohérence. Alors j’ai cherché dans mes expériences à définir ce en quoi je veux croire. J’ai la foi, c’est certain, dans des valeurs qui m’ont permis de réussir le chemin que je me suis choisi faute de transmission.
– Sonia, si vous deviez partir avec un livre sur une île déserte, quel serait-il ?
« Les 5 blessures qui nous empêchent d’être soi-même » de Lise Bourbeau éditions ETC
[i] Dina Scherrer « Une autre histoire possible » éditions L’Harmattan
[ii] La pyramide des besoins de Maslow schématise une théorie élaborée à partir des observations réalisées dans les années 1940 par le psychologue Abraham Maslow sur la motivation.