Arnaud Cathrine accompagné du musicien Florent Marchet ont proposé – dans le cadre de la première Nuit des Champs Libres qui s’est déroulée le 1er octobre à Rennes – une lecture musicale de la nouvelle du premier « Pas exactement l’amour ». Esprits trop prudes s’abstenir !
N’allez pas croire que nos duettistes se sont livrés à des actes publics que la morale réprouverait, vous seriez complètement hors sujet. Pourtant, même s’ils ont été agréablement ornés de musique , les textes de Arnaud Catherine ne s’embarrassent pas de faux semblants et abordent tous les aspects de l’amour avec une précision quasi chirurgicale et dénuée de pudeur. C’en est parfois gênant, et quelquefois la pénombre de la salle Hubert Curien nous permet de dissimuler un certain malaise. Il faut pourtant reconnaître que l’écriture est servie par une grande précision, une implacable exactitude et impose une réelle admiration. Ces textes ciselés, le vocabulaire choisi avec précision, la nervosité du style, imposent un indiscutable respect. Arnaud Catherine n’est pas un néophyte et il est l’auteur de nombreuses fictions parues aux éditions Verticales, pour mémoire, « Sweet home » « La disparition de richard Taylor », « Je ne retrouve personne ». Il est également scénariste et a conçu avec le compositeur Florent Marchet un roman musical intitulé « Frère animal » qu’ils ont déjà présenté sur scène.
Ce soir c’est une nouvelle tirée d’une suite de dix, que les deux complices vont égrainer devant un public étonné, intéressé et souvent charmé. Au delà du thème de l’amour dont tout a été dit et tout reste à dire , c’est l’histoire d’un couple qui nous est racontée. Tout est au fond assez banal. La lenteur d’une rencontre où les protagonistes s’approchent, s’évaluent, finissent par se connaître au sens biblique du terme, tout en gardant un certain éloignement.
Le charme opère, la découverte fascine, mais la crainte de ce qui pourrait ressembler à un engagement les maintient peu ou prou à distance. Seulement voilà, sans qu’ils y aient pris garde, s’installe la passion, avec toutes ses fureurs et tous ses enchantements. Il devient urgent de se perdre dans l’autre, pourtant la belle histoire va rapidement vaciller. Ce qui ne manque jamais d’arriver lorsque le bonheur paraît trop beau , trop grand, c’est le poison du doute qui s’instille pernicieusement dans les pensées, une petite voix qui chuchote à l’oreille une phrase mille fois ressassée « c’est trop beau , ça ne durera pas ». Et pourquoi donc ? Mais la raison a beau taper du poing sur la table, le vers est dans le fruit et continue inlassablement son travail de sape. Tout ce qui dans l’autre charmait et amusait devient sujet d’agacement, d’escarmouches. L’entassement des inévitables compromissions fait oublier jusqu’au souvenir des jolis moments partagés. Pendant deux heures haletantes, Arnaud Cathrine et Florent Marchet nous invitent à être les témoins passifs de ce lent délitement où aucun détail n’est laissé de côté. On en viendrait à prendre parti et crier au garçon – « arrête de faire l’idiot tu vois bien qu’elle t’aime », mais rien ne perturbe l’inexorable destruction à laquelle nous assistons, voyeurs et expectatifs. Ce tourbillon devrait donc, en toute logique nous conduire à une inéluctable séparation, mais voilà, la raison reprend le dessus, s’ensuit un apaisement et la nouvelle s’achève dans une phrase simple et belle « après ils s’aimèrent, et ce fut autre chose ».
Intéressante soirée où nos deux hôtes ont démontré chacun à leur tour et parfois en simultané, un talent et une sensibilité des plus stimulantes. Ce n’est donc pas un hasard si Arnaud Cathrine a reçu le prix de la nouvelle 2015 de l’Académie française. Un jeune talent indiscutablement à suivre.