Nous entendons souvent les mêmes inepties autour de la bande dessinée. Elles émanent en général des professeurs de français qui lui reprochent d’abimer la langue. Ils n’ont manifestement toujours pas compris le principe d’étapes successives indispensables à la transmission, et qu’on ne passe pas de Fifi Brindacier à Flaubert sans intermédiaire. De fait, lorsqu’une bande dessinée mène à la rencontre de Rimbaud, on se dit qu’il faudrait l’imposer dans toutes les bibliothèques scolaires. A fortiori si elle est bien écrite et merveilleusement illustrée par un jeune auteur.
Xavier Coste choisit des héros forts en légende et hauts en histoire. Après Egon Schiele (Casterman – 2012), il enchaîne avec une biographie du plus célèbre poète français : Rimbaud l’indésirable, dans laquelle on suit le jeune Arthur en mal de reconnaissance depuis Charleville, il n’a pas 17 ans, jusqu’au trentenaire usé par les excès, se tuant à la tâche en Afrique d’où il reviendra meurtri par la vie. Scénario, dessins, couleurs, l’auteur de 24 ans signe tout lui-même. On suit la dimension caractérielle du poète, son explosive arrogance et ses sobriétés silencieuses mises au bénéfice de l’écriture. Xavier Coste prend le risque d’illustrer quelques poèmes repris in texto. On craint le pire… puis on respire de satisfaction. Le travail sur la couleur surprend autant qu’il émerveille. Ce sont des tons bruts, pour certains travaillés et polis sur des bases grises, jaunes et rouges. L’ensemble favorise un mouvement, une autorité, presqu’un style. A cet égard, l’enchainement des pages 37 à 39 est parmi les plus réussis. Bref, Rimbaud l’indésirable n’est pas un livre, c’est une école. Très rares sont les bandes dessinées qui peuvent à la fois servir de référence à un professeur de français et à son collègue enseignant le dessin. Magnifique.
Jérôme Enez-Vriad