EMIL WEISS, AUSCHWITZ PROJEKT OU L’AMÉNAGEMENT TERRITORIAL

Dans Auschwitz Projekt, à travers d’époustouflantes images aériennes et des textes de témoignages poignants, Emil Weiss montre comment Auschwitz fut la quintessence d’un projet d’aménagement territorial global de l’Europe de l’Est orchestré par Hitler.

Auschwitz Projekt Emil Weiss

Auschwitz. Le nom évoque d’abord le plus grand camp de concentration et d’extermination nazi où périrent plus d’un million d’hommes, de femmes et d’enfants, juifs dans leur immense majorité. Mais il est aussi associé à un énorme projet d’aménagement territorial de l’Europe de l’Est annexée au Grand Reich, avec, dès 1940, la mise en chantier d’une « zone d’intérêt » d’une superficie de 40 km. Outre les trois principaux camps, (Auschwitz I, Auschwitz II Birkenau et Auschwitz III Monowitz), on y trouve des fermes, des camps annexes, des centres de recherche ou encore un projet urbain. À l’extérieur de cette zone, le complexe se prolonge sur des dizaines de kilomètres avec une trentaine d’autres camps, des usines et des mines. Un projet global qui répond aux deux obsessions du Führer : le Lebensraum, la conquête de « l’espace vital » que constitue l’Est européen, et l’extermination des Juifs.

Déjà auteur pour ARTE d’une trilogie sur Auschwitz, Hourban (Destruction), Emil Weiss met en évidence les vestiges topographiques du site concentrationnaire grâce à d’impressionnantes vues aériennes. Sur ce vaste espace sont appliquées toutes les politiques mises en œuvre par l’État nazi puisqu’à l’entreprise concentrationnaire et génocidaire s’ajoutent des programmes d’ordre territorial, racial, industriel, agricole et scientifique. Des témoignages extraits des écrits de Primo Levi, Charlotte Delbo et Simone Veil, qui travailla dans le camp de Bobrek créé par Siemens, viennent aussi rappeler à quel point le complexe fut une manne lucrative pour le IIIe Reich, qui louait à bas coût ses prisonniers aux firmes allemandes, comme Krupp et IG Farben. Emil Weiss souligne ainsi comment la participation massive de l’industrie a rendu possibles la germanisation d’Auschwitz et l’extermination de millions de personnes.

Pourquoi avoir voulu tourner un quatrième film sur Auschwitz ?

Emil Weiss : Une fois achevée la trilogie qui traite de l’anéantissement, j’ai souhaité montrer le projet nazi global développé à Auschwitz et ses environs. Car chaque voyage que j’ai effectué sur place s’accompagnait de nouvelles découvertes qui m’ont donné envie de mieux comprendre le fonctionnement de ce Complexe tentaculaire. Mais pour montrer les vestiges topographiques, il m’était impossible de tourner de manière « traditionnelle », comme je l’avais déjà fait. J’ai donc utilisé des drones pour réaliser des prises de vues aériennes, plus adéquates pour rendre compte de cet immense territoire.

Que cache en réalité le nom d’Auschwitz ?

Emil Weiss : On trouve d’abord ce que les nazis appellent la « zone d’intérêt », d’une superficie d’environ 40 kilomètres carrés. À l’intérieur se situent les trois principaux camps, celui de concentration Auschwitz I, mais aussi d’extermination Auschwitz II Birkenau, et celui de travail Auschwitz III Monowitz. Cette zone comporte aussi des fermes, des mines, des camps annexes, des centres de recherche, un vaste projet d’urbanisme et  de nombreuses autres installations qui participent au fonctionnement de l’ensemble. À l’extérieur de ce périmètre, le complexe d’Auschwitz se prolonge encore d’environ 60 kilomètres à la ronde, avec des usines, des mines et une trentaine de camps annexes attenants à ces infrastructures.

En quoi les camps et leur myriade d’installations connexes répondent-ils aux desseins hitlériens ?

Emil Weiss : L’idée fixe d’Hitler est que l’Allemagne, c’est l’Europe, et pour que cela advienne, il lui faut un bloc de 100 millions d’Allemands installés au centre de ce territoire, dans l’optique de pouvoir faire face à la puissance russe. Il entreprend donc d’abord de germaniser l’Europe centrale, c’est-à-dire les pays qui ont connu la domination austro-hongroise et où la culture allemande préexiste. Parallèlement, il met en œuvre l’idéologie de la pureté raciale et la politique d’extermination qui l’accompagne.

Jusqu’à quel point l’implication des industriels a-t-elle rendu possible le complexe d’Auschwitz ?

Emil Weiss : Pour chaque projet, qu’il soit industriel ou minier, les camps de prisonniers fournissent aux industriels la main-d’œuvre bon marché. Hitler n’aurait rien pu réaliser sans l’appui de l’industrie allemande et notamment de Krupp, de Siemens et du consortium IG Farben (Agfa, Bayer, BASF, Höst) impliqués dans le développement économique d’Auschwitz.

Auschwitz Projekt documentaire d’Emil Weiss (France, 2017, 56mn) – Coproduction : ARTE, Michkan World Productions. Première diffusion : ARTE 30 janvier 2018 – 23.10

Michkan World Productions fut créée en 1987 afin de permettre la réalisation d’un premier film pour lequel les autres conditions de faisabilité étaient déjà réunies.

C’est ainsi que le premier film vit le jour « Falkenau – Vision de l’impossible (Samuel Fuller témoigne) », film qui explore l’univers concentrationnaire et réunit dans son sein plusieurs formes de témoignages :
– un document filmique resté inédit, tourné par Samuel Fuller lors de la libération d’un camp « ordinaire », Falkenau, le 8 mai 1945.

– le témoignage verbal concernant la description des événements, dont la mémoire, pour certains, a été oblitérée ou refoulée.

– les réflexions d’un grand cinéaste qui durant tout son parcours n’a cessé de peaufiner le langage cinématographique.

Cette première réalisation, récompensée par une étude historique et philosophique importante, des nombreux articles et comptes-rendus, ainsi qu’une diffusion international qui se poursuit, trouva son prolongement naturel dans d’autres films dont le sujet s’articule autour de la mémoire. Mémoire d’événements historiques ou des portraits de personnalités marquantes du monde culturel, politique et scientifique. Des films conçus pour être des objets de culture.

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