Du 16 décembre au 1er mars 2015, les Champs Libres invitent le public à découvrir l’univers de 3 artistes magiciens : Cécile Léna, Etienne Saglio et Philippe Lefebvre alias Flop. En cette période de fête, l’exposition La fabrique des songes renoue avec l’esprit féérique de Noël. Alléluia : La vida es sueño !
La débauche mercantile et les décorations criardes liées de nos jours aux fêtes de Noël nous avaient peu à peu fait oublier nos âmes d’enfants. Émerveillés, délicieusement happés par la magie des univers des trois artistes lors de la visite de La fabrique des songes, nouvelle exposition des Champs Libres, nous nous sommes laissés bercer par un doux rêve éveillé.
Il était une fois trois jeunes enfants, élevés en France au XXe siècle, qui ne s’étaient jamais rencontrés. La petite fille, Cécile, reçut le don de donner vie aux étoffes et aux matériaux dans des mises en scène théâtrales miniatures. Le second, Philippe, surnommé Flop, avait une prédilection pour le recyclage de pièces usées, leur offrant, grâce des machines de son invention et une lumière spéciale, de recouvrer une seconde jeunesse. Enfin, le troisième, Étienne, cherchant une façon d’échapper à l’ennui, développa un talent particulier pour le jonglage, la magie et l’illusion.
En grandissant, tous trois développèrent leurs talents en créant des univers de plus en plus élaborés. Chacun put constater à quel point leur technique allait croissant, sans jamais perdre de leur grâce enfantine initiale. À l’âge adulte, ils durent tous trois trouver à exercer leurs talents dans des activités concrètes. Cécile travailla pour le théâtre comme scénographe et créatrice de costumes tout en continuant à dessiner sur les airs jazzy des chansons de Billie Holiday ou de Duke Ellington. Flop continua à bricoler, trouvant sur sa route quelques compères réunis sous le nom de groupe Zur, en digne héritier des maîtres de l’illusion d’optique Charles Bowers ou Méliès. Étienne, quant à lui, se forma aux arts du cirque et développa ce qui était maintenant devenue son quotidien, la magie.
Un jour, un bon génie leur dit : « Cécile, Philippe, Étienne, vous avez réussi ce à quoi aujourd’hui peu d’êtres parviennent : conserver avec la plus grande intégrité votre âme d’enfant tout en vous réalisant en tant qu’adultes. Pour vous récompenser, je vous offre la possibilité de présenter au plus grand nombre chacun une partie de votre rêve. » Et il ajouta, fort de la conviction que seule une totale liberté d’action leur permettrait de faire éclore la poésie et la bonté de leur imaginaire : « Je vous laisse le champ libre, pourvu que votre magie opère ! »
Ravis et peu surpris de cette apparition tant l’illusion faisait partie de leur quotidien, ils s’attelèrent à la tâche. Aujourd’hui, le public est invité à pénétrer dans l’obscurité de l’espace offert par le bon génie à nos trois rêveurs qui sont bien vite devenus d’heureux complices.
Déambulant à travers les pièces, le spectateur est invité à flotter dans une douce torpeur matérialisée par de petits flocons de coton sous cloche. L’ambiance créée conjointement par des lumières tamisées, des projections d’objets animés et des petites scènes bercées de musique, l’entraine dans un heureux abandon. L’évidence s’impose : le bon génie a su reconnaître en eux les nouveaux Oneiroi (les Songes), enfants d’Hypnos (le Sommeil).
« Parmi ses mille enfants, le Sommeil choisit Morphée habile à revêtir la forme et les traits des mortels. Nul ne sait mieux que lui prendre leur figure, leur démarche, leur langage, leurs habits, leurs discours familiers. Mais de l’homme seulement Morphée représente l’image. Un autre imite les quadrupèdes, les oiseaux, et des serpents les replis tortueux. Les dieux le nomment Icélos, les mortels Phobétor. Un troisième, c’est Phantasos, emploie des prestiges différents. Il se change en terre, en pierre, en onde, en arbre ; il occupe tous les objets qui sont privés de vie. Ces trois Songes voltigent, pendant la nuit, dans le palais des rois, sous les lambris des grands ; les autres, Songes subalternes, visitent la demeure des vulgaires mortels. » (Ovide, les métamorphoses — XI, 633-646 ; trad. G.T. Villenave)