L’association rennaise Engrenage[s] met en avant les formes culturelles de la diaspora africaine, notamment afro-américaines, depuis 16 ans. Cette diversité s’incarne durant le festival Le Funk prend les Rennes organisé tous les 2 ans. C’est mercredi 2 octobre 2019 que sera lancée la 5e édition de ce bel événement autour de plusieurs concerts, DJ sets et spectacles de danse. Il aura pour apothéose le Bal du Tout Monde, spectacle participatif gratuit qui se tiendra le dimanche 6 octobre à 15h30 sur la place de la Mairie.
J’appelle créolisation la rencontre, l’interférence, le choc, les harmonies et les disharmonies entre les cultures, dans la totalité réalisée du monde-terre. (Édouard Glissant)
C’est en 2003 à Rennes que naît Engrenage[s], sous l’impulsion de Franck Guizonne alias Franco. Marqué par sa découverte du hip-hop en 1984, ce dernier s’était alors lancé dans une carrière de rappeur puis de danseur. Un an après la création de son association, il est rejoint dans son équipe par Marie Houdin, danseuse rennaise qui, elle aussi, est animée de la même passion depuis 1999. Dans un premier temps, la structure prend ainsi la forme d’une compagnie de danse hip-hop et organise des représentations ainsi que des actions culturelles dans l’optique de promouvoir cette culture florissante dans l’espace rennais. Mais dès 2012, ses projets artistiques adoptent un aspect de plus en plus hybride et participatif. Dans cette dynamique, la compagnie remet au goût du jour des initiatives innovantes et des formes alors méconnues en France. Parmi elles, le bal funk, ou encore la « Soul Train Line », une performance chorégraphique popularisée aux États-Unis pendant les années 70 par l’émission « Soul Train », sous l’égide du présentateur Don Cornelius.
En 2017, Engrenage[s] franchit un nouveau cap et devient un véritable générateur de projets de diverses natures. Cette évolution lui confère désormais un caractère transdisciplinaire, autant dédié aux différentes formes artistiques afro-américaines qu’aux multiples répertoires internationaux qui leur sont associés. Cet aspect pluriel prend corps de façon flagrante pendant le festival Le Funk Prend Les Rennes, créé par l’association en 2012 et qui a lieu tous les 2 ans. Le mercredi 2 octobre prochain débutera ainsi la 5e édition de cet événement, inauguré ce même jour à 12h30 aux Champs Libres par la conférence « Sape, musique et danse : une identité panafricaine ».
Le festival sera conclu de façon tout aussi festive par le Bal du Tout Monde, co-produit par Les Tombées de la Nuit et qui se déroulera le 6 octobre à 15h30 sur la Place de la Mairie. Ce spectacle, imaginé par Marie Houdin, vit le jour en 2017 et fut représenté pour la première fois les 8 et 9 septembre 2018 au festival Accroche-Coeurs d’Angers.
Le terme « Tout-Monde », qui donne son nom au bal, renvoie à un concept défini par le poète martiniquais Édouard Glissant dans son Traité du Tout-Monde (1997). Il désigne un espace dans lequel furent créées des formes d’expressions culturelles inédites, par le biais de métissages culturels et linguistiques imprévisibles. Ainsi ces synthèses aux retombées inattendues, que Glissant nomme « créolisation », a permis l’émergence des langues créoles présentes dans les départements d’Outre-Mer, ainsi que de plusieurs styles musicaux centraux dans la musique populaire américaine comme le jazz et le blues. Mais il fut également à l’origine de nombreuses danses sociales et populaires présentes dans les pays de la diaspora africaine. Ces dernières incluent non seulement les styles développés dans les royaumes africains, mais aussi ceux élaborés au sein des îles caribéennes, ainsi que des plus grandes villes des États-Unis comme la Nouvelle-Orléans et Chicago. Ce sont ces mêmes danses, retranscrites par Marie Houdin, que fait vivre le Bal du Tout-Monde pendant près de 3 heures. Avec le concours des autres membres de la compagnie d’Engrenage[s], la danseuse et chorégraphe amène ainsi le public à la rencontre des différents pays et îles de l’archipel, à travers les multiples danses et styles musicaux populaires qui les ont fait vibrer.
Afin de parfaire ce voyage culturel, situé pour l’essentiel pendant les années 60 et 70, les chorégraphies seront rythmées par un DJ set qui mettra à l’honneur les styles musicaux indissociables de ces répertoires de danse. Pour ce faire la sélection musicale a été ici confiée à DJ Freshhh, connu entre autres à Rennes pour ses « Funky Fresh Parties » depuis 2013 au 1988 Live Club. Pour couronner le tout, les participants au bal seront aussi invités à se “saper” avec les beaux habits colorés mis à disposition par la costumerie ambulante de la boutique Des Habits Et Vous. Possibilité sera également donnée aux spectateurs d’immortaliser leur présence à la fête grâce au service de photomaton rétro La Boîte Noire. Ils pourront aussi profiter aussi de la buvette “gourmande et métissée” préparée par la cuisinière et poétesse Déb’Bo de Papilles & Papiers.
En parallèle de sa fonction de divertissement, le Bal du Tout-Monde tend également à transmettre au grand public la mémoire de ces patrimoines culturels créolisés auxquels il rend hommage. Les chorégraphies restituées par Marie Houdin sont d’ailleurs alimentées par ses recherches personnelles et les collectages qu’elle réalisa pendant des voyages, dont certains bénéficièrent du soutien de l’Institut Français. Elles constituent également la trame de son projet personnel baptisé « The Unexpected Dance », dans lequel elle engage un dialogue entre ces mêmes danses. De plus le bal est également conçu comme un préalable à la mise en place d’ateliers de danses et de médiation, qui ont pour but de nous interroger sur la nature composite de nos identités culturelles. L’occasion de rappeler que ces cultures créolisées, comme dans les autres cultures mondiales, sont en constante évolution, circulent à travers le monde et continuent de se réinventer à travers des échanges culturels toujours aussi revitalisants. Y figurent ainsi les danses « funkstyle », dont sont inspirées les danses hip-hop comme le « break » qui ont acquis une portée désormais universelle en quelques décennies.
Parallèlement aux danses afro-américaines qui nous sont plus familières, le spectacle mettra également à l’honneur des répertoires plus méconnus dont ceux des îles des Taïno, que l’on connaît sous le nom des Caraïbes. Le Bal du Tout-Monde sera donc également marqué par la performance de l’ensemble Cuba sur une chorégraphie de Vanessa Neira, professeur spécialisée dans les danses latines et urbaines. Cette prestation sera rythmée aux notes du morceau « La Habana Buena », créé en 2009 par le groupe Palo ! et mêlant rythme de rumba afro-cubaine avec des éléments de la musique funk.
En mettant en lumière ces répertoires de danses et de musiques, le Bal du Tout-Monde célèbrera ainsi, de la plus belle des façons, des identités non pas cloisonnées ou repliées sur elles-mêmes, mais au contraire composites et ouvertes, parfois même interconnectées. De fait, elles contribuent encore à façonner le monde culturel d’aujourd’hui au gré de rencontres, d’échanges et de synthèses qui entretiennent leur vitalité et leur précieuse richesse. Voilà donc une raison supplémentaire de prendre part à l’événement, qui devrait clôturer en beauté le festival d’Engrenage[s]. Désormais, il ne vous reste plus qu’une chose à faire : chausser vos baskets et entrer dans la danse !
Téléchargez le programme complet ici.