Le Bangladesh a malheureusement fait la une de l’actualité. À travers un drame. Un immeuble illégal s’est écroulé. Résultat : 400 personnes qui travaillaient dans la confection à cet instant sont mortes. Des manifestations meurtrières sans précédent s’en sont suivi. En question les culpabilités directes et indirectes.
Un monde mouvant et incontrôlable
Rapidement, à la suite du drame, des marques de confection ont été montrées du doigt : Benetton, Mango ou Primark. D’autres se sont empressées de démentir toute implication malgré les rumeurs d’étiquettes retrouvées sur les lieux. En réalité, la confection est un monde où les usines n’appartiennent pas aux groupes internationaux, mais à des sous-traitants qui peuvent changer du jour au lendemain en fonction de la demande. Dacca et le Bangladesh sont devenus, comme le Vietnam et le Cambodge, des lieux privilégiés pour la confection à bas prix. Elles accueillent même des sous-traitants de sociétés d’import-export, de négoce chinoises et autres dragons asiatiques. Quant au Code du travail, si les cahiers des charges des grands groupes parlent d’une dimension sociale et du respect des travailleurs, la réalité est toute autre : l’autocontrôle dans des États de droit hésitants autorise aisément les dérives.
De nouveaux négriers
Cette exploitation à bas coût – dénoncée par de nombreuses ONG et, récemment, par le pape François – s’opère dans un climat de mutisme des grandes puissances. Certains acteurs économiques et politiques parlent d’une aide au développement des pays par l’intermédiaire d’investissements. Mais qui aide-t-on vraiment ? Entre des négriers qui exploitent une main-d’œuvre corvéable à merci (32 €par mois, annonce-t-on pour les victimes de l’immeuble effondré, soit le salaire moyen, lequel a doublé en 15 ans) dans les pays les plus pauvres, des sociétés qui font un profit énorme en privant les pays occidentaux de travail et d’une valeur ajoutée. Rappelons que l’obsolescence programmée n’est as l’apanage de l’électronique, mais aussi de la confection où la mode et l’usure rapide est au service d’un constant renouvellement.
Un enjeu géostratégique
Le Gouvernement américain a communiqué sur le cas de cette usine. Il a apporté son soutien à la fois aux firmes incriminées et aux victimes. Position altruiste, certes, mais le Bangladesh constitue avant tout un enjeu géopolitique majeur. En effet, un projet d’Oleoduc reliant le Turkménistan à la côte permettrait de se passer des Russes, des Iraniens et des Chinois… Ce projet baptisé TAPI (Trans-Afghanistan Pipeline) explique aussi l’empressement des USA à partir en guerre en Afghanistan et à sécuriser le Pakistan. Le soutien politique et militaire devient ainsi primordial. L’Inde est également partenaire du projet malgré la rivalité avec le Pakistan.
Que faire ? Que choisir ?
Mais le consommateur peut-il encore choisir une marque plus vertueuse que les autres ? Prenons pour exemple les sacs et blousons de grande randonnée. Ce sont des produits essentiellement destinés à une clientèle occidentale et dont les prix tutoient des sommets qui laissent suggère au client une fabrication authentique et respectueuse… Pourtant, un simple examen des étiquettes révèle qu’aucun des produits n’est fabriqué dans un pays occidental : Chine, Thaïlande, Vietnam, Bangladesh ou, parfois, Maroc. Ce sont les lieux de fabrication des Decathlon, Columbia, Osprey et autres… De nombreuses marques se montrent peu loquaces au sujet de l’implantation de leurs usines – et pour cause. Reste le groupe Lafuma qui dispose bien de 4 usines en France et résiste bon an mal an à l’appel de l’Asie.
Une simple usine de vêtements conduit à des enjeux politiques et économiques majeurs. Ils se reflètent à travers nos propres habitudes de consommateurs. Et si le piège du low-cost s’est déjà refermé sur nous par un non-choix, le piège géopolitique peut aller bien plus loin que le Bangladesh. Il rejaillira sur tous les échanges commerciaux du Sud-Est asiatique et le trafic pétrolier.