Dans ce recueil d’aquarelles François Ravard nous emmène sur le littoral breton dans une balade poétique et nostalgique. Un petit bijou de tendresse.
Nous aimerions parfois que les mots écrits soient plus légers qu’une bulle de savon, plus transparents que l’écume de la mer. Mais il en est rarement ainsi. Décrire, expliquer, cela demande des lignes, de la ponctuation, du poids. Alors certains, prennent simplement quelques couleurs d’aquarelles, trempent dans l’eau un pinceau et posent le bleu outremer ou le vert véronèse sur une feuille blanche. Le geste est volatile, rapide et fait apparaître rapidement dans l’eau qui s’étale et glisse sur le papier, un soleil levant, la silhouette d’un baigneur ou la fin du jour.
Ce talent de mettre des images sans paroles sur des émotions, François Ravard le possède depuis longtemps. Certes il sait utiliser les mots puisqu’il est avant tout un dessinateur de BD reconnu, mais il aime se balader du côté des illustrations pures. Bon Vent est le troisième opus de ses recueils après avoir saisi les quatre saisons (Pas un jour sans soleil, éditions Glénat) ou la météo capricieuse (Vague d’amour, éditions Glénat). Un point commun à ses ouvrages : la Bretagne, ses plages et ses rochers, ses levers et couchers de soleil, ses averses et ses ciels rayonnants, ses couleurs inégalées. Le dessinateur normand, installé désormais à Dinard, où il a ouvert une galerie avec sa compagne, installe ses scènes dans de nombreux points de vue de la ville balnéaire à Saint-Malo. Aucune volonté régionaliste pour autant, la tour Bidouane n’est qu’un point de repère pour fixer le regard.

L’essentiel est dans les couleurs changeantes saisies du lever du jour au coucher du soleil et dans la captation de petits moments riches de poésie, de tendresse ou de douceur. Ce sont ces qualificatifs qui viennent immédiatement à l’esprit quand on feuillette le recueil d’une cinquantaine d’aquarelles. Dans la forme on pense immédiatement à Sempé, aux personnages du quotidien, à leur caractère lunaire. À leur silhouette unique. Contrairement au créateur du Petit Nicolas, aucun texte, aucun dialogue en contrepoint du dessin. L’humour se fait avec la situation seule ou avec la légende toujours essentielle tel ce bord de mer envahi de baigneurs en maillots de bain, au milieu desquels se trempe les pieds frileusement un homme en doudoune et bonnet de laine dont la légende nous apprend qu’il est « Le Sudiste ». Le plaisir de lecture va ainsi en permanence du dessin de la page de droite aux deux ou trois mots posés discrètement sur le bas de la page de gauche. Chacun y trouve son rythme de lecture mais on aime reprendre le dessin pour y retrouver un détail omis au premier coup d’oeil. Et relire la légende pour un deuxième sourire.
Ravard alterne ainsi entre la poésie pure tel ce couple âgé s’embrassant sur une bisquine dont l’eau renvoie un reflet juvénile, dessin sobrement intitulé « la grande aventure », avec des scènes de situation qui nous rappellent le magnifique album « Vive la marée » de Rabaté et Prudhomme. On imagine Ravard sur le Sillon de Saint Malo ou la promenade de Dinard, observer le temps qui change et ces promeneurs en cirés. Les croquer sur un carnet ou les mémoriser. Cela nous renvoie comme le précise Zep dans sa préface aux souvenirs de l’enfance, « celle qui se faisait une aventure d’un petit rien ». Sandalettes en plastique qui coupaient la peau, pêche aux crevettes ou aux bulots, dessins sur le sable, bouée autour de la ceinture et brassards gonflés, Ravard nous emmène vers une balade nostalgique où nos années d’adulte, d’amoureux, de lecteur, ne sont pas oubliées. Ainsi se déroule au long d’une journée la chronique du temps qui passe, de l’enfance au seau de sable à la vieillesse aux cheveux blancs.

Les mots sont parfois lourds à porter écrivait on au début de cette chronique. Alors tenons en nous là. Ecrivons simplement que Bon Vent est un petit bijou que l’on laisse sur la table de salon, que l’on reprend quand un petit coup de mou surgit, quand des images d’enfance reviennent, quand le soleil pénètre rougeoyant à travers la fenêtre. Quand vous avez besoin d’une pause. Ensoleillée. Ou pluvieuse. N’oublions pas, nous sommes en Bretagne du côté de Dinard où vous pouvez ouvrir les portes de la Galerie Alfred. On y trouve de magnifiques aquarelles.
Bon Vent de François Ravard. Éditions Glénat. 96 pages.16,50€. Parution : 2/07/2025. Feuilleter
