BD DANS LA FORET, UNE FABLE PROPHETIQUE ?

La BD Dans la Forêt raconte la fin d’un monde, le nôtre. Deux jeunes filles vont essayer de survivre. Lomig dessine avec finesse l’espoir d’un monde nouveau possible. Et pas forcément catastrophique.

 

Au commencement il n’y eut plus d’électricité. C’est fou ce que cela perturbe l’existence, l’absence d’électricité. Eva ne peut plus faire ses exercices de danse. Nell ne peut plus suivre ses cours pour Harvard. Et le monde ne fonctionne plus. Il s’est arrêté. Pas de cataclysme unique, ou d’invasion d’aliens venus d’ailleurs. Simplement un système qui est allé au bout de son histoire : crise financière, catastrophe nucléaire, raz de marée, taux de chômage effroyable ….. Les rues sont désertes, les gens sont partis. Nell et Eva, dix sept et dix huit ans, orphelines depuis peu, sont restées seules dans la maison familiale à la lisière de la forêt. Il leur faut survivre, se reconstruire, apprendre à lutter contre les rares hommes de passage et chercher de nouvelles valeurs de vie pour continuer à danser et à lire. A vivre tout simplement.

BD DANS LA FORET

 

Ce récit est celui de Jean Hegland, roman paru en 1996 aux Etats-Unis et publié en France en janvier 2017 (chez Gallmeister). Il avait reçu un accueil critique très favorable et fidèle à leur ligne éditoriale, les éditions Sarbacane ont confié l’adaptation de l’ouvrage à un dessinateur inspiré. C’est Lomig qui relève le défi. Et le réussit.

BD DANS LA FORET

Dans ce que l’on pourrait lire comme un énième épisode apocalyptique de science-fiction, Lomig par son trait fin, précis, réaliste, parfois sensuel évite le drame d’une dramaturgie lourde et prévisible. Le monde s’est arrêté mais l’environnement naturel est resté. Deux pages suffisent pour décrire la catastrophe et on y revient plus. Le constat fait, l’essentiel est ailleurs, dans l’avenir à construire. Et le dessinateur nous le laisse merveilleusement entrevoir ce renouveau, bien entendu lié à la présence de la forêt.

BD DANS LA FORET

Ce n’est pas la forêt des contes pour enfants qui engloutit, dévore, fait peur en abritant les ogres. C’est la forêt aux multiples ressources, au commencement de la vie que Lomig dessine en noir et blanc, une bichromie parfaite qui donne le vertige lorsqu’allongée avant de commettre l’irréparable, Nell découvre un futur possible entre ciel et cime des arbres. La forêt est un personnage à elle toute seule, inquiétante ou négligée au début, mais peu à peu essentielle et salvatrice. Elle devient la pharmacie, le garde-manger, le pays des rêves, le lieu de mémoire pour les deux soeurs décidées à survivre grâce à d’autres livres et d’autres recettes que celles pratiquées jusqu’alors. Et avec elles, le lecteur se demande s’il est possible de se reconstruire dans un monde nouveau sans repères historiques ou familiaux. Tout est à réinventer dans une sorte de vertige que l’autrice américaine avait magnifiquement décrit et que Lomig avec son crayon reproduit à merveille.

BD DANS LA FORET
Tension psychologique entre deux soeurs, présence inquiétante et dangereuse de deux hommes venus d’ailleurs, ce huis clos nous incite comme dans un roman policier à poursuivre notre lecture pour tenter de connaitre la suite. Un début chronologiquement saccadé crée un sentiment de malaise pour que se construise un récit qui devient linéaire, envoûtant et, l’effroi passé, optimiste.

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Peut-on redevenir « chasseur cueilleur » et dérouler l’Histoire à l’envers ? Cette fable survivaliste pose implicitement cette question et nous invite à une forme d’optimisme écologique bienvenu. Ou comment se construire un abri de vie dans les ronces et les branches plutôt que dans les plumes et le duvet.

BD Dans la Forêt. Scénario et dessin de Lomig. Parution 21 août 2019. D’après le roman de Jean Hegland. Editions Sarbacane. 160 pages. 24,50 €. Un magnifique ouvrage au dois toilé, superbement imprimé, comme toujours avec cette maison d’édition exemplaire.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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