Un titre étrange pour une BD émouvante, étonnante, épatante qui raconte le combat de Noémie, l’autrice, contre un cancer découvert à l’âge de 18 ans. Un cri d’amour à la vie. C’est une explosion de couleurs, un hymne à la beauté, à la joie de vivre.
En feuilletant la BD, on a envie ensuite de regarder par la fenêtre, d’admirer le ciel, le paysage. On se dit que cela doit être une belle histoire ensoleillée. Pourtant quand on commence la lecture des premières pages, on perçoit rapidement un malaise, une inquiétude et on comprend que l’histoire à lire ne sera pas celle attendue.
Les parents, la soeur de Noémie, sont réunis, dans l’attente d’un coup de téléphone, autour du petit déjeuner. Le père et la mère se renvoient la nécessité d’appeler leur fille qui doit leur communiquer des résultats médicaux. Deux-cent-trente pages plus loin, le père et la mère dansent, serrés l’un contre l’autre, fusionnels, le sourire au visage.
Entre ces deux séquences, neuf chapitres, de la « Révélation » d’un cancer au « Bien-être final », en passant par « Dépression », « Thérapie », des bornes qui encadrent la maladie, son cheminement, le combat à mener, les souffrances encaissées, les envies, les doutes.
C’est triste, c’est difficile, mais en racontant de manière réaliste son parcours, Noémie, dans une forme avouée de catharsis, délivre un magnifique message d’espoir coloré. Noémie dit qu’elle « appréhende le monde en couleurs » (1). Elle utilise donc leur saturation, leur gamme chromatique pour remplacer les mots. L’orange est la couleur de la chimio. Le vert explose tout, des meubles à la nature environnante.
La couleur n’est cependant pas un baume, une consolation, un paravent face à la douleur, car le propos est réaliste dans ses descriptions des traitements, dans leurs conséquences physiques, psychiques, mais jamais larmoyantes grâce à la vitalité extraordinaire de l’autrice, dont son éditrice dit qu’elle est une « tornade flamboyante ». Solaire, dynamique, elle est aussi aidée par une famille aimante dont le récit trace un portrait attendrissant et riche, une famille dont l’histoire est liée au Liban, pays qui devient un véritable personnage supplémentaire.
Didactique, instructif, historique, Noémie nous emmène dans le passé de ce protectorat français, dans ses fractions et factions politiques actuelles, dans sa vie quotidienne, un pays qui marque l’histoire familiale, privant ses « parents de sécurité et de choses basiques qui permettent un bon développement personnel ». Un pays, une famille, mais aussi des portraits de femmes remarquables, possiblement inattendues dans ce pays méditerranéen marqué par le patriarcat. Noémie elle-même est incroyablement libre dans son comportement social et affectif, mais aussi dans la traduction en dessins de ses états d’âme, dévoilés comme en psychanalyse, dans un apparent désordre qui fait appel au ressenti, au vécu, aux émotions et donne une place primordiale au regard des autres, révélateur de la réalité.
Elle parle peu elle-même de sa souffrance, de ses douleurs, de ses dépressions. Ce sont les réactions de son entourage qui en témoignent. On attend désormais de Noémie, qui a passé des semaines d’autrice en résidence à Angoulême et à Colombiers, un nouveau récit, flamboyant, où ses crayons de couleurs dessineront simplement son bonheur, son envie de vivre, sans drame et sans souffrance. Un nouvel hymne à cette vie pour laquelle elle semble si douée.
De l’importance du poil de nez de Noémie Honein, Éditions Sarbacane, 240 pages,25€, parution le 4 novembre 2020.
(1) Extraits de l’interview réalisée par Cathia Engelbach et publiée dans la revue mensuelle dBD, numéro 148 de novembre 2020.
À propos de la scénariste/dessinatrice Noémie Honein :
Noémie s’exprime en couleur, que ce soit dans son travail plastique – ou dans sa cuisine – pour rendre mieux hommage à la richesse et la foisonnance de la nature et de l’environnement dans lesquels elle a grandi. En 2017, fraîchement diplômée de l’Académie libanaise des Beaux-arts, cette artiste autrice libanaise est invitée en résidence à la Maison des Auteurs d’Angoulême pour développer son premier projet. Elle enchaîne ensuite avec la résidence de Colomiers et décide de s’installer en France. De l’importance du poil de nez est son premier roman graphique.