BD. Deux Western sans foi ni loi : Undertaker, Junior et Senoir

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undertaker junior et senior

Alors que Undertaker inaugure son huitième album, Junior et Senior se lancent dans leur première aventure. Deux bd en mode western totalement différentes, mais promises au même succès.

Il s’apprête à fêter avec ce huitième album, ses 10 ans.
Ils s’apprêtent avec ce premier album à inaugurer une longue série de succès à venir.
Il s’appelle : Jonas Crow, croque-mort de son état.
Ils s’appellent Junior et Senior, vagabonds et brigands de leur état.

Des points communs : les coups de feu, les trahisons, le vocabulaire de charretier (éloignez les oreilles chastes des enfants), le grand Ouest américain, les saloons et les grands espaces.

Des différences ?

D’abord et avant tout, une question de style. Notre croque-mort, Undertaker, est classe même dans des situations difficiles, il garde sa belle tenue de fonctionnaire de la mort. Dans ce tome final du diptyque « Le monde selon Oz » il se retrouve pourtant torse nu. C’est que Sister Oz, garante de valeurs religieuses et morales élevées, a entrepris de mobiliser les habitants de Eaden, petite ville du Texas, pour empêcher Eleanor Winthorp d’avorter et d’anéantir notre héros. Ce second tome prolonge la noirceur et l’oppressante atmosphère entrevue dans le premier opus. L’écriture du scénario de Dorison a commencé il y a six ans et pourtant impossible de ne pas faire le lien avec le climat d’intolérance qui règne actuellement aux Etats Unis et la remise en cause permanente du droit à l’avortement dans de nombreux états fédéraux. La caractère de western politique s’accroit avec ce récit qui traite aussi de l’homosexualité et de manière plus globale de la tolérance. En gardant les codes du western, les auteurs d’album en album transforment leur personnage principal en gardien de valeurs humanistes. L’action, la violence omniprésentes offrent au dessin exceptionnel de Ralph Meyer des morceaux de bravoure qui pour autant n’occultent pas le sérieux du propos et son caractère contemporain. Undertaker est bien devenu la référence du genre.

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Undertaker, tome 8, Le Monde de Oz

Le petit gilet et le chapeau haut de forme de Jonas Crow ne sont pas vraiment le style de Junior et Senior. Un simple coup d’oeil à la couverture et à l’inventaire lors de leurs sorties de prison dans les premières cases, suffisent à démontrer que la classe de nos deux nouveaux « héros » ne résident pas vraiment dans leur tenue vestimentaire. Ni dans leurs propos. Ni dans leurs comportements. Puisqu’ils sont nouveaux, autant vous donner de suite leur pedigree. Le costaud, à l’étoile de shérif et à la barbe drue, c’est l’ainé. Senior, vous l’avez deviné! Ce n’est pas l’intellectuel du duo. De l’Undertaker il n’a gardé que le bouc. Moins soigné. plus fourni. Pour le reste amateur de fayots il agit surtout avec ses poings plus qu’avec sa tête. La tête, c’est censé être Junior, blondinet au sourire d’une blancheur immaculée et dragueur impénitent. Il réfléchit, séduit pendant que le frangin tape. Cela rappelle un célèbre duo de gaulois auquel on peut imaginer que les auteurs adressent avec ce premier album un clin d’oeil. Comme dans le petit village armoricain, ça castagne fort pour nos deux lascars chargés de récupérer la fille illégitime du sénateur Wesson pour le compte de son adversaire politique du nom de … Smith. Et pour les deux frères la mission est délicate car l’orphelinat n’abrite pas une seule petite fille il mais six, plus délurées les unes que les autres! Dans l’espoir de toutes se sauver et d’échapper à l’emprise d’une surveillante allemande autoritaire, aucune ne veut donner son identité. Laquelle est l’orpheline recherchée ?

Il faudra attendre 104 pages pour (peut être) le savoir. Bien entendu, il y a de la bagarre et Jean-Baptiste Hostache dont on avait apprécié le dessin dans Shibumi s’en donne à cour joie, évoquant Uderzo et ses fameuses rixes collectives, Senior compte ses coups comme Obélix compte les casques des romains. Mais on n’échappe pas à la poésie car comment résister au charme d’un coucher de soleil vu d’une montgolfière? Comment être insensible à un bisou d’une petite fille, orpheline ? On peut être costaud, distribuer des baffes à foison et avoir un coeur! Vous l’aurez compris, on s’attache rapidement à ces deux nouveaux venus du Grand ouest américain. Ils sont trépidants, amusants, surprenants, jouissifs. Comme leurs noms l’indiquent, destinés à tous les publics, Junior et Senior devraient rapidement devenir des copains des amateurs de western et côtoyer dans dix ans, sur les étagères de nos bibliothèques, James Crow. C’est tout le mal que l’on souhaite à nos trois héros et à leurs créateurs.

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On les appelle Junior & Senior

Undertaker. Tome 8 : « Le monde selon Oz« . Fin du diptyque. Editions Dargaud. Scénario : Xavier Dorison. Dessin : Ralph Meyer. Couleur : Caroline Delabie et Ralph Meyer. 64 pages. 17,95€. Parution : 19 septembre 2025. Lire un extrait

On les appelle Junior et Senior de Hostache (dessin) et Recht (scénario). Editions Le Lombard. 102 pages. 19,95€. A noter une édition Collector réservée aux librairies Canal BD. 29,90€. Parution : 12 septembre 2025. Lire un extrait

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.