BD Habemus Bastard ou un prêtre pas très catholique…

bd habemus bastard

Comme l’annonce le titre, la religion est bien présente dans cet album, mais pas forcément là où on l’attend. Quand quête et racket se confondent, le monde est renversé. Jubilatoire, décapant et drôle.

Vous êtes catholique pratiquant. Cette Bd est pour vous car elle va vous inciter, surtout si vous habitez du côté du Jura, à vous méfier de l’éventuelle arrivée d’un nouveau prêtre dans votre paroisse. Particulièrement, si celui ci se prénomme père Philippe et claironne des sermons  « modernes »: « Dieu est noir ! » ou « Marie est turque ! ».

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Vous êtes athée. Cette BD est pour vous car elle va vous inciter, surtout si vous habitez du côté du Jura, à vous méfier d’une éventuelle rencontre d’un prêtre en soutane (c’est rare depuis 1962), recouverte d’une doudoune orange. Attardez vous alors sur ses manches. Sii les poignets sont tachés de rouge, comme sur le dessin de couverture, c’est encore plus inquiétant.

Vous l’avez compris, le père Philippe n’est pas très … catholique.

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Même, si je vous le concède volontiers, il n’y a pas de profil type du prêtre, le père Philippe, de son vrai nom Lucien, est très éloigné de son collègue, le Père Clément, qui l’installe dans sa paroisse. D’abord, Lucien a le physique d’un caïd, large mâchoire, carrure d’athlète, il ressemble plus à Eddie Constantine dans « Prenez garde à la sale putain » qu’à Fernandel dans Don Camillo.

Pour le caractère Lucien préfère de loin la vengeance à l’absolution. Quant aux gestes, mieux vaut selon lui tendre rapidement le bras avec une arme dans la main que lever un ciboire vers le ciel. Et tendre le poing plutôt que tendre la joue.

Vous l’avez compris le père Philippe, ou Lucien, est un truand en cavale.

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Il fuit, on ne sait pas exactement qui et quoi, même si ses poursuivants n’ont pas des gueules très sympathiques. Les auteurs nous donnent quelques pistes mais il faut bien réserver les surprises pour le deuxième tome. Ce qui importe d’abord c’est l’intégration dans la paroisse de ce curé pas comme les autres. Avec lui, de nouvelles manières de faire la quête ou le racket, sont inaugurées pour pouvoir restaurer le presbytère. Avec lui, les confessions donnent parfois à des remises de peine inattendues. Avec lui, les paroissiennes apprennent à connaitre le péché de chair. Avec lui les dealers découvrent la force de frappe du Bon Dieu et retrouvent le droit chemin.

Avec lui la paroisse est brinquebalée et les siècles de tradition et d’immobilisme sont renversés.

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Les romans de Jacky Schwartzmann comme son succès, « Mauvais coûts », sont drôles, profonds et noirs. Le scénario de la Bd est donc conforme à cette inspiration car si le point de départ, un truand en cavale est classique, son traitement ironique, voire même cynique, est un vrai régal d’originalité à l’image du titre qui transforme des termes sacrés « Habemus Papam » en slogan iconoclaste. On ne s’ennuie pas une minute grâce aussi à une chronologie décadente qui donne peu à peu des indices sur les raisons de la fuite de Lucien. A ce récit sans temps mort, Sylvain Vallée apporte un dessin dynamique où les cases explosent sous un trop plein d’énergie, ou de balles de revolvers. C’est selon. On est au cinéma. Plans en plongée, contre plongée. Gros plans sur des trognes incroyables. Plan large sur une tranquille place de marché. C’est du CinémaScope sur papier.  On pense au western avec des gueules à la Sergio Leone. On pense au polar avec quelques bastons sanglantes façon Tarantino. On pense même au porno avec … Non mais, rassurez vous, la scène est maitrisée. Il s’agit d’un prêtre quand même.

On pense en fait à une BD très agréable à lire, drôle et noire à la fois. Si tous les chemins mènent à Rome, toutes les actions et pensées du père Lucien ou Philippe, on ne sait plus trop, mènent à cet album. Amen.

Habemus Bastard de Sylvain Vallée et Jacky Schwartzmann au scénario et Sylvain vallée au dessin. Editions Dargaud. 88 pages. 19,99€.

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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