La bande dessinée Moi, Jules César d’Alfred de Montesquiou, illustrée par Névil et mise en couleur par Vérane Otéro, est une œuvre ambitieuse, car elle propose une relecture dense et documentée de la vie de Jules César. Parue en avril 2025 aux éditions Allary, elle se distingue par sa rigueur historique et sa narration immersive mais aurait mérité un dessin un peu plus fin.
Le récit adopte le point de vue de Jules César lui-même en offrant une plongée intime dans son parcours, de son enfance modeste dans le quartier de Subure à Rome jusqu’à son assassinat en 44 av. J.-C. Cette approche confère une dimension humaine au personnage historique et met en lumière ses ambitions, ses doutes et ses contradictions. Le style narratif, proche du thriller politique, rend le récit captivant et accessible à tous.
Alfred de Montesquiou, journaliste lauréat du prix Albert Londres, a mené une enquête approfondie afin d’élaborer cette œuvre. Il a consulté une quarantaine de spécialistes de Jules César et s’est appuyé sur des sources antiques telles que Plutarque, Suétone, Cicéron et Lucain. Cette démarche confère à la bande dessinée une solidité documentaire solide qui est renforcée par un appareil de notes détaillé en fin d’ouvrage.
L’œuvre dépeint un Jules César complexe : ambitieux, parfois impitoyable, mais également capable de clémence et de réformes sociales. Elle explore ses alliances politiques, ses conquêtes militaires, ainsi que ses relations personnelles, y compris ses liaisons avec des hommes et des femmes. Cette représentation nuancée offre une perspective riche sur le personnage bien loin des clichés habituels.
Ce que souligne cette BD, c’est le caractère fascinant de Jules César dans l’histoire humaine. C’est la convergence exceptionnelle entre un individu d’origine noble mais pauvre, qui décide que sa volonté et sa rhétorique sera au service de son pouvoir. À la fois stratège militaire de génie, homme politique visionnaire et écrivain talentueux, César incarne une forme de totalité rare : celle d’un homme qui façonne le monde tout en écrivant lui-même sa propre légende. Son destin traverse les âges parce qu’il touche à des archétypes universels — l’ambition, la trahison, la gloire, la mort violente — et parce qu’il cristallise un moment charnière où la République bascule vers l’Empire. Aucune figure n’a autant nourri les imaginaires politiques, littéraires et philosophiques de l’Occident. De Shakespeare à Napoléon, de Dante à Mussolini, César est cité, imité, débattu. Il est moins un homme qu’un mythe politique vivant, capable de signifier tout et son contraire : la grandeur et la démesure, le progrès et la tyrannie.
Alfred de Montesquiou & Névil – Moi, Jules César, 10/04/2025, Allary, 253 pages, 28 €
Alfred de Montesquiou est grand reporter, essayiste et réalisateur. Il a reçu le prix Albert-Londres en 2012. Il est l’auteur, entre autres, de L’Étoile des frontières (Stock, 2021) et de Sur la route des extrêmes. Une traversée de l’Amérique du Sud (Gallimard/ARTE, 2019) et a réalisé plusieurs documentaires dont Jules, série en 10 épisodes de 26 minutes, disponible sur MyCanal.
Névil est dessinateur de bande dessinée et storyboarder pour le cinéma. Il a notamment réalisé les storyboards de la série Jules (Planete+/Canal+, 2024).