BD Silence d’amour. L’amour post-mortem

bd silence amour Matthieu Parciboula

Dans la BD Silence d’amour paru aux éditions Casterman, Matthieu Parciboula raconte la plus belle des histoires d’amour. Post mortem.

Ce doit être étrange, douloureux surtout. Toucher de la main, au réveil, la place à côté de vous dans le lit. Un instinct enfantin, celui du contact de la peau, de la douceur. Le bonheur de l’autre. Et ne toucher que le pli du drap, sa froideur, sa raideur. L’être aimé n’est plus là. Il faut partager désormais son sommeil avec sa propre solitude. C’est l’expérience que fait Paul depuis six mois, depuis le décès de l’amour de sa vie, Sofia. Douloureux, le terme est probablement insuffisant pour décrire l’état de Paul, écrivain qui voulait « réinventer le monde avec des mots ». Les mots justement, il ne sait plus les utiliser pour dire sa souffrance trop forte. Il erre dans sa vie comme dans son appartement, et c’est son silence d’amour qui va nous accompagner tout au long de ses 184 pages. Sans but, perdu, il va prendre à contre coeur sa petite voiture rouge pour aller vers l’Italie, pays d’origine de Sofia, à l’invitation d’une formidable famille, où l’on fait semblant de cacher les bouteilles d’alcool mais où on ose dire les mots d’amour à table autour d’un bon repas de lasagnes, dans la douceur d’une nuit estivale.

L’amour, c’est bien de cela qu’il s’agit. L’amour perdu. L’amour mort.  En confrontant la présence onirique de Sofia que Paul voit et entend partout, à son absence, en jouant avec les pages silencieuses et les planches dialoguées, en alternant les formats des cases et les magnifiques pleine-pages poétiques, Matthieu Parciboula réussit à donner consistance au plus beau des sentiments, au plus indispensable. L’amour est présent, se matérialise, se montre et se voit. Il n’est plus un joli mot diffus et évanescent. Il est le fil conducteur du parcours de Paul qui passe par la Provence et ses joueurs de pétanque avant d’atteindre l’Italie, ce pays dont Sofia disait « qu’il était l’antidote à la maladie de l’existence ».

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Son silence, son visage impassible mal rasé, son regard absent et vide nous guident à travers des paysages et des pages aux couleurs chaudes qui succèdent à la grise monochromie de ses nuits ou à la flamboyance de ses rêves quand apparait, brune et souriante, Sofia, qui à la manière d’Eve propose non pas des pommes mais des oranges.  

Dès la couverture, on pense immédiatement au dessin de Alfred et ses albums Come Prima et Maltempo, à ses personnages tout en douceur et rondeur, le regard perdu vers la mer, vers la campagne, vers le vide. L’impression devient émotion quand on découvre les paysages Italiens, pays des histoires de Alfred, qui vont amener Paul de Toscane jusqu’au pied du fumant Stromboli, là où Sofia vécut jeune, un drame familial tu à jamais. Cette ressemblance est étrange et heureuse. Les deux auteurs jouent avec les sentiments et la difficulté de les vivre. Avec pudeur et douceur, du bout des pinceaux, du bout de mots, Parciboula fait de son récit une histoire d’amour poignante et forte, road movie sentimental qui s’achève sur une Vespa d’un autre temps, image obligée d’un périple italien.  

C’est doux, tristement doux, et Alba la petite fille d’amis italiens qui accueillent Paul, va lui faire découvrir le ciel étoilé, celui qui abrite peut être les personnes aimées qui ne sont plus là. Elle va même lui donner une boussole pour l’aider à se retrouver sur son chemin, dans la vie plus sûrement.

On est avec Paul et ses silences face à l’infini de l’univers. On l’accompagne jusqu’à la dernière page quand on a appris enfin, mais est ce bien important?, les causes de la mort de Sofia. Paul ne pleure pas. Sa tristesse n’en est que plus forte. Et ses mots écrits sur des planches presque totalement obscures, perdus dans la noirceur de la mer, nous émeuvent au plus haut point. Nous ne sommes pas certains du tout qu’il saura tourner la page, celle de sa vie, celle de son oeuvre brusquement arrêtée. Une dernière page que le lecteur a lui aussi du mal à tourner. Bouleversé et ému qu’il est par la souffrance d’un être qui aime encore. Toujours.    

Silence d’amour de Matthieu Parciboula. Editions Casterman. 184 pages. 25€. 

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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