Expo Rennes 2. Bénédicte Kurzen entre en dialogue avec les corps habités de Mayotte

Benedicte Kurzen

L’exposition Madjini les corps habités de Bénédicte Kurzen est à découvrir dans la galerie La Chambre Claire à l’Université Rennes 2 jusqu’au 7 mars 2025. La photographe offre un nouveau regard sur le 101e département français, Mayotte, qui a récemment subi un violent cyclone.

Bénédicte Kurzen capture depuis plus de vingt des moments, des cultures et des expériences de vie. Si elle a principalement exercé la photographie documentaire, notamment en Afrique du sud et au Nigéria, où elle a vécu, l’artiste explore également des thèmes et des histoires plus personnelles. Elle confie : « Depuis quelques années, je m’intéresse beaucoup au thème de l’environnement, avec une approche plus poétique que factuelle ». Bénédicte se concentre sur des projets qui permettent d’explorer le monde avec un nouveau regard et c’est précisément ce que représente l’exposition Madjini, les corps habités : « Je veux négocier des concepts sociaux d’un autre point de vue ». En effet, le département français est souvent rattaché à la misère et à la pauvreté. Cette négligence place aujourd’hui le département au cœur d’une crise sans précédent après avoir été ravagé par le cyclone Chido.

Benedicte-Kurzen
Benedicte Kurzen

La découverte des croyances et mystères des Madjini à Mayotte

Elle trouve son inspiration dans le travail de chercheurs et chercheuses tels que Philippe Descola, Aurélien Barrau ou encore l’anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss. « Josy Cassagnaud, qui a écrit Rites de Mayotte ou Chronique d’une mort annoncée, m’a particulièrement inspirée dans ce projet ». Ce projet a par ailleurs été réalisé dans le cadre de la Grande Commande, projet gouvernemental de photojournalisme qui offre une bourse aux photographes : « Le monde des djinns, des croyances à Mayotte, m’ont interpellée. Je voulais continuer mon travail de recherche que j’ai commencé en 2018 sur la mythologie des jumeaux en apportant un nouveau chapitre sur les croyances et la mythologie ». Madjini signifie « maîtres djinns » et renvoie à la spiritualité de Mayotte.

Mayotte est l’un des territoires français qui connaît un nombre de possessions d’esprit inexpliqué : « ça se passe surtout au moment de l’adolescence. Je ne me suis pas concentrée sur la possession, mais sur la cosmologie qui y est associée ». Pour mieux comprendre toutes ces croyances, Bénédicte a passé deux mois à deux reprises sur le territoire. « J’ai travaillé avec les danseurs de la compagnie Kazyadance, dirigée par Djodjo Kazadi. L’un des derniers jours, on a fait des photos sous-marines et l’un des danseurs, qui était rwandais, s’est mis à danser dans la mangrove, c’était un moment fort », partage-t-elle. La photographe évoque aussi la profondeur d’une rencontre : « J’ai rencontré Coco, celle qu’on appelle grand-mère. Nous avions une relation très forte et je passais tous mes weekends avec elle à parcourir l’île, elle connaissait tous les recoins ». 

bénédicte kurzen les corps habités
© bénédicte kurzen

La photographie, un regard poétique sur les droits de la nature

Bénédicte confie qu’il est parfois un peu compliqué d’aborder ce sujet : « C’est un phénomène qui est récurrent, mais qui reste assez tabou donc il faut réussir à convaincre les gens ». La religion occupe une place plus importante depuis quelques années ce qui rend les croyances des esprits un peu plus souterraines et secrètes : « En Islam, il y a une reconnaissance de l’existence des djinns, mais pour ce qui est du phénomène de la possession, il était plus difficile de photographier les gens ». La photographe ne veut pas s’inscrire dans un processus de recherche anthropologique : « Je n’utilise pas la photographie pour décortiquer les croyances et les analyser. Ma photographie vient comme une interprétation plus large, poétique et complètement personnelle ». Elle est curieuse de voir comment un public européen va réagir face à son travail et l’interpréter.

« Ma photographie vient comme une interprétation plus large, poétique et complètement personnelle.» 

La source même du projet sur le monde de l’invisible est la conviction qu’en Europe, nous avons beaucoup divisé le monde naturel et le monde des hommes : « On vit dans un monde où il nous semble que les hommes dominent la nature, qu’on peut l’exploiter et on n’y voit ni de la poésie, ni de la présence d’esprit, ni ce qu’elle nous apporte en termes de coexistence », observe Bénédicte. Cette dernière voulait découvrir une manière totalement différente d’appréhender le rapport à la nature et au monde.

bénédicte kurzen les corps habités
© bénédicte kurzen

Pour découvrir l’exposition Madjini les corps habités, rendez-vous jusqu’au 7 mars 2025 à la Chambre Claire du campus de Villejean (bâtiment P). Ouvert du lundi au vendredi de 8h à 19h.

En lien avec cette exposition, découvrez le documentaire Nettali Ngor mardi 4 mars à 18h au Tambour. Il sera suivi d’une rencontre avec les réalisatrices et Bénédicte Kurzen.

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