Bisou, jeune artiste montpelliérain, était l’un des invités du festival Green River Valley dans la Manche, les 24 et 25 septembre 2021. Ses morceaux dub, un genre musical au croisement entre reggae et sonorités électroniques, ont enflammé la scène SoundSystem du festival. L’occasion de découvrir sa musique et d’entrer dans cet univers original signé Bisou.
Bisou, c’est un projet qui date de 2016, lorsque Loïc, alors âgé d’une vingtaine d’années se fait connaitre du grand public avec un premier EP de six morceaux, Haumea. Depuis le jeune artiste managé par Aftrwrk Prod a eu l’occasion de nous dévoiler différents projets dont un album en 2018, intitulé Musical Spaceship. Son univers dub décalé aux sonorités électroniques, voire parfois funk, a électrisé la scène du festival Green River Valley où il était convié le 24 septembre 2021. Une occasion pour Unidivers d’aller à sa rencontre avant sa prochaine apparition sur la scène du Liberté à Rennes, le 9 octobre 2021.
Unidivers – Bisou, vous êtes un artiste pour le moins atypique. Vous avez découvert le dub grâce à un autre artiste avec qui vous faisiez de la musique à l’époque. Est-ce que le dub a été une vraie révélation à ce moment-là ?
Bisou – Effectivement c’est un artiste avec qui je travaillais qui m’avait fait découvrir le dub et dès le début ça avait déclenché en moi un petit quelque chose. Pas tout de suite, mais plus les semaines, les mois et les années sont passées, et plus j’en ai écouté, découvert, et j’ai vraiment accroché. J’ai senti qu’il y avait avait quelque chose de fort qui se passait avec ce style. Donc oui, en quelque sorte, il peut s’agir d’une révélation.
Unidivers – À l’origine, le dub est une technique de mixage des morceaux de reggae. Mais dans votre musique, vous ouvrez le genre à des sonorités plus pop et électronique. Avez-vous eu le sentiment d’être précurseur en ouvrant la voie à cette manière de produire de la musique dub ?
Bisou – Je suis loin d’être le premier. Depuis High Tone, les gens parlent de dub comme d’un style de musique à part entière et pas simplement comme d’une technique de mixage. Il y a des artistes qui ont été précurseurs et qui m’ont inspiré notamment Panda Dub dont l’album The Lost Ship a été une claque. Il y a aussi tout le paysage dub et ce qui sortait chez le label ODG Prod. Je découvrais tout le temps des nouveaux artistes qui m’ont inspiré dès le début.
Unidivers – Et le nom Bisou il vient d’où ?
Bisou – Il faut vraiment que je fasse une publication sur les réseaux sociaux pour l’expliquer parce qu’on me demande tout le temps la raison de ce nom (rires). Il y en a une : c’est que je ne voulais pas avoir un blaze qui ressemble à tous les autres de la scène dub. La plupart des noms d’artistes du milieu font très cliché et c’est tout ce que je voulais éviter. Déjà, je voulais que ce soit français. Quand j’ai fait mon premier EP il fallait un nom et cet EP m’a inspiré Bisou. C’est mignon, c’est facile à retenir et original, et ça interroge sur le style de musique que je produis. Bisou ça ne sonne pas dub, quand on voit affiché sur une programmation dub le nom Bisou on va voir de quoi il s’agit.
Unidivers – Vos influences et vos styles sont divers, entre musique électronique et dub, mais aussi pop avec un retour à des sonorités vintage parfois, comme le funk. Aimeriez-vous explorer un nouveau style musical pour l’associer au dub ?
Bisou – Il y a un projet auquel je pense fort depuis longtemps : mélanger de la trap et du dub et produire un son où l’on retrouve les codes de la trap et du rap actuel, du rap français pas forcément américain. Après, il faut trouver la bonne production pour ce genre de projet. Et j’ai cette envie de travailler avec du français et pas forcément de l’anglais, parce que l’anglais tout le monde le fait plus facilement, ou en tout cas plus spontanément. Je kiffe la langue française et j’aime faire des morceaux que je comprends et que le public comprenne aussi. On joue principalement en France et je veux que les gens reçoivent le message directement.
Unidivers – Est-ce la raison pour laquelle les titres de vos morceaux sont maintenant davantage en français, en comparaison de vos premiers morceaux aux titres essentiellement anglais ?
Bisou – Et bien c’est totalement inconscient et tu es en train de me faire réaliser ça (rire). Je pense qu’à mes débuts je me souciais moins de cela. Je bossais avec Towst qui écrivait en anglais et chaque fois que je faisais des feat (featuring, collaboration en anglais, ndlr), c’était avec des Français qui chantaient en anglais. C’est avec le temps que j’ai vraiment voulu faire de plus en plus de projets en français. L’anglais ça a un côté stylé mais on est obligé d’avoir une traduction pour comprendre. Le français tu le chantes et tout le monde comprend. Et puis la langue française est trop belle pour être obligé de tout prendre des anglais ou des américains.
Unidivers – Comment trouvez-vous l’inspiration pour les titres de vos morceaux ?
Bisou – Pour certains sons, j’ai dès le début un titre qui me vient et qui représente le morceau à mes yeux. Après il arrive que je doive envoyer des morceaux terminés au mixage alors qu’ils n’ont toujours pas de titre, et ça peut être plus difficile de trouver un nom dans l’urgence. C’est plus compliqué aussi parce que ça reste de la musique instrumentale. Dans ces cas-là je réécoute le son et je vois ce que ça m’évoque, et de plus en plus spontanément je me dirige vers des titres en français.
Unidivers – Le single « On sera beau » se différenciait des autres morceaux que vous avez pu produire notamment avec la présence de la voix de Suzanne Léo ? Comment est venue cette idée d’associer dub et chanson française ?
Bisou – Quand je fais de la musique j’essaie de tout faire, de tout mélanger. Et là, avec Suzanne Léo, c’était la première fois qu’il y avait une connexion qui se faisait avec une autre artiste alors que j’avais déjà en tête une idée précise d’un son que j’aurais aimé faire. Et cette idée, c’était de mélanger une voix de variété française sur un son entre électro et dub. Longtemps avant de faire le morceau avec Suzanne Léo, j’avais eu l’occasion de découvrir son travail, et plusieurs sons qu’elle faisait. J’aimais bien sa voix et son univers. Un jour je me suis dit qu’il fallait qu’on se rencontre et qu’on tente de faire un son ensemble. Finalement on a testé, le feeling est bien passé, on a fait deux sessions d’une semaine chez elle pour faire le morceau. C’était la première fois que je sortais un morceau aussi différent. Après, il y a plein de choses que j’aimerais faire avec d’autres artistes pas forcément définis, mais juste des artistes comme Suzanne, qui produisent très choses très différentes de ce que je peux faire.
Unidivers- Y a-t-il des artistes avec qui vous aimeriez collaborer ou que vous aimeriez reprendre ?… Peut-être un artiste comme Masego qui pourrait être associé à votre style dub, mais dans une veine plus jazz?
Bisou – J’avais testé des choses un peu dans ce style à l’époque, même si le projet n’est jamais sorti. C’était avec Towst et Riwan. On avait fait quelque morceaux dub mais très teintés de hip-hop, trip-hop, jazzy aussi sur les bords. Riwan chantait avec sa voix plus aigüe reggae et un peu RnB, et Towst avec une voix plus grave qui parfois prenait une intonation très épaisse. On n’a malheureusement jamais sorti un seul de ces sons. Mais c’est ce que j’aime avec le dub, c’est un style qui se prête bien au mélange avec d’autres genres. Déjà avec la rythmique que tu peux retrouver dans plein de styles différents. Il très facile par exemple de caler de la trap mélangée à du dub ou bien encore caler de la techno. C’est un style propice au mélange. Une fois j’avais repris un a capella de Koba et Niska, j’avais fait une production bien hard et je l’avais joué quelques fois en concerts.
Unidivers – …et un.e artiste qui vous a toujours inspiré, dans un style différent du dub et avec qui ça serait un rêve de produire un son ?
Bisou – Pendant longtemps j’ai mis Nicki Minaj, dans la catégorie artiste de rêve inatteignable. Elle a une voix, elle a un truc que j’aime bien surtout dans ses gimmicks (mots ou phrases récurrents chez un artiste et qui permettent l’identification de ses morceaux facilement, ndlr). Un son de Nicki Minaj sur du dub, avec une production ghetto, ça serait fou. Avec le temps il y a aussi d’autres artistes qui m’ont marqué. C’est le cas de Justin Bieber qui me met une claque en ce moment. Je trouve qu’avec les années, il a commencé à poser sur des choses très différentes, des morceaux électro entre autres. Il bosse beaucoup avec Skrillex. Il a une voix qui peut poser sur tous les styles de musique. Il rappe, il chante avec une voix incroyable, il peut quasiment tout faire. J’aimerais juste avoir l’expérience d’être en studio avec un artiste comme lui. Je pense que ça peut créer des dingueries.
Unidivers – Vous avez produit un EP et un single en 2020. Prévoyez-vous la sortie d’un nouvel album ?
Bisou – J’avais déjà annoncé rapidement en concert que je voulais sortir un EP avant 2022. C’était le projet à la base, mais je pense que je vais prendre plus de temps et sortir plus qu’un EP. Le confinement a été long. C’était difficile de trouver de l’inspiration. Je n’ai pas trop produit de sons pendant cette période. Le confinement avait cassé quelque chose d’un coup. Je n’arrivais plus à produire des sons qui racontent une histoire durant cette période. Mais maintenant je refais des sons, les dates reprennent et j’ai paradoxalement aussi moins de temps. Je préfère me relancer dans la course, refaire des dates et trouver de nouvelles inspirations avant de sortir un gros projet.
En attendant la sortie d’un nouvel album prévu par l’artiste en 2022, Bisou se produira sur la scène du Liberté à Rennes le samedi 9 octobre.
Pour en savoir plus sur Bisou
Site du festival Green/River/Valley