Blocage de l’aide à Gaza : ouverture d’une enquête en France pour « complicité de génocide »

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Le 22 mai 2025, le Parquet national antiterroriste (PNAT) français a ouvert une information judiciaire pour complicité de génocide, incitation au génocide et complicité de crimes contre l’humanité, a appris l’AFP le vendredi 6 juin par une source proche du dossier. Cette enquête vise des ressortissants franco-israéliens soupçonnés d’avoir participé à des actions de blocage de l’aide humanitaire destinée à la bande de Gaza entre janvier et mai 2024. Il s’agit de la première fois en France qu’une enquête judiciaire utilise le terme de « génocide » en lien avec des actions menées à Gaza.

L’enquête fait suite à une plainte déposée en novembre 2024 par l’Union juive française pour la paix (UJFP) et une citoyenne franco-palestinienne. La plainte vise notamment des membres des collectifs « Israel Is Forever » et « Tzav 9 », présentés comme détenteurs de la nationalité française, qui auraient été actifs dans le blocage de l’aide humanitaire à Gaza. Ces actions auraient consisté à entraver physiquement le passage des camions d’aide aux postes-frontières de Nitzana et de Kerem Shalom, entre janvier et mai 2024.

Le réquisitoire introductif du PNAT estime qu’il existe « des indices graves et concordants » de complicité de génocide, de provocation publique et directe au génocide suivie d’effet, et de complicité de crimes de guerre. L’enquête est confiée à deux juges d’instruction du pôle crimes contre l’humanité du tribunal judiciaire de Paris.

Les avocates des plaignants, Mes Marion Lafouge et Damia Taharraoui, ont salué cette décision, la qualifiant de « parfaitement cohérente avec la démonstration factuelle et juridique » apportée. Elles espèrent que l’instruction permettra d’identifier toutes les personnes impliquées et de les traduire en justice

Cette enquête s’inscrit dans un contexte international où plusieurs instances, dont la Cour pénale internationale (CPI), ont émis des mandats d’arrêt contre des responsables israéliens pour des crimes présumés commis à Gaza. En novembre 2024, la CPI a émis des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre, notamment pour avoir intentionnellement affamé la population civile et entravé l’aide humanitaire.

Par ailleurs, des organisations internationales telles qu’Amnesty International ont publié des rapports accusant Israël de commettre un génocide à Gaza, en se fondant sur des preuves de meurtres de civils, de destruction d’infrastructures essentielles et de blocage de l’aide humanitaire.

L’enquête française pourrait ainsi contribuer à la reconnaissance juridique des actions menées à Gaza comme relevant du génocide, et renforcer les efforts internationaux pour traduire en justice les responsables de ces actes.

Comprendre la notion de complicité de génocide en droit français et international

Le crime de génocide est défini par la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948 (Convention de l’ONU), à laquelle la France est partie. Il vise des actes « commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux ».

En droit français, la complicité de génocide est punissable même si l’auteur principal n’est pas condamné (article 211-1 et suivants du Code pénal). La complicité recouvre tout acte d’aide ou de participation directe ou indirecte permettant la réalisation de l’entreprise génocidaire, même sans avoir pris part aux tueries elles-mêmes.

Sur le plan international, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) retient également la responsabilité pénale des complices de génocide (article 25 et 28). La complicité peut consister, entre autres, en l’aide matérielle, financière, logistique, la facilitation ou l’encouragement public à la commission des actes génocidaires.

Dans le dossier qui s’ouvre en France, le parquet antiterroriste explore si les entraves à l’acheminement de l’aide humanitaire à Gaza peuvent constituer un soutien actif à des actes visant la destruction partielle d’un groupe civil et relèveraient donc de la qualification de complicité de génocide.

Eudoxie Trofimenko
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