Rennes 10 septembre : la colère dans la rue, l’ombre des flammes

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Rennes manif

Le ciel était encore pâle quand les premiers blocages ont paralysé la rocade de Rennes. Dès l’aube, la ville a pris des allures de place assiégée : feux de palettes, barrages improvisés, barrages filtrants aux portes sud et est. Dans les voitures à l’arrêt, on voyait les visages fatigués des automobilistes, partagés entre exaspération et résignation. Rennes, une fois encore, se retrouvait au cœur de la contestation.

La journée a basculé dans la sidération dès 8h30, quand un bus STAR, immobilisé près de la porte d’Alma, a été pris d’assaut par un groupe masqué. Le véhicule, vide de voyageurs, a été saccagé avant d’être incendié sous un pont de la rocade sud. Les flammes ont léché le béton, noircissant la structure. Le conducteur, indemne mais en état de choc, a été raccompagné par ses collègues. Keolis a confirmé qu’une plainte serait déposée.

Vers midi, le centre-ville vibrait autrement. Des milliers de manifestants (entre 13 et 15 000) ont défilé paisiblement derrière les banderoles du mouvement « Bloquons tout ». Étudiants, syndicalistes, familles, retraités… une foule bigarrée, déterminée mais joyeuse, avançait en cadence vers la place de la République, scandant slogans et chants militants. Les commerçants observaient derrière leurs vitrines mi-closes, oscillant entre curiosité, sympathie et inquiétude. Le cortège, officiellement déclaré, s’est déroulé dans une ambiance bon enfant. « C’est important d’être là, de montrer qu’on n’accepte plus cette politique d’austérité », confiait Marie, 52 ans, salariée dans le médico-social, entre deux coups de sifflet.

Alors que le gros de la manifestation s’est dispersé vers 15h, la ville a encore connu un autre visage. Des groupes radicaux et de jeunes casseurs, certains âgés de 14 et 15 ans se sont retranchés dans le centre historique montant des barricades avec poubelles et mobilier urbain. Des feux ont été allumés, des projectiles lancés contre les forces de l’ordre.

La réponse fut rapide : gaz lacrymogènes, grenades assourdissantes, canon à eau. L’air de la place Sainte-Anne comme sur les quais s’est chargé de fumée âcre, mêlée à l’odeur de bière renversée, de poubelles et de bois brûlés. Des passants, surpris par la brutalité de la scène, ont fui par les ruelles adjacentes. Bilan : 23 interpellations et une ville marquée par de nouvelles images de violence.

En 19h, la maire de Rennes, Nathalie Appéré, a réagi : « Des débordements inadmissibles, notamment l’incendie volontaire d’un bus du Star qui heureusement ne transportait pas de voyageurs, et des heurts avec les forces de l’ordre, ont eu lieu aujourd’hui. J’apporte mon soutien au chauffeur du bus et aux équipes de Keolis. (…) Je salue les forces de sécurité et de secours ainsi que l’ensemble des agents publics pour leur mobilisation. »

Article : Emmanuelle Volage et Nolwenn Denis