Depuis quelques mois, on voit fleurir dans les pharmacies et sur les réseaux sociaux des bracelets dits “anti-GHB” ou “I Drink Safe”.
Leur promesse est simple et séduisante. En soirée, il suffit de déposer une goutte de sa boisson sur une pastille réactive intégrée au bracelet pour savoir si quelqu’un y a versé du GHB, la substance le plus souvent associée aux cas de soumission chimique. L’objet est discret, peu coûteux, présenté comme facile à utiliser. De quoi répondre à une inquiétude très réelle.
Ces bracelets reposent sur un principe colorimétrique déjà utilisé dans d’autres tests de boissons. La pastille réagit au contact d’une boisson contenant du GHB en changeant de couleur selon un code donné par le fabricant. Dans un contexte contrôlé, avec une boisson simple (eau, soda clair, alcool non coloré) et une quantité de GHB suffisante, le dispositif peut donc effectivement signaler la présence du produit. Sur ce point, on n’est pas dans la poudre de perlimpinpin : le principe de détection existe et fonctionne.
Il faut aussi reconnaître l’effet social positif de ces objets. Le simple fait de les porter ou de les proposer en festival ou en bar remet la question de la soumission chimique dans le champ visible. Cela donne un réflexe de vérification, une forme de reprise de contrôle pour les personnes qui ont déjà vécu ou redoutent une situation de vulnérabilité. Dans une politique de prévention, cet aspect n’est pas négligeable.
Là où il faut être très mesuré, c’est sur l’étendue réelle de la protection. D’abord parce que tous les cas de soumission chimique ne passent pas par le GHB. D’autres substances peuvent être utilisées (kétamine, benzodiazépines, voire mélanges), qui ne seront pas détectées par un test conçu pour repérer une seule molécule (il existe un test qui couple GHB et kétamine). Ensuite parce que la vie réelle n’est pas un laboratoire. Les cocktails très sucrés, colorés ou fortement mélangés peuvent gêner la lecture. Des doses très faibles, fractionnées ou diluées peuvent passer sous le seuil de détection. Enfin, tous les fabricants n’apportent pas le même niveau de validation indépendante.
C’est ici que se joue l’enjeu principal. Si l’objet est perçu comme une “garantie” que la boisson est saine, on inverse la logique de la prévention. Un test négatif peut faire baisser la vigilance alors même qu’une autre substance a pu être employée, que la dose est trop faible pour être repérée ou que la boisson a été testée trop tard. Les acteurs de prévention le rappellent régulièrement : aujourd’hui, il n’existe pas de test rapide grand public qui permette d’affirmer à 100 % qu’une boisson n’a pas été altérée.
La position raisonnable consiste donc à considérer le bracelet comme un outil supplémentaire, pas comme un bouclier. On peut l’utiliser quand on a laissé son verre quelques minutes, quand on a un doute, quand on veut montrer à ses amis comment ça marche. Mais on continue à appliquer les règles de prudence éprouvées : garder autant que possible son verre avec soi, ne pas accepter de boissons d’inconnus dans des contextes ambigus, rester en groupe, réagir rapidement en cas de somnolence ou de symptômes inhabituels, prévenir un proche ou le personnel du lieu.
Donc, oui, les bracelets Drink Safe peuvent réellement détecter du GHB dans certaines boissons, dans une certaine plage de concentration, si on les utilise correctement. Non, ils ne garantissent pas que votre boisson est sûre. Et le vrai risque, c’est que la comm’ autour du produit fasse baisser la vigilance.
