A Brest Le Festival Invisible est adepte des plaisirs électriques et furieusement rock’n’roll, mais aussi de la pop de traviole, du low-fi en roue libre et autres curiosités. Le Festival Invisible chérit les bricoleurs, les aventuriers, les skieurs hors-piste ! Le Festival revient tous les ans à l’automne à Brest, avec son lot de découvertes et d’expériences sonores inédites. Présentation 2024.
Elle arriva à Brest par le dernier train. Il pleuvait imperceptiblement, et son imperméable se trempait sans raison. Elle descendit au premier hôtel, ne posa pas de questions, on ne lui en posa pas. Elle ressortit sitôt avoir pris possession de sa chambre. Ses pas la menèrent au port, évidemment. La pluie faisait désormais plus d’efforts. Elle hachurait la nuit avec son milliard de gommes. Dans les néons, si on s’y attardait, elle faisait même du cinéma. L’œil de la dame régla sa focale au profit des enseignes de bistrot. Elle entra dans le premier et commanda un verre de bière, qu’elle assortit d’une demande :
« Je cherche un festival Invisible »
On ne lui répondit pas. C’est pas les foldingues qui manquent, à cette heure-là. De ce silence, elle ne prit pas ombrage. Son verre vidé, elle partit poliment se dissoudre dans la nuit. Elle y marcha longtemps, en proie au doute. Elle se perdit, ne retrouvant son chemin qu’à la faveur d’une lumière, qui l’appela comme la lampe son moustique. Une salle de spectacle.
Comme par hasard.
C’était là le lieu du Festival qu’elle cherchait. Ce « Festival Invisible » griffonné sur une boîte d’allumettes qu’on lui avait refilée un soir, en guise de réponse. C’était là, lui avait-on laissé espérer, que se résoudrait l’énigme qui la taraudait. L’information était assortie d’une date et d’un lieu : « du 19 au 23 novembre 2024 – Brest ». Elle avait pris le train. Ce qu’elle cherchait, elle l’avait trouvé.
Elle entra dans le bâtiment, et ce qu’elle y découvrit réduisit au silence la petite voix qui persiflait dans un coin de sa tête : évidemment, ce festival n’existe pas. Un Festival Invisible, c’est trop beau pour être vrai. Il était là, pourtant, au bout de la nuit, cet invisible festival, aussi réel que le train, que la pluie, aussi réel que les grues au loin, qui clignotent comme des dinosaures de Noël. Pour cette femme, qui aime les énigmes, c’est Noël : les saxophones augmentés de Why Patterns ?, le kraut dub de Société étrange, la guitare insondable de Noël Akchoté, la lutherie d’ongles d’Evicshen, la chanson kafkaïenne d’Arnaud Le Gouëfflec, Mocke, Claire Grupallo et Antoine Mesajer, le Grand Fromage de Xiu Xiu, les oraisons droniques de Winter Family, le protopunk’n’roll de Grassman Vs Bigfoot Vs Maneveau, les paysages pop abrasifs de Tout Bleu, les apaches inclassables des Tétines Noires, le Soleil noir de Mütterlein, le duo synthpop tribal Casiomaha, l’école Attaque Souple contre les forces du mal, le kraut-post-dub-pop de eat-girls, ces messieurs Pierre Malma et Julien Solé en pleine crise dessinée chamanique, les pochettes à ouïr de Gilles de Kerdrel, les platinistes de Bad Seeds Didier Set… Des noms en forme de questions. On parle d’hypnose, de Kraut, de transe, d’improvisations, de modules analogiques, de pop lustrée, de chamanisme.
Ce qu’elle va découvrir n’est pas simplement la clef à l’énigme. C’est celle de toutes les énigmes. Bienvenue au Festival Invisible 2024 : vous pouvez amener vos questions, votre imperméable, et vos pluies de gommes.
Programme de l’édition 2024
Mardi 19 novembre :
WHY PATTERNS ?
Concert // Le Quartz – Petit Théâtre (20h30)
La musique instrumentale de WHY PATTERNS ? mêle saxophones augmentés, synthétiseurs et séquenceurs dans de longues plages électroniques froides, pourtant lumineuses. Le groupe tente de faire entendre des processus musicaux répétitifs sans jamais perdre le sens d’un lyrisme inspiré : flamboyant, enveloppant, avec des échos de club berlinois et pleins d’histoires associées. Leur programme MUSIC FOR est un hommage aux compositrices Suzanne Ciani et Laurie Spiegel, grandes prêtresses du son.
Mercredi 20 novembre :
À LA POURSUITE DES CHRONO-NINJAS par Attaque Souple
Concert Jeune Public // Le Mac Orlan (17H00)
Puisant ses références dans le jeu vidéo, le manga et les films d’arts martiaux des années 80, “À la poursuite des Chrono- Ninjas” est un spectacle à la croisée des genres, entre ciné-concert et dessin animé interactif. Accompagnés à la vidéo par Paul le Galle, Manuel Liegard et Sébastien Tenenbaum se battent contre les forces du mal, et embarquent le public dans une aventure ludique, musicale, et surtout très drôle. Jimmy et Billy, de l’école Attaque Souple, arriveront-ils à empêcher le terrible Shogun et ses Chrono-Ninjas de conquérir le monde ? Entre synthwave et solos de guitare épiques, nos deux héros doivent traverser le temps (sans oublier de passer par les années 80 !) et puiser dans la sagesse des anciens et les ressources éternelles de l’amitié.
DÉGUSTONS NOS POCHETTES avec Gilles de Kerdrel
Dégustation de vin en musique // Passerelle, Centre d’Art Contemporain (20h30)
Collectionneur de vinyles, dj, et dégustateur de vins, Laurent Moalic de Vins etc. se devait d’associer vins et musique sous une forme originale et ludique. Ainsi sont nées les soirées « du vin dans les oreilles », où chacun est invité à ressentir le vin et la musique de manière différente.
Pour cette édition, Laurent reçoit Gilles de Kerdrel et son projet Écoutons nos pochettes : objets de cultes, de convoitises, de scandales, d’art et de légendes, tout a déjà été raconté sur les pochettes de disques. Tout, sauf ce moment de notre vie auquel l’une d’entre elles est à jamais liée. Dix textes d’auteurs et d’autrices seront lus, témoignages du pouvoir de résonance d’une pochette dans nos cortex émotionnels…
Jeudi 21 novembre :
SOCIÉTÉ ÉTRANGE//NOEL AKCHOTE
Concerts// Passerelle, Centre d’Art Contemporain (20h30)
Société Étrange a peut-être bien inventé le kraut dub : une musique des tréfonds, joueuse, hypnotique et feel good. Le trio Antoine Bellini (Zorbing), Romain Hervault (ex Panpanpan / Maman Brigitte) et Jonathan Grandcollot (Plein Soleil, Francois Virot) renoue avec les racines du krautrock canal historique, soit l’alliance tripée des machines et des instruments organiques. Aucune nostalgie pourtant, et non aux citations : Société Étrange écrit un voyage sonore pour le temps présent.
Attention légende. Guitariste iconoclaste à l’avant-garde du jazz et au croisement de mille autres musiques, Noël Akchoté est une figure culte des musiques expérimentales et improvisées. Explorant depuis les années 1990 les frontières expérimentales du jazz, utilisant la guitare sous toutes ses coutures (acoustique, électrique, sans cordes et pour toutes les musiques), fondateur du label Rectangle avec Quentin Rollet, il a joué et enregistré avec Tal Farlow, Chet Baker, Henri Texier, Louis Sclavis, Jacques Thollot, Sam Rivers, Derek Bailey, Marc Ribot, Fred Frith, Evan Parker, Lol Coxhill, David Grubbs, Luc Ferrari, David Sylvian, Blixa Bargeld, Otomo Yoshihide, Linda Sharrock, Christian Fennesz, Eugene Chadbourne, et la liste n’a pas de fin.
Vendredi 22 novembre :
EVICSHEN
Performance // Bad Seeds (18h00)
Victoria Shen aka Evicshen est une musicienne expérimentale basée à San Francisco. Sa pratique s’appuie sur la matérialité et la physicalité du son ainsi que sur la relation avec le corps humain. Ses dispositifs se construisent autour de synthétiseurs modulaires analogiques, de disques vinyle ou résine et d’électroniques home made. Un aspect essentiel du travail de Victoria Shen est la lutherie expérimentale. Ses performances sont réputées pour être particulièrement intenses et excentriques !
XIU XIU//WINTER FAMILY//TOUT BLEU//GRASSMAN Vs BIGFOOT Vs MANEVEAU//Bad Seeds Didier Set
Concerts // La Carène (20h30)
XIU XIU (US)
Avec une quinzaine d’albums studios sortis depuis la création du groupe en 2002, Jamie Stewart, leader et unique membre originel du groupe Xiu Xiu (prononcé “chouchou”), n’en n’est plus à ses premières expérimentations. Aussi bien à travers des reprises et détournements de classiques tels que Nina Simone qu’à travers ses propres compositions de rock expérimental, l’artiste sait surprendre son auditeur. Xiu Xiu cultive l’étrange et ce n’est pas pour rien que le groupe a rendu hommage au Twin Peaks de David Lynch. Depuis 2023, Jamie Stewart et Angela Seo (membre de Xiu Xiu depuis 2009) ont été rejoints par leur ami de longue date David Kendrick (Sparks, Devo, Gleaming Spires). Un nouvel album verra le jour fin 2024.
WINTER FAMILY (IL/FR)
Le duo, formé par Ruth Rosenthal et Xavier Klaine, développe depuis une quinzaine d’années un univers singulier alternant brûlots punk synthétiques et drones pré-apocalyptiques. Nourris au métal, à la musique baroque, au théâtre pluridisciplinaire et à la culture afro-américaine, ils continuent de tracer une voie unique en défendant un discours radical. Ils jouent à travers le monde dans des clubs, des galeries et des églises, une musique minimale, sombre, politique et abrasive, entre féerie, chaos et mélancolie.
TOUT BLEU (CH)
Projet solo de Simone Aubert (Hyperculte , Massicot) Tout Bleu, réunit le violoncelle de Naomi Mabanda (Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp, Chien Mon Ami), l’alto de Luciano Turella (Irtum Branda) et les machines de POL. On retrouve les riffs tantôt mélodiques, tantôt rugueux de Massicot, les chants intenses et pulsés d’Hyperculte, mais chez Tout Bleu, les instruments acoustiques, la voix et la guitare électrique, détournés de leur utilisation usuelle, dessinent un paysage orchestré au lustre presque pop, où les polyrythmies des cordes s’entremêlent sur des beats low tempo.
GRASSMAN Vs BIGFOOT Vs MANEVEAU (BREST)
Sur les rives du Mississippi de la Penfeld, l’homme des Hautes Herbes et son ami Bigfoot forment un duo aussi féroce que possédé, qui ne chasse que des alligators monstrueux, lesquels pullulent ici, comme chacun sait. Howlin’ Grassman Vs Stompin’ Bigfoot, alias Étienne Grass et Lionel Mauguen, vont pêcher leur tambouille dans le blues reptilien du delta, l’attendrissent au merlin proto punk des fifties, et la saupoudrent d’étincelles indus, s’associant cette fois au saxophoniste Florent Maneveau qui, lui, pêche à la dynamite : c’est primitif, répétitif, minimal, rouillé, caillouteux, absolument et délicieusement toxique, c’est à dire ROCK’N’ROLL !!!
BAD SEEDS DIDIER SET (BREST)
Onlyvinyl DJ set !
Samedi 23 novembre :
ARNAUD LE GOUEFFLEC / MOCKE / CLAIRE GRUPALLO / ANTOINE MESAJER
Concert // La PAM – en cours de confirmation (19h00)
« Comme Kafka », le nouvel album d’Arnaud Le Gouëfflec, réunit le guitariste et compositeur Mocke (Midget, Holden…), la chanteuse Claire Grupallo, déjà repérée chez Bacchantes ou Sieur et Dame, et Thomas Poli, à la production et à l’électronique. Le résultat ? 9 chansons kafkaïennes, pétries d’humour, d’étrangeté, entre comptines, chanson française, easy listening, dub, ou même jazz, dans un seul but : brosser des petits drames existentiels, où s’entend une détresse bien tempérée, celle que l’humour permet de mettre joliment à distance. Sur scène, Arnaud, Mocke et Claire seront accompagnés d’Antoine Mesajer, déjà repéré sous le nom de Monolithe Noir.
LES TETINES NOIRES//MUTTERLEIN//EAT-GIRLS//CASIOMAHA//Bad Seeds Didier Set
Concerts // La Carène (20h30)
LES TÉTINES NOIRES (FR)
Groupe Culte fondé dans les années 80 par le Comte d’Eldorado, et Goliam, alors âgés de 13 ans, Les Tétines Noires affiche une éternelle et scandaleuse jeunesse. Baptisés par les méchantes fées marraines du Batcave-rock, ils se dopent au sucre du glamour, à l’arty, parfois même au psyché. Signés sur Boucherie Productions, ils défraient la chronique, et se produisent dans des décors surréalistes, avec os géants, brouettes suspendues, poupées maléfiques et déguisements d’animaux. Cultivant une longévité draculesque qui fait frémir, désormais accompagnés de l’artiste Eric Madeleine aka Made In Eric, en « Corps Objet Pied de Micro » (sic), ils doublent leur rock dadaïste d’industriel noise et d’électronique maléfique, dans les vapeurs d’encens d’un cabaret lynchien.
MÜTTERLEIN (FR)
Mütterlein est le projet solo de la compositrice et multi-instrumentiste Marion Leclercq (ex Overmars). Son objectif ? Trouver, comme dirait Ray Bradbury, « un remède à la mélancolie » et à son soleil noir : 50 nuances de ténèbres, un gouffre d’où monte une voix écorchée, à la fois hurlement et incantation. Descendre bas, métaphoriquement et physiquement, voici la ligne directrice. Une expérience physique et sensorielle, quand les basses fréquences nous emportent vers les abysses.
EAT-GIRLS (FR)
Eat-girls c’est un trio qui fabrique minutieusement, dans le secret de son appartement, une musique entre pop, post-punk, minimal synth, kraut, dub,…et dont la destination est imprévisible : chaque note semble improvisée, chaque rythme est une surprise. Leurs chansons déroulent un fil intuitif et, comme dans un rêve, peignent des formes qui nous restent en tête. Sur scène, Amélie, Elisa et Maxence utilisent leurs trois voix, une basse, une guitare, des synthétiseurs, un ordinateur et une foule de petits objets.
CASIOMAHA (FR)
Mahawatchi & Casiowatcha se connaissent depuis longtemps. Ils composent à partir de vieux synthés cheap des années 80 (Yamaha, Casio, Kawasaki, Bontempi, Kawai, Liwaco, Texas Instruments…). Sur scène, leurs costumes, conçus par la plasticienne Odette Picaud, mêlent des influences tribales et sacrées à leur musique pop-punk synthétique. Synth- Chaman-Wave.