Burlesque et Vilain·es. L’effeuillage libère les corps

Burlesque et Vilain·es vous invite à son prochain cabaret d’effeuillage le 1er avril au théâtre du Vieux Saint-Étienne à Rennes. C’est l’occasion de découvrir cet art de la scène à mi-chemin entre le strip-tease et l’art drag. Il est incarné depuis 2021 par l’association rennaise Burlesque et Vilain·es à travers des cours hebdomadaires, des stages et des soirées spectacles. 

C’est la tante bizarre du strip-tease. Une tante qui a le goût du spectacle et qui préfère la sensualité choisie à l’exhibition contrainte. L’effeuillage burlesque est issu des danses dites « exotiques » des siècles passés. Il est remis au goût du jour par le courant néo-burlesque, qui fait son apparition dans les années 1990 aux États-Unis. Dans cette nouvelle version, c’est une réappropriation contre-culturelle et féministe de l’imaginaire du cabaret parisien. Bien installée désormais à Paris, la pratique n’existait pas vraiment à Rennes, hormis dans des spectacles drag, dont elle est voisine.

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© Léa & Dimitri Photographies

De retour à Rennes où elle avait fait ses études d’arts du spectacle, Marine Poppin’s, comme on la nomme sur scène, constate avec surprise ce manque, alors que parallèlement la scène drag se développe. Habilleuse et costumière, elle pratique l’effeuillage depuis plusieurs années à Paris et souhaite « insuffler du burlesque à Rennes ». En 2021, grâce à une annonce sur les réseaux sociaux qui proposait de créer une association de burlesque à Rennes, elle rencontre Marine et Léa. Les trois jeunes femmes se lancent avec des aspirations différentes. Marine Poppin’s aimerait jouer son numéro alors que les deux autres espèrent plutôt découvrir cet univers qu’elles connaissent peu.

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De gauche à droite, Spicy Moon, Artye Chaude et Marine Poppin’s © Jacques Rolland

Elles ont aussi des attraits différents pour la discipline. « Certains ou certaines se déguisent en personnage de Star Wars, il y en a qui font du hula hoop, d’autres du feu, du cerceau aérien. Chacun vient avec sa discipline ou son délire pour exprimer ce qu’il veut », commente Marine Poppin’s. Ainsi, parmi les fondatrices de Burlesque et Vilain·es, Marine Poppin’s a découvert le burlesque en même temps que sa vocation de costumière, à travers la figure de l’artiste effeuilleuse Kiki Béguin. Léa, alias Spicy Moon, pratiquait déjà la danse, et notamment le pole dance. Marine, alias Artye Chaude, était quant à elle attirée par le jeu et la théâtralité. Car l’effeuillage burlesque est une pratique scénique éminemment pluridisciplinaire : il faut penser son numéro, le chorégraphier, trouver l’accompagnement musical, la scénographie, concevoir son costume, composer son maquillage et sa coiffure. En cela, elle est très proche de l’art drag, et les glissements entre les deux sont courants. D’ailleurs, l’effeuillage n’est pas non plus exclusivement « un truc de filles », rappelle Marine Poppin’s, et l’association a été rejointe récemment par Ambroise (Lucifer Menté / Marie-Paul Piette) et Olivier (Melba Zigomar), tous deux performeurs et respectivement secrétaire et co-trésorier.

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Burlesque et Vilain·es commence son activité par des journées de stage, à raison d’une par mois. L’association invite un ou une artiste à donner des cours sur diverses thématiques en lien avec le burlesque puis à se produire à des soirées scènes ouvertes. En 2022, elle passe à la vitesse supérieure en proposant des cours hebdomadaires au studio de pole dance Upside Down. Au programme de ces cours, de l’effeuillage burlesque évidemment, mais aussi des exercices de cardio, chair dance (danse sensuelle avec une chaise) et des sessions plus libres en fonction des demandes des élèves, qui peuvent par exemple servir à répéter leurs numéros.

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Ces cours sont l’occasion de s’initier à des techniques de danse et des postures physiques qui mettent en valeur le corps. Mais aussi de découvrir les accessoires phares de l’effeuillage : les gants, le boa, l’éventail en plume, le corset, le serre-taille, le porte-jarretelle ou encore le cache-téton, joliment appelé nippies. Il faut aussi apprendre le maniement de ces accessoires, comme le tassel twirling, savoir faire tourner les nippies, et plus généralement l’art du teasing. Car « le burlesque, ce n’est pas apprendre à se déshabiller, mais à teaser par le jeu, la posture, l’interaction avec le public », explique Marine Poppin’s.

Bien sûr, l’objectif est ensuite de se produire sur scène, par exemple lors des Cabarets des Vilain·es, dont la troisième édition se tiendra le 1er avril 2023 au Vieux Saint-Étienne. Le premier s’était déroulé en février 2022 à la salle de la Cité. Burlesque et Vilain·es avait alors fait appel à des artistes parisiennes qui ont l’habitude de se produire et d’organiser des revues cabaret. L’association rennaise s’est par la suite rapprochée des autres associations du grand Ouest (Burlesque en Bretagne de Saint-Brieuc, Burlesque Brest Follies, L’Indomptable Cabaret de Carhaix et Lorient, Burlesque Freaky Follies et Burlesque Phoenix Show de Nantes, Revue et Corrigée de Cholet) pour proposer des programmations plus locales. Pour la deuxième édition de son cabaret, au Vieux Saint-Étienne, étaient invitées des artistes nantaises, des artistes de l’association rennaise Dragopole et un groupe de débutantes rennaises, élèves de l’association. La troisième édition mettra aussi en avant des artistes locales. On y trouvera à nouveau une chorégraphie des élèves de l’association, des numéros en solo de certaines et certains d’entre eux ainsi que de Marine Poppin’s et des invitées de Saint-Brieuc et Nantes. Burlesque et Vilain·es reprend aussi ses soirées scène ouverte le 2 juin 2023 au bar Le Marquis de Sade.

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© Magnolia By Olivia

Mais quel est ce délire de chair offerte en pâture aux regards curieux, diront les esprits puritains ? Exhibitionnisme ? Vulgarité ? Voyeurisme ? Marine Poppin’s place plutôt l’effeuillage burlesque du côté d’une libération des corps dans leur multiformité. Certes, il s’empare des codes glamours du cabaret. Mais en tant que réappropriation contre-culturelle, il met aussi de côté ses standards de mensuration qui imposent une vision unique de la beauté des corps. Il montre ainsi que la beauté et la sensualité n’obéissent pas au diktat des canons. «L’effeuillage a un effet thérapeutique. Mon rapport au corps a complètement changé depuis que j’ai commencé. Au début, on est centrée sur soi et nos complexes, puis on voit plein d’autres personnes qui n’ont pas le même corps, le même âge, qui viennent d’autres univers, et qui sont belles. On se rend compte de la beauté de l’autre et ça nous fait prendre conscience de notre propre beauté. Ça n’éradique pas les complexes, mais c’est un pas en avant pour la confiance en soi. Et ça marche aussi juste en allant voir des spectacles, quand on voit toutes les morphologies sur scène et qu’on se rend compte que c’est incroyable ce que ces personnes font », relate Marine Poppin’s.

Et de même que l’effeuillage burlesque peut aider à changer de regard sur son corps, à se défaire d’un regard unique imposé, il est aussi une façon d’affirmer le contrôle de son corps. « On est maîtresses de ce qu’on fait sur scène, de ce qu’on montre ou pas », rappelle Marine Poppin’s. Entre le puritanisme sociétal et l’hypersexualisation subie des corps dans les médias de l’image, l’effeuillage burlesque semble proposer une voie médiane, celle d’une sensualité choisie et assumée, libératrice.

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Jean Gueguen
J'aime ma littérature télévisée, ma musique électronique, et ma culture festive !

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