Avant les pommes et le cidre breton – remercions le XIXe siècle et Colbert pour cela – les vignes parsemaient les terres bretonnes… En mai 2019, Édouard Cazals plantait deux hectares de vignes à Saint-Jouan-des-Guérets (Ille-et-Vilaine). Trois ans plus tard, le projet de vignoble pousse et grandit au fil des saisons. Avec des vendanges prévues en 2022, La Cabane aux longues vignes lance, jusqu’au dimanche 7 novembre 2021, les préventes pour leurs premiers millésimes sur la plateforme de financement alternatif WineFunding afin de les aider à agrandir leur vignoble et construire leur chai. Unidivers avait rencontré le chef d’exploitation en septembre 2018 quand le projet n’était qu’à ses prémices.
Après des siècles d’inactivité viticole, un air de renouveau agricole soufflait sur la Bretagne (administrative) en septembre 2018. Alors qu’était dégustée la première cuvée de vin rouge breton dans le petit village de Saint-Suliac, le premier projet vignoble professionnel fleurissait dans le Val de Rance, à Saint-Jouan-des-Guérets (Ille-et-Vilaine). Aux commandes, Édouard Cazals, diplômé en viticulture-œnologie et coauteur de la bande dessinée sur le vin D’amour et d’eau fraîche. En mai 2019, le chef d’exploitation du domaine La Cabane aux longues vignes plantait 9 000 pieds de Chardonnay, Pinot Noir et Grolleau. Les premières vendanges auront lieu en septembre 2022. Les premières cuvées bretonnes de Pinot noir, Chardonnay et Grolleau – certifiés biologiques – seront donc les nouveaux compagnons de tablée des Français début 2023 !
Parallèlement à cette joyeuse perspective, l’équipe entre dans la deuxième phase du développement et prévoit un agrandissement de ses vignes. « Nous allons replanter deux hectares supplémentaires de vignes sur la parcelle attenante ainsi qu’un hectare de verger traditionnel (pomme, poire, coing à cidre) afin de développer la biodiversité sur nos parcelles », explique Édouard Cazals. À cela s’ajoute, la construction et l’équipement de leur chai. Pour ce faire, Les Longues vignes lance un appel au financement sur la plateforme Wine Funding. La somme de 65 000 euros, soit 20 % du budget global, participera au budget total nécessaire à la construction du chai et de son équipement pour la transformation des raisins et l’élevage du vin.
Le concept proposé par WineFunding est somme tout simple : vous avancez une somme d’argent et vous êtes remboursé en vin, pendant trois ans, de 2023 à 2025. Trois coffrets Découverte (entre 250 € et 850 €) et un coffret ambassadeur (1000 €) sont proposés
(Entretien réalisé en septembre 2018)
Unidivers : Avec le projet viticole de La Cabane aux longues vignes, vous partez de zéro. Comment est née l’idée de réaliser le premier vignoble professionnel breton après des siècles d’inactivité viticole en Bretagne ? N’est-ce pas un peu effrayant ?
Edouard Cazals : Après ma formation diplômante et mes expériences professionnelles dans de grandes propriétés du monde – chez les Mitjavile au château Tertre Roteboeuf et au château Valandraud situés dans l’appellation Saint-Émilion, en Italie, Corse et chez Hunters en Nouvelle-Zélande – j’ai voulu m’installer à mon propre compte. Comme je n’avais aucune limite géographique, j’étais ouvert au monde entier. Lassé par la monoculture des grandes régions viticoles et la difficulté d’accès au foncier, mes recherches se sont orientées sur les vignobles septentrionaux oubliés. Le vignoble historique du Val de Rance constitue selon moi un joyau du terroir français, d’où mon choix.
Partir de zéro est une chance, car cela nous permet de choisir l’ensemble de l’itinéraire technique vitivinicole en vue d’une production de vin de qualité et respectueux de l’environnement, sans poids de la tradition viticole régionale. Bien évidemment, ce n’est pas se simplifier la tâche puisqu’il faudra attendre trois ans avant la première récolte donc quatre ans avant la sortie du premier vin commercialisable (NDA : La Cabane aux longues vignes en chiffres : 9 000 pieds pour deux hectares de terrain sont déjà commandés pour une plantation au printemps 2019, ce qui signifie trois ans avant les vendanges donc une dégustation en 2022. La croissance des pieds a par ailleurs déjà commencé à la Pépinière viticole d’Anjou). C’est une longue durée sans pouvoir vivre de son activité, mais l’excitation prime sur la frayeur !
U. : Votre projet a pu voir le jour grâce à la déréglementation de janvier 2016 sur le secteur et vous avez acquis les droits de plantation en 2017. Quels assouplissements ont permis la mise en place de votre vignoble professionnel ?
Edouard Cazals : Avant 2016, seules les régions classées comme viticoles pouvaient planter de la vigne en vue de la production de vin. Après plusieurs années de négociations, un terrain d’entente a été trouvé : la possibilité d’augmenter la surface du vignoble national de 1 % par an, et cela, sur l’ensemble du territoire. Ainsi, après validation d’un dossier déposé auprès de France Agrimer, j’ai obtenu les droits de plantation pour deux hectares.
U. : Comment avez-vous choisi le lieu où seront plantées les vignes ? Quelles ont été les étapes qui ont mené jusqu’à Saint-Jouan-des-Guérets, dans l’agglomération de la ville de Saint-Malo ?
Edouard Cazals : L’accès au foncier constitue l’un des gros problèmes des nouvelles installations agricoles. Suite à mes recherches infructueuses sur les différentes plateformes dédiées à l’accès à une terre agricole, j’ai contacté l’ensemble des mairies se situant sur l’ancien vignoble du Val de Rance. Ils m’ont mis en contact avec un agriculteur proche de la retraite qui était propriétaire de plusieurs parcelles situées sur un coteau plein sud ayant anciennement accueilli de la vigne – la parcelle s’appelle Les longues vignes au cadastre. Une fois le contact pris avec le propriétaire et son acceptation pour le projet, des techniciens viticoles nationalement reconnus sont intervenus afin de faire une analyse de sol et du sous-sol approfondie. Ce qui a confirmé les qualités vinifères de cette terre. Une analyse climatologique a également été réalisée en partenariat avec l’Université Rennes 2, qui a elle aussi confirmé le bien-fondé d’un retour de la vigne dans le Val de Rance.
U. : De la même manière, les cépages – Pinot Noir, le Chardonnay et le Grolleau – ont été déterminés grâce à une étude de sol approfondie et les données météorologiques de la région. Quels critères sont nécessaires à la culture de ces cépages ?
Edouard Cazals : Ces cépages sont des cépages dits précoces, ce qui signifie que la plante se réveille très vite à la sortie de l’hiver. Cette précocité permet de combler les températures plus importantes que l’on retrouve dans les régions plus au Sud. Cependant, pour pouvoir avoir recours à cette précocité, il faut des terres qui ne sont pas soumises au gel printanier, ce qui est le cas dans le Val de Rance, dû à l’effet tampon de l’Estuaire de la Rance.
Pour produire un vin de qualité, la somme cumulée des températures de la zone d’avril à octobre doit être en accord avec les besoins du cépage pour atteindre la maturité optimale. Ce qui est le cas pour ces trois cépages.
U. : Le vin de La Cabane aux longues vignes s’adressera à quel amateur de vin ?
Edouard Cazals : Notre volonté est de produire un vin qui sera distribué localement : il est donc destiné à toutes les personnes qui habitent ou visitent la région. Notre désir de qualité a pour objectif de séduire les aficionados du vin comme les consommateurs plus « classiques ».
U. : Les premiers pieds seront plantés au printemps 2019 et vous avez fait le choix de restreindre au maximum l’apport de produits chimiques. Quelle philosophie sous-entend cette approche ?
Edouard Cazals : Nous souhaitons tout d’abord respecter l’environnement et la biodiversité, qui sont bouleversés par l’utilisation abusive de la chimie. L’utilisation minimale du tracteur permet aussi de conserver la structure du sol. La défense du travail manuel témoigne aussi notre attachement à la valeur du travail : un travail minutieux basé sur l’observation de l’homme, où l’effort est récompensé par la qualité de la production.
Nous défendons le versant spirituel de l’agriculture, que nous considérons comme un travail noble au service des besoins de l’homme, mais pouvant faire naître des émotions… comme l’art ou plutôt les arts.
U. : Vous vous insérez dans la dynamique croissante de notre région, justement grâce à la nouvelle réglementation abordée précédemment. Avec la première dégustation de vin rouge breton qui a eu lieu cet été et les grandes maisons qui réfléchissent à s’installer sur les terres bretonnes, la région renoue avec son passé viticole. Pensez-vous être le premier d’une longue liste à venir ?
Edouard Cazals : Les différents vignobles historiques de la Bretagne administrative vont en effet renaître sous l’impulsion de quelques vignerons désireux de redécouvrir des terroirs oubliés. Néanmoins, je pense que la prise de conscience des excès de la monoculture et de la surproduction limitera les installations en Bretagne, même si la liste des vignerons amateurs sur une toute petite surface (associations) est déjà conséquente.
U. : Cet engouement est entre autres dû au changement climatique de la région, malheureusement aussi une conséquence positive du réchauffement climatique, mais d’un point de vue environnemental, n’est-ce pas une opportunité à double tranchant finalement ?
Edouard Cazals : Il est clair qu’un réchauffement climatique semble être en cours, mais notre démarche ne s’inscrit pas dans ce phénomène. Les données nous montrent qu’il est d’ores et déjà possible de produire du vin de qualité dans notre région. Il est clair que nous ne souhaitons pas le réchauffement climatique même si celui-ci pourrait permettre un plus grand choix dans le type de vin produit. Notre volonté est une agriculture respectueuse de l’environnement.
Pour participer au financement cliquez sur le lien, la campagne est ouverte jusqu’au 7 novembre 2021.
Détails de l’utilisation des dons :
La somme de 65 000 euros participera au budget total nécessaire à la construction du chai et de son équipement pour la transformation des raisins et l’élevage du vin. Cela représente 20% du budget global mais permettra tout de même de financer :
• L’achat d’un pressoir pneumatique, qui nous permettra d’effectuer des pressurages lents et très qualitatifs afin d’extraire les meilleurs jus possibles de nos raisins bretons (25 000€)
• L’acquisition d’une pompe péristaltique qui préservera l’intégrité aromatique de nos jus (5 000€)
• Le groupe chaud/froid qui nous permettra le contrôle de ces températures (5 000€)
• La cuverie inox double peau permettant le contrôle des températures nous permettant ainsi une fermentation lente, afin que toute la richesse des arômes des raisins puisse s’exprimer (30 000€)
Toutes les formalités administratives (conception, plans, permis de construire et devis) sont d’ores et déjà établies pour construire un chai de 200m² couverts avec 100m² en extérieur pour réceptionner les vendanges.
Infos pratiques :
Édouard Cazals – vigneron
Facebook : La Cabane aux longues vignes
cazalsedouard@gmail.com / 06 80 37 38 36
BD D’amour et d’eau fraîche : Bande dessinée œnoérotique réalisée en collaboration avec Pauline von Kunssberg.
Résumé : Le héros est un fin expert du vin. Il fait de sa connaissance du caractère de chaque cru qu’il possède une stratégie de conquête féminine. Ainsi, lors de chaque rendez-vous, il choisit une bouteille dont le style est en correspondance avec la personnalité qu’il dénote chez la femme en question. En résultent de multiples histoires, issues du parallélisme entre la dégustation de ces vins et la sensualité partagée avec chacune de ces femmes. Ce parallélisme relève à la fois du vocabulaire et du pouvoir évocateur du vin, qui rejoint dans ces cas-là le fantasme.