Initiative de la journaliste Anne-Elisabeth Bertucci, le Café-archi est une rencontre-débat sur l’architecture, dans un bistrot. Nouveauté : le dernier en date s’est déroulé à l’hôtel Pasteur à Rennes. Le thème portait sur la place de l’architecte dans l’auto-construction. Surprenant, non ?
Vous aussi, vous pensiez que les auto-constructeurs sont de doux rêveurs chevelus et barbus qui, bien sûr, se passent d’architecte et construisent des maisons en bois ou en paille ? Vous avez tout faux. Preuve en a été donnée lors de cette rencontre animée par Catherine Rannou. Architecte, mais aussi artiste et enseignante (à l’école nationale d’architecture Paris-Val de Seine) elle a une pratique assez peu conventionnelle et n’a donc pas été totalement surprise d’être approchée par un couple du pays de Morlaix qui avait en projet la construction de leur demeure avec trois containers (ou conteneurs).
Parce qu’ils veulent maîtriser la conception, le coût et la réalisation de leur habitat, ils font partie de ces citoyens de plus en plus nombreux à se lancer dans l’aventure de l’auto-construction. Parfois seuls, bien souvent accompagnés par des professionnels. Et donc parfois par des architectes, comme Catherine Rannou. Après d’intenses échanges avec le maître d’ouvrage (i.e le client de l’architecte), elle arpente la parcelle et la photographie dans tous les sens. Ce premier contact avec le terrain permet de déterminer le meilleur emplacement et l’orientation des conteneurs. L’architecte a choisi d’en disposer deux bout-à-bout et le troisième en parallèle. L’ensemble sera protégé par un toit-parapluie : une seule pente couverte de tôles transparentes, fixée sur une charpente en poteaux moisés fichés sur des fondations en béton. Après quelques « apéros-maquettes » et moult échanges avec les voisins, le maire et l’architecte des bâtiments de France, le choix est validé. Pendant ce temps-là, les containers font le voyage en cargo depuis la Chine vers Le Havre, puis en camion jusqu’à Lanvellec. Un voisin maçon s’occupe des fondations, un copain payé en chèque-emploi-service donne un coup de main à Yannick – médiocre bricoleur – pour la charpente et les menuiseries. La plupart des éléments bois ont été soigneusement dessinés par AutoCAD et commandés chez Monsieur Bricolage.
On l’aura compris, les copains c’est important. Ou plus largement le réseau. Naturellement les sympathisants et adeptes n’ont pas manqué cette rencontre pour apporter leur témoignage. Citons l’architecte Cécile Gaudoin (qui a œuvré à l’épatant projet de la Cie Rit à Saint-Germain-sur-Ille), Yves-Marie Maurer (qui milite pour la construction en terre avec Acro-Terre), Jean-Michel et Élisabeth Boiron qui ont construit eux-mêmes leur maison à Thourie (35) et Julie Barbeillon, rédactrice en chef de la revue La Maison Écologique *
Très pointue sur le sujet, Anne-Elisabeth Bertucci co-signe l’ouvrage Ils ont construit leur maison, 28 portraits de constructeurs écolos, aux éditions de La Martinière (29,90€). Un livre qui donne envie de se lancer dans ce parcours, même s’il est long et parfois risqué. En préface, on trouve cette admirable phrase de Mark Twain :
Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait
Ils ont construit leur maison avec moins de 50 000€.
*La Maison Écologique, remarquable revue nationale basée à Tinténiac (35) lance un appel à financement participatif sur Kisskissbankbank, jusqu’au 5 mai.