Un ouvrage collectif, publié aux éditions Locus Solus, éclaire le parcours d’un dessinateur d’exception à la fin du XIXe siècle, entre les marais vendéens et les chemins d’Espagne. Charles Milcendeau (1872–1919) présente un trait puissant, un réalisme vibrant et un regard sans fard sur les êtres et les terres qui auront marqué la fin du XIXe siècle d’une empreinte singulière. En redonnant toute sa place à cette figure majeure, le beau-livre Charles Milcendeau, la fabrique d’un artiste (1891-1914), publié en coédition avec le musée qui lui est consacré à Soullans, constitue une précieuse redécouverte.
Coordonné par Carole Biron, responsable des collections du musée Charles Milcendeau, l’ouvrage réunit les regards croisés de quatre spécialistes – Patricia Plaud-Dilhuit, Samuel Mandin, Christophe Vital et Carole Biron elle-même – pour retracer l’itinéraire d’un artiste enraciné mais curieux du monde, dessinateur réaliste autant que voyageur inspiré.
Né à Soullans, au cœur du marais breton-vendéen, Milcendeau monte à Paris à la fin du XIXe siècle pour parfaire sa formation artistique. Élève de l’École nationale des Beaux-Arts, il fréquente l’atelier de Gustave Moreau, où il croise Henri Matisse, Albert Marquet ou encore Georges Rouault. Mais là où ses contemporains s’éloignent de la figuration, Milcendeau persiste dans une veine réaliste, attentive aux détails et aux émotions. Sa technique du dessin au fusain atteint une expressivité bouleversante. Les visages de paysans, les scènes de foires, les silhouettes noires sur les chemins de Vendée portent une densité humaine qui n’est pas sans évoquer la gravité de Käthe Kollwitz ou le regard profond d’un Millet.
C’est dans sa Vendée natale que Milcendeau puise ses sujets les plus intimes : familles maraîchines, scènes de travail ou de prière, enfants dans la lande. Il capte la dignité tranquille de ce peuple oublié, magnifiant les paysages plats du marais, la lumière rasante, les sabots usés et les regards clairs. Mais l’artiste, loin d’être reclus, parcourt également l’Europe : la Bretagne, la Corse, les Pays-Bas… et surtout l’Espagne, dont l’influence marquera durablement son œuvre.
Ses voyages ibériques, nourris d’une fascination pour l’Espagne noire de Goya et de Zuloaga, enrichissent sa palette et son imaginaire. Il y réalise des portraits puissants, des scènes religieuses, des vues de procession où la théâtralité des figures se mêle à une compassion silencieuse.
À son époque, Charles Milcendeau n’est pas un inconnu. Ses œuvres sont exposées dans les salons officiels, saluées par les critiques d’art et collectionnées. Le musée d’Orsay, le Musée des Beaux-Arts de Nantes ou encore le musée départemental de Vendée conservent aujourd’hui quelques-unes de ses toiles les plus emblématiques. En 2025, le musée Charles Milcendeau à Soullans, dans un écrin contemporain intimiste, consacre à son œuvre une exposition majeure, labellisée « Exposition d’intérêt national ».
L’ouvrage Charles Milcendeau, la fabrique d’un artiste (1891-1914) retrace cette trajectoire d’apprentissage, d’expérimentation et de maturité. À travers 128 œuvres reproduites en couleur – fusains, huiles, carnets de croquis –, il nous plonge dans le geste et l’œil de l’artiste. Comment construit-on une vision du monde ? Quels choix de formats, de médiums, de sujets ? Le livre montre l’élaboration de ce regard singulier qui, loin des académismes ou des avant-gardes tapageuses, donne à voir une humanité nue, humble, habitée par la terre et les traditions.
Le titre même du livre, La fabrique d’un artiste, est révélateur : il s’agit ici d’entrer dans l’atelier mental d’un créateur, dans son cheminement lent, rigoureux et sensible.
Titre : Charles MILCENDEAU – La fabrique d’un artiste (1891–1914)
Auteurs : Carole Biron (coord.), Samuel Mandin, Patricia Plaud-Dilhuit, Christophe Vital
Éditeur : Locus Solus, en coédition avec le musée Charles Milcendeau
Parution : 6 juin 2025
Format : Relié, 128 pages, 130 illustrations couleur
Dimensions : 19,4 × 26 cm
Prix : 27 €
ISBN : 978-2-36833-563-5