La vie secrète d’un cimetière de Benoit Gallot, une balade vivante au Père Lachaise

Le Père Lachaise, le monde entier connait ce cimetière parisien. Mais ses secrets, ses mystères, ses charmes et ses évolutions ? Peut être moins. Avec le bel ouvrage La vie secrète d’un cimetière, hymne à la vie et jamais mortifère, son conservateur Benoît Gallot nous emmène dans les allées silencieuses. A l’écoute des morts mais surtout des vivants.

« Si on allait faire une balade parmi les morts ? ». Écris ainsi cela n’est vraiment pas engageant. Mais si on précise que cette promenade se fera avec le conservateur du cimetière le plus mythique de France, cela change déjà un peu la perspective. Marcher au sein des 43 hectares du Père Lachaise en compagnie de son responsable, Benoit Gallot, devient même totalement attrayant quand, de manière ludique et diversifiée, le fonctionnaire nous invite non seulement à une balade traditionnelle mais aussi à de plus amples réflexions sur la nature, la place de la mort dans nos sociétés.

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Le monde funéraire, l’auteur le connaît depuis la naissance : « Personne n’est mort aujourd’hui ? », cette phrase il l’entendit chaque jour à la table familiale tout au long de son enfance comme une introduction, un bénédécité, au repas du soir. Rien de morbide ou de sinistre mais simplement une question professionnelle : son père était entrepreneur de Pompes Funèbres. De cette permanence de la camarde dans sa vie familiale, le fonctionnaire en a fait un rapport à la vie plus gai et joyeux que pour le commun des mortels. Dans une société où l’on nie la fin de l’existence, où l’on espère même scientifiquement rendre la vie éternelle, ce retour à la réalité exprime surtout un amour intense de la vie. Pour preuve l’achat d’une boite à mouchoirs posée dans le bureau du conservateur pour apaiser les probables pleurs des proches du défunt. « Mauvais investissement » car ce bureau de réception au lieu de recevoir les pleurs est le plus souvent le lieu où les personnes sont « prises de ravissement », soulagées et heureuses, on peut employer le mot d’avoir trouvé une place au Père Lachaise, dernière résidence rêvée, comme le XVIe arrondissement ou le Cap Ferret des vivants. Ce désir, cet orgueil des humains au delà de la mort est une constante de l’ouvrage et Benoit Gallot décline en toute transparence les formules pour acquérir temporairement ou perpétuellement la concession souhaitée auprès de 70 000 occupants : tarifs, durée, emplacement.

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« Épitaphe concise pour décrire la mort », cimetière Père Lachaise, Paris

Bien entendu la première raison de cet engouement est connue : la célébrité des personnes enterrées, une manière de côtoyer pour l’éternité ces stars de tous les milieux à défaut de les avoir rencontrées de leur vivant. Même s’il ne s’agit pas du fond de l’ouvrage, le sujet ayant déjà été traité à maintes reprises, on ne peut ignorer les anecdotes attachées aux tombes de Jim Morrison, véritable sujet d’ordre public, à celles de La Fontaine et de Molière, dont les dépouilles sont probablement disséminées ailleurs ou encore de la tombe d’Héloïse et Abélard. De tous les cimetières français le Père Lachaise est ainsi le plus huppé, celui le plus parcouru par les thanatouristes, « Le Disneyland du funéraire » avec plus de trois millions de visiteurs par an.

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Mais un autre attrait semble jouer en faveur du cimetière parisien : sa situation et son environnement naturel de 4 000 arbres aux 80 essences différentes dans lesquels se dissimulent une soixantaine d’espèces d‘oiseaux, un environnement naturel dont l’attrait s’est accru à la suite d’une décision de la Ville de Paris d’interdire les produits phyto-sanitaires, interdiction dont Benoit Gallot avoue qu’à l’origine elle ne lui convenait pas et qui a rendu au cimetière, de son propre aveu, un aspect campagnard indéniable. La « nature naturelle » est revenue également en force à l’occasion des confinements qui ont permis au parc, de retrouver une vie animale originelle. Le post sur Instagram en avril 2020 d’une photo prise par Benoit Gallot, d’un renard dans le cimetière devint rapidement viral, une première photo qui en a appelé d’autres remarquables (1) dont le livre se fait aussi le support.

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Un renard surpris en pleine sieste, photo prise le 28 juillet 2022, cimetière Père La Chaise, Paris

De photos en anecdotes, l’auteur nous fait partager ainsi sa vie qui se confond souvent avec son métier. Habitant avec sa famille dans l’enceinte, il nous révèle les arcanes de sa profession et de ses collègues, il nous invite au long de son vagabondage à apprécier la vie à l’aune de la mort, à nous promener seul dans ces allées rendues à la nature sauvage, à découvrir quelques tombes d’anonymes qui recèlent parfois d’étranges textes, méconnus comme celui de l’écrivain Marcel Moreau: « Je suis heureux pour la première fois de ma mort ». Il nous donne à cette occasion un conseil que nous n’avons que partiellement envie de suivre: errer seul à l’improviste sans guide autre que ses envies, son imagination. Pour l’avoir expérimenté nous ajouterons modestement que suivre un guide agréé c’est quand même rentrer comme dans une veillée d’autrefois, avec des conteurs exceptionnels qui nous font vagabonder dans l’au delà.

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« Épitaphe concise pour décrire la mort », cimetière Père Lachaise, Paris

Après cette balade réjouissante, impossible de ne pas réfléchir à notre sort d’humble mortel et de chercher une réponse à une question de la fille de l’auteur : « Quand on meurt c’est pour la vie ? ».

La vie secrète d’un cimetière de Benoit Gallot. Editions les Arènes. 240 pages. 21,90€.

Un plan du cimetière et des principales tombes est joint à l’ouvrage.

(1) Compte Instagram: « la vie au cimetière »

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Eric Rubert
Le duel Anquetil Poulidor sur les pentes du Puy-de-Dôme en 1964, les photos de Gilles Caron dans le Quartier latin en Mai 68, la peur des images des Sept boules de cristal de Hergé, les Nus bleus de Matisse sur un timbre poste, Voyage au bout de la Nuit de Céline ont façonné mon enfance et mon amour du vélo, de la peinture, de la littérature, de la BD et de la photographie. Toutes ces passions furent réunies, pendant douze années, dans le cadre d’un poste de rédacteur puis rédacteur en chef de la revue de la Fédération française de Cyclotourisme.

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