Après un Star Wars épisode VIII peu unanime, Rian Johnson s’est lancé dans une comédie-policière aux allures agatha-christienne. Malgré un casting solide et une esthétique travaillée, À couteaux tirés déçoit.
Un célèbre auteur de roman policier Harlan Thrombey, est retrouvé mort au lendemain de ses 85 ans. Alors que la piste du suicide semble privilégiée, Benoît Blanc, un détective privé, reçoit une mystérieuse enveloppe lui demandant d’enquêter sur ce meurtre. Chaque membre de la famille Thrombey semble cacher quelque chose.
À couteaux tirés, c’est l’histoire d’un meurtre soudain, d’une famille qui se ment, d’un beau manoir, d’un héritage attractif et un détective privé. Un schéma classique somme toute. Et pour ne pas déroger à la règle de l’enquête, les membres de la famille Thrombey sont tous caractérisés, comme les personnages du Cluedo. Dans la famille Thrombey, il y a le père : Harlan (Christopher Plummer). Le riche patriarche est retrouvé mort au lendemain de ses 85 ans, des flash-back permettront de cerner le personnage. Il y a l’infirmière d’Harlan, la jeune Marta Cambrera (Ana de Armas), fille d’immigrés, bien sous tout rapport, incapable de mentir au risque que régurgiter son repas. Puis il y a les enfants d’Harlan, tous aussi menteurs les uns que les autres : le couple Drysdale et leur affreux fils Randsom (Chris Evans), le couple Thrombey et le fils intello, ainsi que la veuve fauchée du dernier fils Thrombey et sa fille sympa. Sans oublier la mère d’Harlan, la grand-mère vieille comme Mathusalem, perdue entre la poussière du manoir et ses bibelots post-colonialistes. Un beau casting digne d’un jeu de sept familles.
Le détective Benoît Blanc (Daniel Craig) arrive au milieu de cette joyeuse fratrie remettre un peu d’ordre. Pourtant prometteur dans un rôle mi-sérieux, mi-comique, le personnage de Benoît Blanc est une pâle copie d’un Hercule Poirot, ayant pour seuls points communs l’activité professionnelle et le nom francisé (Craig est, en plus, affublé d’un accent écorché du sud des États-Unis). Le spectateur rentre dès les premières minutes du film au coeur de la famille Thrombey et de ses tourments. Une fois les présentations faites, les cartes posées sur la table, l’histoire peut commencer, l’interrogation des suspects également.
Le décor est planté dans un superbe manoir travaillé à la lettre, terrain de jeu idéal pour une enquête. Sauf que nous ne sommes pas dans les Highlands, mais bien dans un Boston moderne. Le passage du manoir aux boulevards américains surprend. L’ambiance toutefois est parfaitement mise en valeur par une photographie signée Steve Yedlin.
À couteaux tirés est à la frontière entre le policier et la comédie.
Si le spectateur se laisse facilement porter au rythme des révélations et des non-dits, l’intrigue se révèle bien vite. Pas découverte par le détective, mais racontée par une protagoniste elle-même. Le suspense s’étouffe dès la moitié du film. Heureusement, il reste le côté comédie. Rian Johnson joue avec les codes du policier de façon humoristique. Et, quand c’est réussi, on se prend vite au jeu : course poursuite ratée en voiture, enlèvement peu crédible, annonce du testament caricaturale, récolte des indices foireuse … Et si Craig surprend en jouant le comique (entre deux James Bond) son personnage n’est pas central et est peu développé. On aimerait bien voir ce qu’il vaut dans un autre opus, dans la peau de Benoît Blanc.
ATTENTION SPOILER
Si la prestation de Chris Evans dans le rôle du terrible fils Randsom fonctionne bien aux deux tiers du film, on se serait vraiment passé de la fin. Mêlé à un Benoît Blanc révélant l’enquête comme votre petit cousin quand il pense avoir gagné au Cludeo, Randsom, lui, réagit comme le méchant pris en flagrant délit dans le dessin animé Scooby-Doo. Et si Rian Johnson ne cesse de répéter qu’il a joué avec les codes du policier, on ne sait plus vraiment si on est devant Gulli ou au cinéma.
Mordu d’enquêtes solidement ficelées, s’abstenir. À couteaux tirés est un film qui s’ouvre à un large public, dont la réelle force scénaristique se trouve dans l’humour de protagonistes caricaturaux et dans la qualité du casting. Si, après Star Wars, épisode VIII : Les Derniers Jedi (2017), Rian Johnson voit sa popularité remonter à la hausse avec À couteaux tirés, passer du space opera à une enquête comique, était un pari risqué. Il ne suffit pas de copier Hercule Poirot pour faire du Agatha Christie.
A couteaux tirés de Rian Johnson. Sortie le 27 novembre 2019. 2h 11min. Avec Daniel Craig, Chris Evans, Ana de Armas …
ACTEURS : Daniel Craig, Christopher Plummer, Ana de Armas, Chris Evans, Jami Lee Curtis, Don Jonhson, Michael Shannon, Riki Lindhome, Toni Collette, Katherine Langford, Jaeden Martell
ÉQUIPE TECHNIQUE:
Réalisation et scénario: Rian Johnson
Image : Steve Yedlin
Montage : Bob Ducsay
Production : Ram Bergman et Rian Johnson
Musique: Nathan Johnson