C’est une histoire scientifique à la croisée de la mycologie, de la psychopharmacologie et des grandes quêtes inachevées du XXe siècle. Une jeune étudiante américaine, Corinne Hazel, vient de mettre au jour un champignon mystérieux qui échappait depuis des décennies aux chercheurs — et même au célèbre chimiste suisse Albert Hofmann, l’inventeur du LSD.
Un vieux mystère enfin résolu
L’affaire commence il y a près de 80 ans, lorsque Hofmann, explorant la chimie des alcaloïdes d’ergot, identifie dans certaines plantes de la famille des Convolvulaceae (notamment les graines de morning glory, Turbina corymbosa et Ipomoea violacea) des composés proches du LSD, les amides de l’acide lysergique. Mais d’où provenaient ces molécules hallucinogènes dans des plantes sans lien direct avec l’ergot des céréales, habitat classique des Claviceps ? Hofmann soupçonne alors qu’un symbiote fongique inconnu pourrait être à l’œuvre, produisant ces substances au sein des tissus végétaux. Durant des décennies, les chercheurs échouent à isoler l’organisme exact, jusqu’à la découverte spectaculaire réalisée ces derniers jours par Corinne Hazel, étudiante en microbiologie environnementale à la West Virginia University.
Periglandula clandestina, un hôte invisible
Le nouveau champignon découvert a été baptisé Periglandula clandestina, en référence à son mode de vie très discret, endophyte, niché dans les tissus de ses plantes hôtes sans les détruire. Cette espèce appartient à un genre de champignons symbiotiques peu étudié jusqu’ici, qui cohabite étroitement avec certaines plantes tropicales. En analysant des échantillons de Ipomoea et de morning glory récoltés dans leur milieu naturel, Corinne Hazel a mis en évidence la présence de ce fongus microscopique et démontré qu’il synthétise bien les dérivés lysergiques responsables des propriétés hallucinogènes des graines. La confirmation a nécessité des analyses de pointe en biologie moléculaire, chromatographie et spectroscopie, validées par des équipes de chercheurs chevronnés de West Virginia et d’ailleurs. La publication scientifique détaillant la découverte est en préparation.

Des applications thérapeutiques en perspective
Au-delà de la curiosité mycologique, Periglandula clandestina attire déjà l’attention des laboratoires spécialisés en psychopharmacologie. Ses composés pourraient nourrir la nouvelle vague de recherche sur les psychédéliques thérapeutiques, notamment pour traiter des troubles comme :
- la dépression résistante,
- le stress post-traumatique (PTSD),
- les addictions sévères.
Plusieurs de ces indications sont déjà explorées avec le LSD, la psilocybine ou la kétamine. La possibilité d’obtenir des analogues lysergiques à partir de cette source naturelle ouvre potentiellement de nouvelles voies, plus contrôlées et reproductibles.
Une étudiante devenue héroïne scientifique
Corinne Hazel, originaire de Delaware (Ohio), n’est encore qu’en troisième année de licence, mais sa découverte fait d’ores et déjà d’elle une étoile montante de la recherche. Lauréate d’une prestigieuse bourse Goldwater, elle bénéficie désormais de soutiens académiques et industriels pour poursuivre ses travaux. Interrogée par les médias américains, elle confie : « J’étais fascinée par ce mystère depuis que j’ai commencé mes études. Cette découverte montre qu’il reste encore d’énormes zones d’ombre dans notre compréhension du vivant, même pour des organismes microscopiques qui partagent notre environnement depuis des siècles. »
Un hommage indirect à Albert Hofmann
Ironie de l’histoire scientifique : la découverte de Hazel boucle une boucle ouverte par Hofmann lui-même, décédé en 2008 à l’âge de 102 ans. Le maître de Bâle n’avait jamais pu isoler cet endophyte invisible qui complétait pourtant le tableau biologique des alcaloïdes lysergiques. Aujourd’hui, grâce au travail minutieux d’une jeune chercheuse, la science des psychotropes naturels gagne un nouvel acteur et relance l’exploration des alliances secrètes entre plantes et champignons.
